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11/04/2018 | FRANCE | N°17PA01714

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 11 avril 2018, 17PA01714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Euro Knit Fabrics a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 ainsi que des pénalités y afférentes, et la restitution d'un crédit d'impôt recherche dont elle s'estime bénéficiaire, pour un montant de 500 000 euros au titre de l'année 2009 ;

Par un jugement n° 1600811/1-2 du 28 mars 2017 le Tribunal administ

ratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Euro Knit Fabrics a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 ainsi que des pénalités y afférentes, et la restitution d'un crédit d'impôt recherche dont elle s'estime bénéficiaire, pour un montant de 500 000 euros au titre de l'année 2009 ;

Par un jugement n° 1600811/1-2 du 28 mars 2017 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 22 mai 2017, 26 et

27 décembre 2017, 21 janvier et 14 février 2018, la société Euro Knit Fabrics, représentée par Me C...B..., puis Me A...Ketchedjian demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600811/1-2 du 28 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge et le remboursement du crédit d'impôt recherche sollicités devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité de la procédure de contrôle :

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales en ne lui indiquant pas l'origine et la teneur de certaines informations sur lesquelles elle s'est fondée pour redresser l'impôt et en ne faisant pas droit à sa demande de communication de documents ;

- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable étaient insuffisamment motivées ;

- l'administration a irrégulièrement refusé de soumettre à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le différent portant sur l'appréciation des frais de collection dans le cadre du crédit impôt recherche ;

- l'administration l'a irrégulièrement privée des garanties applicables en matière d'abus de droit ;

S'agissant du redressement en base de l'impôt sur les sociétés :

- l'administration n'était pas fondée à invoquer l'avis rendu par la commission départementale des impôts et taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle ne s'est prononcée que sur le caractère excessif de la charge correspondant aux factures émises par la société AMS Studio ;

- la réalité des prestations fournies par la société AMS Studios a été reconnue par l'administration ; les frais de sous-traitance et d'élaboration d'une nouvelle collection sont justifiés ;

- c'est à tort que le tribunal a dénié toute valeur probante au contrat signé avec la société AMS Studios et a estimé que ce contrat n'avait pas produit d'effet et qu'aucune production n'avait, en application de celui-ci, commencé en 2009 ;

- ce contrat ne portait pas sur la production de marchandises mais sur la réalisation d'une collection et de prototypes en bambou ; la société AMS Studios n'était pas son sous-traitant mais son fournisseur ;

- le défaut de paiement des factures ne saurait justifier le rejet de la charge ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion ;

S'agissant du droit au crédit d'impôt recherche :

- les conditions pour bénéficier d'un crédit d'impôt recherche étaient réunies pour l'année 2009 ; elle peut se prévaloir des paragraphes 8 et 9 de la doctrine administrative référencée 4A-4151 n°3 du 9 mars 2001 ; le bénéfice du crédit d'impôt ne pouvait lui être refusé au motif qu'elle recourait à la sous-traitance alors qu'elle était propriétaire des matières premières et assumait tous les risques de la fabrication et de la commercialisation ;

S'agissant des pénalités :

- l'administration n'établit pas l'existence d'un manquement délibéré justifiant l'application des pénalités.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 septembre 2017 et le 24 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 31 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au

14 février 2018 à 12heures.

Le ministre de l'action et des comptes publics a produit un mémoire le 12 mars 2018 soit après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de Me Ketchedjian, avocat de la société Euro Knit Fabrics.

1. Considérant que la SARL Euro Knit Fabrics, dont le gérant est M. S. Amsellem, et qui exerce une activité de commerce de gros et de fabrication de prêt-à-porter, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de l'année 2009, à l'issue de laquelle l'administration a rehaussé son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au motif qu'une somme de 1 200 000 euros, comptabilisée comme dépense de recherche, n'avait pas été exposée dans l'intérêt de l'entreprise ; que le service vérificateur a conséquemment assujetti la société requérante à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice vérifié et a remis en cause le crédit d'impôt recherche qui lui avait été précédemment accordé et qui avait donné lieu à une restitution ; que la SARL Euro Knit Fabrics, après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, desdits suppléments d'impôts et la restitution du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime bénéficiaire, pour un montant de 500 000 euros au titre de l'année 2009, relève appel du jugement n° 1600811/1-2 du 28 mars 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la régularité de la procédure :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation d'information et de communication qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ;

3. Considérant, d'une part, que dans la proposition de rectification du 26 novembre 2012 et dans la réponse faite le 26 avril 2013 aux observations du contribuable, l'administration relève que M. A. Amsellem, frère du dirigeant et associé de la société requérante, est dirigeant de la société AMS Studios, que MM. A. et S. Amsellem sont associés ou dirigeants de nombreuses autres sociétés qui sollicitent également des crédits d'impôts au titre de la recherche pour frais de collection, et fait état des parts détenues par chacun dans le capital des sociétés concernées ; que ces informations étant des informations publiques, accessibles notamment sur le registre du commerce et des sociétés, l'administration n'était pas tenue, en vertu des dispositions susmentionnées, d'en communiquer l'origine ; que les informations relatives aux liens de parentés unissant les dirigeants respectifs de ces sociétés, de même que celles tenant à ce qu'une grande partie de la collection d'Euro Knit Fabrics a été sous-traitée, pour le compte d'AMS Studios, à une société établie en Tunisie, étaient, eu égard à leur teneur, nécessairement connues de la société requérante ; que dans ces conditions, en ne lui en communiquant pas l'origine, l'administration ne l'a, en tout état de cause, privée d'aucune garantie ; que si l'administration a fait état de l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires concernant la société AMS Studios, les rectifications litigieuses opérées à l'encontre de la société requérante ne sont pas fondées sur les informations contenues dans cet avis, dont disposait l'administration ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, aurait eu recours pour asseoir les impositions litigieuses, à d'autres renseignements provenant de tiers et dont elle se serait abstenue, en méconnaissance des dispositions susénoncées, de communiquer au contribuable l'origine et la teneur ;

4. Considérant, d'autre part, que si dans la proposition de rectification, le vérificateur, après avoir relevé l'absence de justifications apportées par la société concernant des frais de collections imputés par elle en charge, ajoute incidemment et de manière superfétatoire que ceux-ci sont élevés eu égard aux us et coutumes du secteur, il ne résulte pas de l'instruction que, pour porter cette appréciation générale, le vérificateur aurait eu recours à des documents précis provenant d'autres entreprises du secteur ou à des études comparatives ; que par suite, l'administration, en ne faisant pas droit à la demande de communication de documents afférents aux us et coutume du secteur, formulée par la société requérante, n'a pas méconnu les dispositions susénoncées ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations ;

6. Considérant que la proposition de rectification adressée à la société requérante, indique qu'elle concerne l'impôt sur les sociétés, qu'elle porte sur les exercices clos en 2009 et 2010, que les rehaussements seront effectués selon la procédure contradictoire et, après avoir rappelé les modalités d'exercice par la société de son activité, expose les raisons pour lesquelles l'imputation de certaines charges comme celles afférentes à des frais de collection lui parait procéder d'un acte anormal de gestion ; qu'elle justifie ainsi la réintégration des montants en cause dans les résultats de la société et la remise en cause du crédit d'impôt recherche dont celle-ci a bénéficié ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification du 26 novembre 2012 ne peut qu'être écarté ; que de même, la réponse en date du 26 avril 2013 faite par l'administration à la suite des observations formulées par la société requérante sur les rectifications proposées, rappelle les modalités de fonctionnement propres à la société et les constatations faites sur place lors du contrôle, sur lesquelles elle se fonde pour maintenir les rectifications proposées ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette lettre manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I.-La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition " ; qu'il résulte de l'instruction que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie du différent opposant la société requérante à l'administration concernant le montant de ses résultats et donc également le montant des charges déductibles de ceux-ci ; que le désaccord opposant la société requérante à l'administration concernant la remise en cause du crédit impôt recherche, qui est une modalité du paiement de l'impôt dû par le contribuable, n'entre dans aucun des cas susceptibles d'être soumis à ladite commission en application des dispositions susrappelées, dès lors qu'il ne peut se rattacher aux débats portant sur la détermination des bases d'imposition et notamment du bénéfice industriel et commercial ; que le moyen tiré de ce que l'administration aurait irrégulièrement refusé de soumettre le désaccord portant sur ce point à la commission ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles./ En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.(...) " ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a fait valoir, tant dans la proposition de rectification du 26 novembre 2012 qu'au cours de la procédure contentieuse, que la société Euro Knit Fabrics n'a pas pu justifier des travaux et prestations afférents à l'élaboration de collections prétendument réalisés par la société AMS Studios ou de la production de marchandises par la société SMTC, pour lesquels des frais lui ont été facturés et que par suite, les prestations facturées présentaient un caractère fictif ; que l'administration n'a pas, ce faisant, argué, même implicitement, de la dissimulation de la portée véritable d'aucune convention ou d'aucun contrat ; que, par suite, la société Euro Knit Fabrics ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article

L. 64 du livre des procédures fiscales, qui ne trouvaient pas à s'appliquer ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

9. Considérant que, tant dans la proposition de rectification que durant la procédure contentieuse, l'administration s'est fondée sur l'article 39-1 du code général des impôts pour procéder aux rectifications litigieuses ; qu'elle a, en effet, considéré que la société Euro Knit Fabrics ne justifiant pas du caractère de charges déductibles de dépenses dont la contrepartie ne pouvait être tenue pour établie, elle avait procédé à un acte anormal de gestion ; que la société requérante n'est, par suite, pas fondée à invoquer une substitution de base légale opérée par l'administration ;

10. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts :

" Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature " ; que pour être admis en déduction des bénéfices imposables les frais et charges doivent, d'une manière générale être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise, mais aussi correspondre à une charge effective, être appuyés de justifications suffisantes et être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont été engagés ; qu'il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ;

11. Considérant que, pour justifier de l'inscription en charge de la somme litigieuse de 1 200 000 euros, la société requérante se prévaut de factures émises par la société AMS Studios ; que toutefois, l'administration relève qu'aucune facture d'un montant de 1 200 000 euros n'a été présentée au cours du contrôle, que ce montant est supérieur à celui figurant dans le contrat signé entre la société requérante et la société AMS Studios, que les gérants des sociétés en cause sont frères, le gérant de la société requérante détenant en outre 50% des parts de la société AMS Studios, que certaines factures émises par la société AMS Studios entre mai et décembre 2009 et relatives à des frais de collection ont été comptabilisées de manière globale par la société Euro Knit Fabrics via une écriture d'opérations diverses passée le 31 décembre 2009 et n'ont, au surplus, donné lieu qu'à un unique versement de 115 760 euros effectué au cours de l'exercice suivant, sans que la société requérante ait été destinataire d'une quelconque relance en vue de procéder plus tôt à leur acquittement ; qu'alors que ces indices relevés par l'administration sont de nature à faire douter de l'existence d'une contrepartie à ces facturations pour un montant total de 1 200 000 euros, la SARL Euro Knit Fabrics ne verse aux débats que la copie d'un acte sous seing privé signé avec la société AMS Studios, acte dépourvu de date certaine, qui mentionne, au demeurant, une somme d'un montant minimum forfaitaire de 1 000 000 euros et stipule que " les règlements s'effectueront dès le lancement de la production " ; que cet acte n'est accompagné d'aucune pièce démontrant la réalité des prestations servies par la société AMS Studios en application de ce contrat, notamment d'aucun échange entre les sociétés concernant le suivi des prétendues prestations supposées consister en l'élaboration d'une nouvelle collection de prêt-à-porter, alors que ledit contrat se borne à indiquer, sans autre précision notamment en termes de délais ou de nombre de modèles et prototypes envisagés, que "la société AMS Studios s'engage par le présent contrat, qui a pour objet la collection hiver-été 2010 en fibre organique, à réaliser l'étude et la mise au point de nouvelles collections pour l'équipement de la femme, prêt-à-porter, patronages, mise au point de tous les cycles entrant dans la réalisation du produit fini et suivi de prototypes à l'usage de la société Euroknit " ; que si la société requérante se prévaut de ce que le vérificateur a indiqué dans sa proposition de rectification qu'un dossier constitué de schémas, dessins, patrons et mesures pour des modèles lui a été présenté et qu'en fin de contrôle, après de nombreuses demandes, des prototypes lui ont été présentés, cette circonstance ne saurait suffire à démontrer, non plus que le procès verbal de dépôt, dressé le 3 février 2010 par un huissier faisant état du contrôle de deux exemplaires d'un volume de 605 pages rassemblant une collection de prêt-à-porter présentée comme ayant été réalisée par la société AMS Studios pour la société Euro Knit Fabrics, l'existence d'une prestation effectivement réalisée par la société AMS Studios et équivalant à la somme de 1 200 000 euros facturée par la celle-ci au titre de l'année 2009 ; que dans ces conditions l'administration était fondée à réintégrer au résultat imposable de la SARL Euro Knit Fabrics de l'exercice clos en 2009 la somme de 1 200 000 euros ;

En ce qui concerne le crédit d'impôt recherche :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I-" Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année(...)/II- Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont (...) / h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (...) ; / i) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections confiée par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir à des stylistes ou bureaux de style agréés selon des modalités définies par décret (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le bénéfice du crédit d'impôt recherche est ouvert, sur le fondement du h) ou du i) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, aux entreprises du secteur textile-habillement-cuir qui exercent une activité industrielle ; qu'ont un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la SARL Euro Knit Fabrics ne démontre pas qu'elle aurait effectivement exposé les dépenses dont elle soutient qu'elles auraient eu le caractère de dépenses de recherche entrant dans le champ de ces dispositions ; qu'au surplus, alors que l'administration fait valoir que la société requérante ne dispose d'aucune immobilisation permettant la production de textile et d'habillement et envisageait de faire fabriquer la totalité de sa production hors de France, celle-ci, en se bornant à faire état d'achat de matières premières destinées à ses sous-traitants installés hors de France et notamment en Tunisie, ne justifie pas qu'elle pouvait être regardée comme une entreprise industrielle du secteur " textile-habillement-cuir " au sens des dispositions précitées susceptible du bénéficier d'un crédit d'impôt à raison des dépenses litigieuses ;

14. Considérant que la société requérante se prévaut des paragraphes de la doctrine administrative référencée 4A-4151 n°3 du 9 mars 2001 relatifs à la définition des entreprises exerçant une activité industrielle, qui prévoient que le bénéfice du crédit d'impôt ne peut être refusé aux entreprises industrielles qui sous-traitent leur fabrication à des tiers dès lors qu'elles sont propriétaires des matières premières et assument tous les risques de la fabrication et de la commercialisation ; que toutefois, elle ne peut utilement invoquer le bénéfice de ces dispositions dès lors que le crédit d'impôt recherche lui est refusé au motif qu'elle ne justifie pas que la somme de 1 200 000 euros susmentionnée aurait effectivement eu pour contrepartie la réalisation d'une prestation de recherche par la société AMS Studios ;

Sur les pénalités :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts :

" Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

16. Considérant que, pour justifier l'application de la majoration prévue par ces dispositions, l'administration relève que la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle n'avait pas exposé de dépenses ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt recherche pour le montant revendiqué de 1 200 000 euros, soit un montant très élevé eu égard au chiffre d'affaires et à la capacité financière des deux entreprises en cause ; qu'elle fait également valoir que, compte tenu notamment des liens unissant les gérants de la société requérante et de la société AMS Studios, les factures émises, qui ne correspondaient pas à des frais d'élaboration de collection, avaient permis de faire naître un avantage indu au profit de cette dernière ; qu'eu égard à ces éléments, l'administration fiscale doit être regardée, d'une part, comme apportant la preuve de l'intention de la société requérante d'éluder l'impôt et, d'autre part, comme ayant suffisamment justifié l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Euro Knit Fabrics n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement, à la décharge des impositions litigieuses et à la restitution du crédit d'impôt doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Euro Knit Fabrics est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Euro Knit Fabrics et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 avril 2018.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01714
Date de la décision : 11/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : KETCHEDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-04-11;17pa01714 ?
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