La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2018 | FRANCE | N°17PA00329

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 avril 2018, 17PA00329


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1601595 du 24 novembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2017, et un mémoire complémentaire ainsi que des pièces enregistrés le 6 juin 2017, M.D..., représenté par Me B..., demande à la

Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1601595 du 24 novembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2017, et un mémoire complémentaire ainsi que des pièces enregistrés le 6 juin 2017, M.D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 janvier 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du préfet du Val-de-Marne a été adopté par une autorité incompétente ;

- il est entaché d'un défaut de motivation ;

- il a été adopté aux termes d'une procédure irrégulière : en effet, le préfet du Val-de-Marne aurait dû examiner sa demande sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;

- il est entaché d'erreur de droit, le préfet ne devant examiner sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, qu'au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation puisqu'il justifie de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis 2012, est titulaire d'un contrat de travail et bénéficie ainsi que son épouse de titres de séjour délivrés par les autorités italiennes ;

- il porte en outre une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où il vit en France avec son épouse et leurs deux enfants dont l'ainé y est scolarisé.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par courrier du 19 mars 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour envisage de substituer le pouvoir général de régularisation dont dispose le préfet à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au fondement de la décision portant refus de titre de séjour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.D..., de nationalité tunisienne, né le 5 janvier 1977, est entré, selon ses déclarations, en France en 2012 ; qu'il a demandé la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 6 janvier 2016, le préfet du Val-de-Marne a refusé de l'admettre au séjour ; que M. D...relève appel du jugement du 24 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2013/405 du 5 février 2013 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le lendemain, le préfet du Val-de-Marne a donné à M. E...C..., directeur de l'immigration et de l'intégration, délégation pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de titre de séjour opposé à M. D...comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que si M. D...soutient qu'il devait se voir attribuer un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement de ces stipulations, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que l'intéressé n'a pas présenté sa demande de titre de séjour sur ce fondement ; qu'au demeurant , M. D...ne démontre pas qu'il pourrait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " prévu par ces stipulations de l'accord franco-tunisien ; qu'en effet il n'a produit ni un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, ni d'autorisation de travail ; qu'en outre, il ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français ;

5. Considérant, en quatrième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

6. Considérant, d'autre part, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 en matière de séjour et de travail : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ; que le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ; que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'il en va notamment ainsi en ce qui concerne le titre de séjour portant la mention " salarié ", mentionné à l'article 3 de cet accord, délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles L. 5221-2, R. 5221-11, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail, qui précisent les modalités et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail, et des dispositions des articles L. 313-2 et R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, imposant la production d'un visa de long séjour ;

7. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, le préfet de police ne pouvait examiner la demande de titre de séjour en qualité de salarié déposée par M. D...au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dès lors, la décision de refus de séjour litigieuse est entachée d'une erreur de droit ;

8. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

9. Considérant que, comme il a été dit, ci-dessus, le requérant n'a produit ni un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, ni une autorisation de travail ; qu'en outre, il ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français ; qu'enfin, il ne fait état d'aucun motif exceptionnel susceptible de justifier sa régularisation ; que dès lors, compte tenu de la situation professionnelle et personnelle de l'intéressé, le préfet du Val de Marne n'a pas entaché sa décision refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour, d'erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant, en dernier lieu, que M. D...soutient que l'arrêté du préfet du Val-de-Marne porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale puisqu'il justifie de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis 2012, qu'il est titulaire d'un contrat de travail, qu'il bénéficie ainsi que son épouse, de titres de séjour délivrés par les autorités italiennes et qu'ils vivent en France avec leurs deux enfants dont l'ainé y est scolarisé ; que, toutefois, son épouse également de nationalité tunisienne est en situation irrégulière sur le territoire français ; que rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale des époux D...et de leurs enfants se poursuive dans leur pays d'origine ou en Italie ; que ce moyen doit donc être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau , président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 avril 2018.

Le rapporteur,

D. PAGESLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA00329 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00329
Date de la décision : 10/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-04-10;17pa00329 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award