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24/04/2018 | FRANCE | N°14PA04298

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 avril 2018, 14PA04298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions par lesquelles le ministre des affaires sociales et de la santé et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ont rejeté ses demandes indemnitaires préalables tendant à ce qu'elle soit indemnisée des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la prise du médicament Médiator, et dans le dernier état de ses écritures, de condamner solidairement l'Etat et l'Agence nationale de sécurité

du médicament et des produits de santé à lui verser les sommes de 5 850 euros au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions par lesquelles le ministre des affaires sociales et de la santé et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ont rejeté ses demandes indemnitaires préalables tendant à ce qu'elle soit indemnisée des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la prise du médicament Médiator, et dans le dernier état de ses écritures, de condamner solidairement l'Etat et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à lui verser les sommes de 5 850 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 10 000 euros au titre des souffrances endurées, 16 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent (subsidiairement en incluant l'angoisse du suivi : 31 800 euros), 50 000 euros au titre de l'aide d'une tierce personne, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, et 15 000 euros au titre du préjudice d'anxiété.

Par un jugement avant dire droit n° 1312485 du 12 septembre 2014, le tribunal administratif de Paris a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables éventuelles pour Mme A...de l'absorption du Médiator et prescrit une expertise.

Par un jugement n° 1312482 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris condamné l'Etat à verser à Mme A...une indemnité de 22 885 euros.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 22 octobre 2014, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement avant dire droit du 12 septembre 2014 ;

2°) de considérer à titre principal que la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée et à titre subsidiaire que les fautes du laboratoire Servier sont de nature à exonérer l'Etat de toute responsabilité ;

3°) de rejeter les demandes de MmeA....

Le ministre soutient que :

- l'absence de toute collaboration entre l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et le laboratoire Servier exclut en droit la condamnation in solidum de l'Etat ;

- les pouvoirs de l'AFSSAPS ne lui permettaient pas de contrôler l'activité scientifique et commerciale du laboratoire Servier ;

- les manoeuvres du laboratoire Servier, exceptionnelles par leur durée et leur gravité, présentent le caractère d'une tromperie qui exonère l'Etat d'une éventuelle responsabilité.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 5 mars 2015, Mme B...A..., représentée par la société d'avocats Verdier et associés, demande à la cour :

1°) d'ordonner au magistrat instructeur du pôle santé publique du tribunal de grande instance de communiquer le rapport d'expertise versé au dossier le 20 décembre 2013 ;

2°) de confirmer le jugement avant dire droit du 12 septembre 2014 en tant qu'il a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables de l'absorption du Médiator ;

3°) par la voie de l'appel incident, de dire que cette responsabilité est encourue à partir de l'autorisation de mise sur le marché du Médiator ou à titre subsidiaire à compter de 1994 et en toute hypothèse au plus tard au 10 mai 1995 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une provision de 50 000 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement de l'article L. 793-1 du code de la santé publique à compter de la mise sur le marché du Médiator en 1974 ;

- à titre subsidiaire, elle est engagée à compter de 1994 ou de 1995, date à laquelle la toxicité de la norfenfluramise a été connue ;

-le rapport de l'ONIAM qu'elle produit établit le lien causal entre sa pathologie cardiaque et l'exposition au Médiator ;

- les troubles dont elle est affectée et le préjudice d'anxiété justifient l'octroi d'une provision de 50 000 euros.

Par des mémoires enregistrés les 4 septembre 2015 et 4 mars 2016, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes conclut aux mêmes fins que la requête et demande à la cour de rejeter l'appel incident de MmeA....

Il soutient que :

- Mme A...ne peut prétendre cumuler l'indemnisation sollicitée de l'ONIAM et celle demandée à la cour ;

- elle ne peut contester devant la juridiction administrative l'offre d'indemnisation qui lui a été faite par le laboratoire Servier ;

- la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée avant 1999, date à laquelle a été reconnue la toxicité du benflurex n'a pas été connue avant 1999 ;

- le préjudice d'anxiété, reconnu dans les cas d'exposition à l'amiante, n'est pas justifié dans le cas d'une valvulopathie dont les conséquences sont moindres.

Par des mémoires enregistrés les 20 octobre 2015 et 30 mai 2017, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé représentée par la société d'avocats Fischer, Tandeau, de Marsac, Sur et associés, puis par l'AARPI Chaber-Lastelle-Schmelck, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ou à défaut, de se faire communiquer l'ensemble des pièces du dossier pénal ;

2°) d'infirmer le jugement n° n° 1312482 du 7 août 2014 en tant qu'il a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables de l'absorption du Médiator ;

3°) de rejeter les demandes de MmeA....

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à sa demande de sursis à statuer ;

- l'Etat ne saurait être condamné pour des faits qui font l'objet d'une procédure pénale en cours sans qu'il soit porté atteinte à la présomption d'innocence ;

- le tribunal ne pouvait se prononcer sur le principe de la responsabilité avant d'avoir statué sur la causalité ;

- la causalité, qui n'est pas certaine, ne pouvait être supposée sur le fondement du rapport d'une expertise à laquelle l'Etat n'était pas associé et qui ne lui est pas opposable ;

- la saisine de l'ONIAM et celle du juge pénal par Mme A...font obstacle à une indemnisation dans le cadre de la présente procédure, ou à tout le moins à une double indemnisation ;

- les tromperies du laboratoire Servier font obstacle à l'engagement de la responsabilité de l'Etat ;

- en prononçant une condamnation solidaire de l'Etat et du laboratoire Servier, le tribunal a commis une erreur de droit ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat le 9 novembre 2016.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 décembre 2017.

Par courriers du 8 mars 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur la requête dirigée contre le jugement avant-dire droit, le tribunal ayant statué au fond sur les demandes de la requérante par un jugement devenu définitif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant que Mme A...a pris du Mediator à tout le moins de 2003 à novembre 2009, date de la suspension de l'autorisation de mise sur le marché de ce médicament ; qu'elle a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à l'indemniser du préjudice qu'elle estime subir du fait de de son exposition au benfluorex, principe actif du Mediator ; que, par un jugement avant dire droit du 12 septembre 2014, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, jugé que seule la responsabilité de l'Etat, au nom duquel ont été prises les décisions du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé relatives aux médicaments, pouvait être recherchée ; qu'il a, d'autre part, jugé que l'absence de suspension ou de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du Mediator à compter de juillet 1999 revêtait le caractère d'une carence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat, ; qu'il a enfin prescrit une expertise ; que par un jugement du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris, après avoir considéré que les agissements fautifs des laboratoires Servier avaient été de nature à exonérer l'Etat, pour l'ensemble de la période du 7 juillet 1999, date à laquelle sa responsabilité s'est trouvée engagée, au 30 novembre 2009, date à laquelle sa responsabilité a cessé, de 70 % de cette responsabilité quant à la réparation des conséquences dommageables pour les patients de la prise de Médiator, a condamné l'Etat à verser à MmeA... une indemnité de 22 885 euros ; que ce jugement est devenu définitif faute d'avoir été frappé d'appel ; que le recours du ministre des solidarités et de la santé tendant à l'annulation du jugement avant dire droit du 12 septembre 2014 par lequel le tribunal avait statué sur le principe de la responsabilité de l'Etat est dès lors dépourvu d'objet ; qu'il en va de même de l'appel incident de MmeA... formé contre ce même jugement ;

2. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de Mme A...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours du ministre des solidarités et de la santé et sur l'appel incident de MmeA....

Article 2 : Les conclusions de Mme A...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre des solidarités et de la santé et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Copie en sera adressée pour information à l'ONIAM.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 avril 2018.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N°14PA04298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04298
Date de la décision : 24/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : FISCHER, TANDEAU DE MARSAC, SUR et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-04-24;14pa04298 ?
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