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10/04/2018 | FRANCE | N°16PA00134

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 10 avril 2018, 16PA00134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat - ministère de la justice à lui verser une somme de 40 000 euros au titre de son préjudice moral, une somme de 11 263,63 euros correspondant à un trop-perçu que le Garde des Sceaux, ministre de la justice, lui a réclamé et, enfin, une indemnité de 40 000 euros pour son préjudice financier, assorties des intérêts de droit.

Par un jugement n° 1406708/5-2 du 12 novembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa dem

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat - ministère de la justice à lui verser une somme de 40 000 euros au titre de son préjudice moral, une somme de 11 263,63 euros correspondant à un trop-perçu que le Garde des Sceaux, ministre de la justice, lui a réclamé et, enfin, une indemnité de 40 000 euros pour son préjudice financier, assorties des intérêts de droit.

Par un jugement n° 1406708/5-2 du 12 novembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 janvier 2016 et 13 mars 2018,

Mme D...représentée par Me C...B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1406708/5-2 du

12 novembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable ;

3°) de condamner l'Etat - ministère de la justice à lui verser une somme de 40 000 euros au titre de son préjudice moral, une somme de 11 263,63 euros correspondant au trop-perçu que le Garde des Sceaux, ministre de la justice, lui a réclamé et, enfin, une indemnité de 40 000 euros pour son préjudice financier, assorties des intérêts de droit ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute pour la minute d'avoir été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ;

- elle a été victime d'un harcèlement moral ;

- le Garde des Sceaux, ministre de la justice a commis deux négligences fautives en lui versant un trop perçu et en ne valorisant ni son salaire, ni ses primes, et plus particulièrement la prime de gratification exceptionnelle et la prime modulable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2017, le Garde des Sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de MmeA...,

- et les observations de MeB..., pour MmeD....

Une note en délibéré, enregistrée le 31 mars 2018, a été présentée pour MmeD....

1. Considérant que Mme D...a été recrutée en 2001 comme rédacteur, en qualité de vacataire, et affectée au service de la communication et des relations internationales de la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice ; qu'après le renouvellement de son contrat et sa transformation en durée indéterminée, elle a été affectée à la direction des services judiciaires en qualité de chargée de communication, au sein du pôle communication du cabinet de la directrice des services judiciaires, à compter du 1er septembre 2008 ; qu'elle a été nommée adjointe du chef du pôle communication par un avenant à son contrat daté du 25 mai 2011 ; qu'elle a exercé en outre à deux reprises la fonction de chef du pôle communication par intérim, en 2010 et 2012 ; que, par une lettre du 20 décembre 2013, elle a sollicité, d'une part, la remise gracieuse d'un trop perçu de rémunération et, d'autre part, une indemnisation pour le non paiement du supplément familial de traitement, la régularisation de son traitement à compter de 2009, le paiement d'une prime modulable et une indemnité au titre de son préjudice moral ; que, par un jugement du

12 novembre 2015, dont Mme D...relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat - ministère de la justice à lui verser une indemnité totale de 91 263,63 euros, assortie des intérêts moratoires à compter de la notification de cette demande préalable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-1 du code de justice administrative ; que, par suite, le moyen de régularité tiré de ce que le jugement attaqué méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur la recevabilité des conclusions de première instance relatives au harcèlement moral :

3. Considérant qu'une demande présentée au juge pour qu'elle soit de nature à lier le contentieux doit inclure les mêmes parties, porter sur le même objet et se fonder sur les mêmes causes juridiques que la réclamation préalable ; qu'en l'espèce, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, a opposé, en première instance, à titre principal l'irrecevabilité des conclusions relatives au harcèlement moral pour défaut de liaison du contentieux et n'a défendu sur le fond qu'à titre subsidiaire ; qu'en indiquant dans sa demande préalable, qu'elle cherchait à engager la responsabilité du Garde des Sceaux, ministre de la justice, pour les négligences fautives dont il se serait rendu coupable en ne réajustant pas son salaire et en ne lui versant pas deux primes et ce " indépendamment des préjudices dont elle pourrait demander réparation dans le cadre d'une éventuelle procédure pour harcèlement moral ", Mme D...doit être regardée comme n'ayant pas entendu dans cette demande préalable, engager la responsabilité de l'Etat pour harcèlement moral ; que l'engagement de la responsabilité de l'administration pour harcèlement moral relève d'une cause juridique distincte de celle contenue dans la demande préalable adressée au Garde des Sceaux, ministre de la justice ; que, par suite, ces conclusions de l'Etat ne figurant pas dans la réclamation préalable, elles n'ont pas été liées ; qu'elles doivent, par conséquent, être rejetées pour irrecevabilité ;

Sur le fond :

4. Considérant, en premier lieu, que le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions de l'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation ; qu'il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement ; que, néanmoins, la responsabilité de l'administration peut être engagée pour négligence fautive, si elle tarde à corriger une telle erreur et à réclamer le reversement des sommes payées à tort ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté, que le Garde des Sceaux, ministre de la justice a, durant le congé de maternité de MmeD..., en 2007 et 2008, continué à lui verser l'intégralité de son traitement et les indemnités de transports, alors même que l'intéressée percevait déjà les indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il lui a versé un mois et demi de salaire durant son congé parental ; qu'il l'a rémunérée durant les années 2009 et 2010, à taux plein, pendant sept mois, alors qu'elle travaillait à temps partiel ; que le Garde des Sceaux, ministre de la justice, bien qu'informé par l'appelante de cette situation, a attendu la fin de l'année 2009 pour corriger ces erreurs en adressant à

Mme D...une lettre de rappel et en procédant à une retenue sur salaire ; que, par suite, il a commis une négligence constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'à l'appui de sa demande, Mme D...fait toutefois uniquement état du préjudice économique résultant de la faute ainsi commise en se bornant à soutenir, d'une part, qu'en raison du niveau de son salaire sa fille aurait été privée d'une bourse pour étudiant et, d'autre part, qu'elle a été contrainte de contracter un prêt à la consommation de 2 000 euros, dont aucun élément n'atteste qu'il aurait eu pour objet exclusif de rembourser le trop perçu en litige ; que l'appelante n'établit donc pas la réalité du préjudice économique allégué ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que Mme D...fait également valoir que le Garde des Sceaux, ministre de la justice se serait rendu coupable de négligence fautive en ne revalorisant pas son salaire ; que, toutefois, elle n'établit pas que le ministre aurait été tenu de procéder à une telle revalorisation, tant au vu de son contrat, qu'au vu d'un barème fixé pour la rémunération des contractuels du ministère de la justice ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction qu'outre les primes perçues, la rémunération de Mme D...a progressé tous les trois ans entre 4 à 7 % ; que, par suite, le Garde des Sceaux, ministre de la justice ne saurait être regardé comme ayant, à ce titre, commis une négligence constitutive d'une faute ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort d'une note du 3 novembre 2011 adressée par le Garde des Sceaux, ministre de la justice aux chefs de service, qu'une gratification exceptionnelle peut être accordée aux agents contractuels lorsqu'ils ont supporté une charge de travail supplémentaire du fait d'une vacance de poste ou de l'attribution de tâches supplémentaires liées à la réorganisation de leur service ; que s'il est constant que Mme D...a beaucoup travaillé en 2011 et pris de nombreuses initiatives, alors même qu'elle était à temps partiel, cette charge de travail résultait de son engagement personnel et non d'une charge de travail supplémentaire liée à une vacance de poste ou à l'attribution de tâches supplémentaires résultant de la réorganisation du service ; qu'ainsi, l'appelante n'était pas éligible, au titre de l'année 2011, à l'obtention de cette gratification exceptionnelle ; que, par suite, le Garde de Sceaux ministre de la justice ne saurait voir sa responsabilité engagée pour n'avoir pas versé cette prime à

MmeD... ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que Mme D...reproche au Garde des Sceaux, ministre de la justice de ne pas lui avoir accordé la prime modulable, durant les périodes allant du mois de mai 2010 au mois de septembre 2010, et du printemps 2012 au 2 janvier 2013, au cours desquelles elle a exercé les fonctions de chef de pôle par intérim ; qu'il résulte de l'instruction et notamment d'une note technique du ministre du 9 octobre 1990 relative aux " modalités de répartition des majorations indemnitaires pour les personnels en fonction à l'administration centrale " que " Les agents du ministère (...) qu'ils soient titulaires ou contractuels (...) ont vocation à bénéficier de compléments modulables propres à leur catégorie et aux fonctions qu'ils exercent " ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre en défense,

Mme D...pouvait bénéficier de cette prime modulable ; que, pour autant, le versement de cette prime n'était pas automatique dans la mesure où il ressort de cette même instruction que chaque directeur dispose de crédits limités en vertu desquels il leur incombe d'établir une liste annuelle de bénéficiaires ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'intéressée a touché au cours des périodes allant du 23 septembre 2009 au 30 juin 2010, et du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, soit pour les périodes au cours desquelles elle a assuré en plus de ses fonctions habituelles une vacance de poste, deux compléments de rémunération d'un montant de 2 056,56 euros pour avoir atteint les objectifs qui lui avaient été fixés ; que, dans ces conditions,

Mme D...ne saurait soutenir que le Garde des Sceaux, ministre de la justice a commis une négligence constitutive d'une faute en ne lui accordant pas le bénéfice de cette prime modulable ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions énoncées par l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, ministère de la justice, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme que Mme D...réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...et au Garde des Sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 avril 2018.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 16PA00134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00134
Date de la décision : 10/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers - Primes de rendement.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : RCCL AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-04-10;16pa00134 ?
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