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24/04/2018 | FRANCE | N°17PA02087

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 avril 2018, 17PA02087


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 mars 2017 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 1705462/6-3 du 22 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 20 juin 2017 et le 17 janvier 20

18, le préfet de police, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement précité du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 mars 2017 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 1705462/6-3 du 22 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 20 juin 2017 et le 17 janvier 2018, le préfet de police, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la décision de la CNDA a bien été notifiée à M.D..., dans une langue qu'il comprend, le 6 octobre 2015 ;

- les décisions attaquées ont été signées par une autorité compétente ;

- l'arrêté est suffisamment motivé ;

- il n'est pas entaché d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M.D... ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- il est constant que l'intéressé ne produit aucune pièce nouvelle permettant de démontrer qu'il serait personnellement et directement exposé à un risque réel et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays ; de surcroît l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile, rejet confirmé par la CNDA.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2017, M. D..., représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le préfet de police ne produit pas la preuve de la notification de la décision de la CNDA à M.D... ni la preuve de ce que le sens de cette décision a été notifié au requérant dans une langue qu'il comprend.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

4 décembre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pena a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.D..., ressortissant bangladais né en 1989 et entré en France, selon ses déclarations, le 15 septembre 2013, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile sur le fondement des articles L. 314-11 8° et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police relève appel du jugement du 22 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 mars 2017 faisant obligation à M. D...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 414-3 du code de justice administrative :

" (...) Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats (...) " ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.D..., la requête présentée par le préfet de police par le biais de l'application télérecours, qui comprend plusieurs pièces, comporte une présentation qui ne méconnaît pas les exigences prévues par les dispositions précitées de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par M. D...doit donc être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés ou apatrides ou, si recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile " ; et qu'aux termes de l'article R. 733-20 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police, ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception (...) " ;

5. Considérant que, pour annuler l'arrêté attaqué, les premiers juges ont considéré que le préfet de police ne pouvait prendre à l'encontre de M. D...une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, de la notification de la décision de la CNDA rejetant la demande d'asile déposée par celui-ci ; que, néanmoins, le préfet produit devant la cour l'avis de réception du courrier de notification de la décision de la CNDA, signé par M. D...le 1er octobre 2015, ainsi que la décision en question dont le sens a bien été traduit en bengali, langue que l'intéressé a déclaré comprendre lors de son audition du 24 mars 2017 ; qu'ainsi, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé sa décision d'obligation de quitter le territoire français ;

6. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

7. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2017-00158 du 28 février 2017, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris n° 19 du 7 mars 2017, le préfet de police a accordé à Mme B...C..., attachée d'administration de l'Etat, une délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que MmeC..., signataire de l'arrêté attaqué, n'aurait pas disposé d'une délégation de signature à l'effet de signer les décisions attaquées ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ainsi que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il précise, également, que M. D...est dépourvu de passeport et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ; que l'arrêté en litige indique, en outre, que compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. D...au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il comporte, ainsi, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de titre de séjour ainsi que celle portant obligation de quitter le territoire français, laquelle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation desdites décisions doit être écarté comme manquant en fait ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen personnel de la situation de M. D...;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article

L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable " ;

11. Considérant, toutefois, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ; que M. D...a pu présenter ses observations, lesquelles ont été consignées dans un procès-verbal d'audition établi par les forces de l'ordre à la suite de son interpellation, le 24 mars 2017 ; que l'intéressé a été interrogé spécifiquement sur les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français ainsi que sur sa situation personnelle et familiale en France et dans son pays d'origine ; qu'il a également été avisé du fait qu'il allait faire l'objet d'une mesure d'éloignement et a été mis à même de présenter des observations sur cette décision ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que M. D...aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'éloignement contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure ; qu'ainsi, le droit de M. D...à être entendu n'a pas été méconnu ;

12. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

" Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) " ; que, si le moyen tiré de la violation de ces articles est inopérant à l'encontre des décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français, il peut utilement être invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

13. Considérant que M. D...soutient qu'il est en danger en cas de retour au Bangladesh ; que, toutefois, la pièce versée au dossier, à savoir un courrier de son avocat en date du 4 mai 2017 n'est pas de nature à établir de manière suffisamment probante qu'il serait personnellement exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine, alors que l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile ont refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié ; que, par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit

d'asile ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 mars 2017 ; que l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées pour M. D...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1705462/6-3 du 22 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 avril 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 17PA02087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02087
Date de la décision : 24/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SIMORRE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-04-24;17pa02087 ?
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