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23/03/2018 | FRANCE | N°17PA00288

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 23 mars 2018, 17PA00288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1506944/1-1 du 23 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2017, M. et Mme A...B..., représentés par Me Evrard, av

ocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de prononcer la décharge des imposi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1506944/1-1 du 23 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2017, M. et Mme A...B..., représentés par Me Evrard, avocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le service ne pouvait fonder les rectifications opérées sur les pièces saisies lors des opérations de visite et de saisies intervenues le 17 juin 2010 ;

- à défaut d'avoir été mis en mesure de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ils ont été privés d'une garantie ;

- l'évaluation du bénéfice de la société Capital Yacht Charters Limited (CYC) par le service est erronée ;

- M. B... ne peut être regardé comme étant maître de l'affaire ;

- le service n'apporte pas la preuve de la distribution des bénéfices à M. B... ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers, président rapporteur,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et MmeB..., d'une vérification de comptabilité de la société

Capital Yacht Charters Ltd (CYC), dont M. B... est actionnaire, et d'une procédure de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales diligentée à l'endroit de M. B... et de la société précitée, les requérants ont été assujettis, selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008, lesquelles ont été en outre assorties de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729-a du code général des impôts ; qu'ils relèvent appel du jugement du 23 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande de décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (...) V. Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie (...) L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure civile. " ;

3. Considérant qu'il est constant que l'administration fiscale a en partie fondé les suppléments d'imposition litigieux sur des documents qu'elle a saisis à l'occasion de visites effectuées le 17 juin 2010, en vertu d'une ordonnance délivrée la veille par le juge des libertés et de la détention ; qu'il résulte que les requérants ont été dûment informés de l'instruction par l'administration du recours ouvert devant la juridiction judiciaire ; que M. et Mme B...reconnaissent eux-mêmes ne pas avoir utilisé, dans les délais impartis, les voies de recours dont ils disposaient ; qu'en outre, et en tout état de cause, il résulte des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales que la décision de recourir à la procédure de visite et de saisie ne peut être utilement contestée devant le juge de l'impôt ; qu'ainsi le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition à raison de l'exploitation des données issues des opérations menées sur le fondement des dispositions précitées est inopérant ;

4. Considérant, par ailleurs, que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la décision du Conseil constitutionnel relative à l'article 37 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, qui vise exclusivement la procédure prévue à l'article L. 10-0 AA du livre des procédures fiscales, dont il ne leur a pas été fait application ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme B...font grief au service de leur avoir dénié la possibilité d'une saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que les requérants estiment que le différend ne porte pas uniquement sur les revenus distribués mais sur les rectifications de comptabilité de la société Capital Yacht Charters Limited ; que toutefois, en vertu du principe d'indépendance des procédures, l'opération de visite et de saisie conduite à l'égard d'un contribuable est distincte de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'un autre contribuable, alors même que l'administration se fonderait sur des faits révélés par cette opération pour établir l'imposition de ce dernier ; qu'il résulte de l'instruction que la visite domiciliaire engagée à l'encontre de M. et Mme B...est indépendante de celle engagée à l'encontre de la société Capital Yacht Charters Limited ; que par conséquent, le refus de l'administration de saisir la commission n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition, dès lors que les différends opposant les contribuables à l'administration fiscale portaient sur les revenus distribués par une société et imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de tels différends ne relevant pas de la compétence de la commission départementale ; que le moyen invoqué doit être écarté, de même, et en tout état de cause, que le moyen tiré de l'absence d'information quant à la possibilité de saisir la commission, dès lors que cet organisme n'était pas compétent en l'espèce ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 110 du même code " pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés " ;

En ce qui concerne l'évaluation du bénéfice réalisé par la société CYC :

6. Considérant qu'il est constant que le résultat de la société Capital Yacht Charters Limited a été évalué d'office sur le fondement des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; que la régularité de la procédure n'étant pas contestée, il appartient désormais à M. et Mme B...d'apporter la preuve de l'exagération de ce bénéfice reconstitué par le service ;

7. Considérant que, pour déterminer le résultat imposable de la société Capital Yacht Charters Limited, le service a, s'agissant de son activité d'achat-revente de bateaux, d'une part, reconstitué le chiffre d'affaires réalisé à partir des factures de vente de bateaux saisies et, d'autre part, en l'absence de factures d'achat, hormis une transaction réalisée en 2006, évalué la marge de la société CYC à 10 % du prix de vente ; que, s'agissant de l'activité de gestion de personnel exercée par la société CYC, le service s'est fondé sur les factures émises par l'intéressée ainsi que sur les taux pratiqués par les sociétés d'intérim, et a retenu un taux de marge égal à 20 % ;

8. Considérant, s'agissant de la vente du bateau " Sunseeker 82 Gonedays model 2004 ", que les requérants font valoir que les commissions sur ventes de bateaux " ne sont pas (...) de 10 % systématiquement mais oscillent entre 3 et 10 % " à raison, notamment, du versement de rétro-commissions à la société Marine R ; qu'il résulte de l'instruction qu'aucun des documents produits, et notamment pas les relevés de compte bancaire, ne permet d'établir le versement d'une rétro-commission de la société CYC à la société Marine R ; que par ailleurs les requérants font valoir que la vente du bateau " Lagoon 420 hull 172 " ne serait finalement pas intervenue en 2008 mais en 2010 avec la société " Aqua Marine Service " ; que pour justifier ces affirmations, les requérants fournissent deux attestations censées établir que le bateau n'a pas été vendu ; que toutefois, le modèle retenu par le service ne correspond pas à ceux mentionnés dans les attestations ; qu'en outre, l'administration fiscale fournit un document intitulé " Memorandum of agreement " daté du 22 décembre 2008 faisant état d'une vente d'un bateau " Lagoon 420 hull 172 " entre la société Katamarina Crociere SRL et la société CYC ; que, dès lors, par les documents produits, les requérants ne fournissent pas d'éléments de nature à remettre en cause l'évaluation de la marge opérée par l'administration ;

9. Considérant que les requérants soutiennent que la société Capital Yacht Charters Limited " n'a jamais perçu de commission de 20 % en ce qui concerne les facturations des services d'équipages ", leur montant ne s'étant élevé qu'à 86 000 euros ; qu'ils fournissent des factures émises par la société CYC, libellées au nom de la société " Aqua Marine service " et relatives à la mise à disposition de personnel ; que toutefois, ces documents ne mentionnent pas l'identité des membres de l'équipage et les relevés de compte de la société CYC produits ne permettent pas d'établir de lien entre les virements effectués et les factures présentées ; qu'ainsi, et alors que l'administration fiscale s'est appuyée sur des éléments objectifs afin de déterminer le taux de la marge applicable, les requérants ne fournissent pas d'éléments permettant de remettre en cause l'évaluation de cette dernière ;

En ce qui concerne l'appréhension par M. B... des revenus distribués :

10. Considérant que les requérants n'ayant pas accepté les rectifications en litige, lesquelles leur ont été notifiées selon la procédure contradictoire, il incombe à l'administration de démontrer l'appréhension par le contribuable des revenus distribués en cause ; que le service est réputé apporter cette preuve lorsqu'il établit que l'intéressé dispose seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire ;

11. Considérant que le service établit que M. B..., actionnaire à hauteur de 90 % de la société Capital Yacht Charters Limited, détenait un mandat provenant des directeurs de la société pour l'ouverture et la gestion d'un compte bancaire auprès de la banque HSBC en Suisse et que M. B... ne rend aucun compte aux dirigeants lui ayant octroyé ce mandat, de sorte qu'il avait un accès libre et exclusif aux fonds sociaux ; qu'en outre, M. B... est signataire, au nom de la société, de nombreux contrats d'embauche de personnel et d'achat de bateau ; qu'il ressort également de la correspondance produite qu'il est l'interlocuteur privilégié de la société CYC ; que ces éléments permettent d'affirmer que M. B... n'est soumis à aucun contrôle des dirigeants ; qu'ainsi l'administration fiscale démontre l'appréhension par l'intéressé de revenus regardés comme distribués par la société CYC au titre de l'année 2008 ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande de décharge d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du ministre de l'action et des comptes publics, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'ainsi les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 23 mars 2018,

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseur le plus ancien,

B. AUVRAYLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00288
Date de la décision : 23/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : BOSIO-EVRARD ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-23;17pa00288 ?
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