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28/03/2018 | FRANCE | N°16PA01541

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 28 mars 2018, 16PA01541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du 3 juillet 2013 par laquelle le chef du bureau de la gestion des personnels pénitentiaires de la direction de l'administration pénitentiaire a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service, ensemble cette décision, d'autre part, d'enjoindre à la ministre de le réintégrer dans ses fonc

tions au sein du bureau du renseignement pénitentiaire de la direction inte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du 3 juillet 2013 par laquelle le chef du bureau de la gestion des personnels pénitentiaires de la direction de l'administration pénitentiaire a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service, ensemble cette décision, d'autre part, d'enjoindre à la ministre de le réintégrer dans ses fonctions au sein du bureau du renseignement pénitentiaire de la direction inter-régionale des services pénitentiaires de Paris et enfin de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1400160 du 29 février 2016, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du chef du bureau de la gestion des personnels et de l'encadrement de la direction de l'administration pénitentiaire en date du 3 juillet 2013 ainsi que la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté le recours hiérarchique de M. C...contre cette décision, a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à la réintégration de l'intéressé dans ses précédentes fonctions ou dans des fonctions équivalentes dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a condamné l'Etat à verser à M. C...la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 4 mai et 18 mai 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400160 du 29 février 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant ce tribunal.

Il soutient que :

- les premiers juges ont partiellement fait droit aux conclusions indemnitaires de

M. C...alors que ce dernier n'avait présenté aucune réclamation indemnitaire préalable ;

- la décision de mutation en litige n'a pas été prise dans un contexte de harcèlement moral à l'égard de M. C...mais était au contraire justifiée par l'intérêt du service, le comportement de M. C...nuisant au bon fonctionnement de celui-ci ; elle n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2016, M. C... conclut au rejet du recours et, par la voie de l'appel incident, porte sa demande indemnitaire à 30 000 euros.

Il soutient que les moyens invoqués par le garde des sceaux, ministre de la justice, ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au

9 janvier 2017.

Par lettre du 2 février 2018, la Cour a informé les parties qu'elle serait susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de relever d'office deux moyens tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par M.C..., dans le cadre de son appel incident, sans avoir recours au ministère d'avocat et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires incidentes de M. C...dépassant le montant de 15 000 euros, l'intéressé ne pouvant majorer en appel ses prétentions de première instance.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°2006-441 du 14 avril 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que M.C..., surveillant pénitentiaire depuis le 2 mai 2007, a été muté à la direction inter-régionale des services pénitentiaires de Paris et mis à disposition du bureau du renseignement pénitentiaire (EMS3) où il a pris ses fonctions le 1er février 2011 ; que par une décision en date du 3 juillet 2013, le chef du bureau de la gestion des personnels pénitentiaires de la direction de l'administration pénitentiaire a prononcé la mutation dans l'intérêt du service de M. C...et l'a affecté au centre pénitentiaire Sud Francilien de Réau où il a pris ses fonctions le 8 juillet 2013 ; que, par un courrier du 22 août 2013, M. C...a exercé un recours hiérarchique auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, contre cette décision ; qu'il a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur sa demande ainsi que l'annulation de la décision du chef du bureau de la gestion des personnels pénitentiaires de la direction de l'administration pénitentiaire en date du 3 juillet 2013 et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi ; que le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement n° 1400160 du 29 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du chef du bureau de la gestion des personnels et de l'encadrement de la direction de l'administration pénitentiaire en date du 3 juillet 2013 ainsi que la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté le recours hiérarchique de M. C... contre cette décision, lui a enjoint de procéder à la réintégration de ce dernier dans ses précédentes fonctions ou dans des fonctions équivalentes dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a condamné l'Etat à verser à M. C...la somme de

5 000 euros à titre de dommages-intérêts et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. C... ; que, par la voie de l'appel incident, M. C...porte sa demande indemnitaire à

30 000 euros ;

2. Considérant que pour annuler les décisions en litige, les premiers juges ont, d'une part, relevé, en se fondant notamment sur le témoignage de M.B..., alors attaché principal exerçant les fonctions de chargé de mission au sein du bureau EMS3, que M. C... présentait des éléments concordants propres à faire présumer l'existence de pratiques de harcèlement moral à son encontre ; que, d'autre part, le ministre de la justice ne démontrait pas que la mutation de M. C..., décidée moins d'un mois après le signalement de M. B...au procureur de la République par un courrier du 21 mai 2013, aurait été décidée dans l'intérêt du service ; que le tribunal a ainsi jugé que M. C...était fondé à soutenir que la mutation en litige méconnaissait les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ;

3. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces produites par le ministre de la justice pour la première fois en appel, que M. C... avait un comportement inadapté tant à l'égard de ses collègues que de sa hiérarchie ; qu'en effet, le 28 décembre 2012, avant son départ en congés, M. C...a adressé plusieurs courriels déplacés aux membres de son service qu'il concluait avec des proverbes faisant référence à des animaux ; qu'il a ainsi envoyé un courriel à visée prétendument humoristique et à connotation sexuelle, ainsi qu'un " avis de vigilance " au proxénétisme sur les " proxo-ours " qui vendent leurs familles pour un " bon restau " avec des montages photos hommes-animaux et la signature " depuis son mirador, bosco le lapin masqué à l'affût ", à laquelle M. C...s'identifie, accompagnée d'une image représentant en ombre chinoise un lapin armé d'un fusil-mitrailleur ; que l'intéressé a également communiqué à ses collègues et supérieurs hiérarchiques une note sur le recrutement dans le renseignement par le hameçonnage sexuel et sur les " officiers manipulants proxénètes " semblant viser, de façon allusive, des membres du service ; que par une lettre du 28 décembre 2012, une de ses collègues a saisi les cadres du bureau ESM3 du comportement inadapté de M. C...à son encontre, en expliquant que depuis de longs mois, ce dernier était persuadé qu'elle faisait l'objet de pressions et de manipulations de la part des services de renseignement nationaux et qu'elle avait été hypnotisée ; que le 14 janvier 2013, un autre agent du bureau EMS3 a adressé un courrier au chef de bureau, s'inquiétant du contenu des courriels expédiés par M. C...fin décembre 2012, lesquels faisaient état de recherches sur internet concernant les techniques du renseignement pouvant générer des impacts et des dérives sur le comportement professionnel, et contenaient des parallèles allusifs avec la situation de collègues ; que malgré les entretiens avec les cadres du bureau EMS3 et ceux de la sous-direction faisant suite à ces évènements, M. C...n'a pas changé de comportement ; que le 15 janvier 2013, le chef des pôles a rendu compte d'un nouvel incident, ayant eu lieu le même jour, à savoir qu'il avait surpris M. C...à 7h40, enfermé à clef dans son bureau, et que ce dernier avait prétendu être à la recherche d'une feuille de congés ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier que M. C...a fait preuve d'un comportement inadapté tant à l'égard de ses collègues que de ses supérieurs hiérarchiques ; que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Melun, la mutation en litige a répondu à un motif d'intérêt du service, le comportement de M. C...nuisant au bon fonctionnement de celui-ci ; que cette mesure, qui a été prise dans l'intérêt du service et ne s'inscrit pas dans un processus de harcèlement de l'intéressé, n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou erreur de fait, ni de détournement de pouvoir ; que, dès lors, le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision de mutation en date du

3 juillet 2013, ainsi que la décision par laquelle il a implicitement rejeté le recours hiérarchique de M. C...dirigé contre cette mutation ;

4. Considérant qu'il ressort de ce qui a été dit au point 3 que la mutation en litige a été décidée dans l'intérêt du service et n'est entachée d'aucune illégalité fautive ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que M. C...aurait été victime d'agissements répétés de ses supérieurs hiérarchiques constitutifs de harcèlement moral notamment parce qu'il refuserait d'utiliser un fichier de renseignements non déclaré à la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que d'ailleurs, le garde des sceaux, ministre de la justice fait valoir sans être contesté que la plainte déposée par M. C...en octobre 2013 pour harcèlement moral a été classée sans suite par le procureur de la République, au mois de juillet 2015, au motif que 1'infraction était insuffisamment caractérisée ; que dès lors, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices subis par M. C...doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité ; que, de même, les conclusions tendant à la réintégration de M. C...dans ses fonctions au sein du bureau du renseignement pénitentiaire de la direction inter-régionale des services pénitentiaires de Paris ne peuvent être accueillies ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son recours, que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à obtenir l'annulation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Melun ; que la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif doit être rejetée ; qu'il en va de même des conclusions présentées par ce dernier devant la Cour ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400160 du 29 février 2016 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions incidentes devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A...C....

Délibéré après l'audience du 14 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller,

Lu en audience publique le 28 mars 2018.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01541
Date de la décision : 28/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-28;16pa01541 ?
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