Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...A...-D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom patronymique celui deD....
Par jugement n° 1603355/4-2 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. A...-D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2017, M. A...-D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1603355/4-2 du 24 mars 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le refus de changement de nom méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 61 du code civil éclairées par la jurisprudence du Conseil d'Etat car il justifie d'un motif affectif réel du fait de son abandon par son père et il fait un usage constant et continu du nom deD....
La requête a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... -D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 25 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Valéry, avocat de M. A...-D....
1. Considérant que M. A...-D... a porté à sa naissance le 9 août 1994 le seul nom de " A... ", qui est celui de son père ; que, par déclaration commune du 18 juin 2005, ses parents ont souhaité qu'il soit adjoint au nom du père le nom de la mère, " D... " ; que, par une requête publiée au Journal officiel des 8 et 10 octobre 2015, M. A...-D... a saisi le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une demande tendant à ce que soit substitué à son nom le nom de " D... " ; que cette demande a été rejetée par une décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 4 janvier 2016, dont l'intéressé a demandé l'annulation ; que par jugement du 24 mars 2017 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que par la présente requête, M. A...relève régulièrement appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret " ; que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;
3. Considérant, d'une part, que M. A...-D... fait valoir le désintérêt affectif et matériel à son égard de son père, qui a quitté le domicile familial alors qu'il était âgé de près de 8 ans, ainsi que les préjudices psychologiques en résultant pour lui ; que toutefois les pièces du dossier, notamment le jugement du tribunal correctionnel de Lille du 31 janvier 2006 condamnant le père pour abandon de famille et le jugement du juge aux affaires familiales du 17 juin 2008 confiant l'exercice de l'autorité parentale à la mère seule, montrent un exercice, quoique irrégulier, de son droit de visite et d'hébergement par le père du requérant et un paiement au moins partiel de la pension alimentaire décidée en 2002 ; qu'ils n'établissent donc pas l'abandon total allégué, alors qu'aucun document médical ne vient étayer le traumatisme psychologique invoqué ; que, dès lors, l'existence de circonstances exceptionnelles caractérisant un intérêt légitime, au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil, justifiant qu'il soit dérogé pour un motif d'ordre affectif au principe de fixité du nom patronymique, n'est pas établie par les pièces du dossier ;
4. Considérant, d'autre part, qu'en soutenant faire usage du seul nom de " D... " dans la vie quotidienne, M. A...-D..., qui a fait valoir un tel motif dans sa demande de changement de nom reçue par le garde des sceaux, ministre de la justice le 26 décembre 2011, doit être regardé comme se prévalant d'une possession d'état depuis 2005 ; qu'un tel usage n'est pas suffisamment ancien, constant et ininterrompu pour constituer un intérêt légitime à changer de nom ;
5. Considérant, par suite, que le garde des sceaux a pu, sans méconnaitre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article 61 du code civil, refuser le changement de nom demandé ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que sa requête d'appel, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, supporte, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais de procédure exposés, doit être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...-D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...-D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
Le rapporteur,
A. LEGEAILe président,
S. PELLISSIER Le greffier,
M.C...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
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N° 17PA01760