Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Régie autonome des transports parisiens (RATP) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 avril 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de l'autoriser à procéder à la réforme médicale de M. G...D..., d'annuler la décision du
5 novembre 2014 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique, et d'enjoindre à l'inspecteur du travail de délivrer l'autorisation demandée.
Par un jugement n° 1500209 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la RATP.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2016, la Régie autonome des transports parisiens (RATP) représentée par Me H...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 juillet 2016 ;
2°) d'annuler les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre du travail refusant de l'autoriser à procéder à la réforme médicale de M.D... ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La RATP soutient que :
- pour estimer que le signataire de la décision du ministre avait été prise par un agent habilité, le tribunal s'est fondé sur des éléments qui n'avaient pas été soumis à examen contradictoire ;
- l'arrêté de délégation de signature du 11 août 2015 ne pouvait conférer compétence au signataire de la décision du 5 novembre 2014 ;
- il résulte notamment de la jurisprudence de la Cour de cassation que le statut du personnel de la RATP, qui a valeur réglementaire, prévaut sur les dispositions de droit commun ;
- le statut de la RATP ne prévoit pas d'entretien préalable en cas de décision de la commission de réforme ;
- la RATP étant liée par la décision de la commission médicale, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure est inopérant ;
- l'inspection du travail n'était pas en situation de compétence liée pour refuser d'autoriser le licenciement.
Le ministre du travail n'a pas produit de mémoire en défense malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 5 décembre 2017 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
La requête a été communiquée le 18 octobre 2016 à M. G...D...qui n'a pas produit de mémoire.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement,
- le " statut du personnel et annexes " des agents de la RATP pris en application de l'article 31 de la loi n°48-506 du 21 mars 1948 relutive à la réorganisation et à la coordination des transports des usagers dans la région parisienne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bernier,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la RATP.
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant qu'il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé ; que, saisi du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision, il appartient en particulier au juge, alors même que le ministre aurait par erreur produit en défense une délégation postérieure à la date de la décision, de rechercher si le signataire disposait d'une délégation l'habilitant à signer la décision contestée à la date à laquelle celle-ci a été prise ; qu'en statuant ainsi, le tribunal, qui ne relève pas d'office un moyen, ne méconnait pas le principe du contradictoire et n'entache pas son jugement d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant que par décision du 24 mars 2014, publiée le 28 au Journal Officiel,
M. C...I..., directeur adjoint du travail, a donné délégation à M. F...B..., directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique, à l'effet de signer, dans la limite des attributions du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ; qu'il résulte de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2006 relatif à l'organisation de la direction générale du travail, que le bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique est notamment chargé de l'instruction des recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable... " ; qu'aux termes de l'article L. 1232-3 : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié " ; qu'aux termes de l'article R. 2421-8 : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité d'entreprise faite en application de l'article L. 2421-3. / A défaut de comité d'entreprise, cet entretien a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du statut des agents de la RATP : " La cessation des fonctions résulte, en dehors du décès : de la démission, du licenciement, de la révocation, de la réforme ou de l'admission à la retraite " ; qu'aux termes de l'article 97 : " L'inaptitude à l'emploi statuaire, provisoire ou définitive, relève de la seule compétence du médecin du travail... " que l'article 94 prévoit que la Commission médiale qu'il institue donne obligatoirement un avis à la demande des agents en congé de maladie de plus de trois mois, sur leur inaptitude à tout emploi à la RATP, après avis d'inaptitude définitive à l'emploi statutaire par le médecin du travail, et sur leur réforme ; que l'article 95 prévoit que : " Tout agent a le droit de faire appel de la décision prise à son égard par la Commission Médicale. Pour être recevable, l'appel doit être interjeté dans le délai de deux mois à compter du jour de la décision contestée... " ; qu'aux termes de l'article 98 : " L'inaptitude définitive à tout emploi à la Régie relève de la seule compétence de la Commission médicale et entraine obligatoirement la réforme de l'agent concerné " ; qu'aux termes de l'article 99 : " L'agent faisant l'objet après avis du médecin du travail d'une décision d'inaptitude définitive peut être reclassé dans un autre emploi. Si l'agent n'est pas reclassé, il est réformé. / Le reclassement est subordonné : / 1°- à l'établissement par l'agent d'une demande ; / 2°-à la vacance d'un poste dans un autre emploi ; / 3° -à la possession des aptitudes et capacités requises pour occuper l'emploi considéré ... " ; qu'enfin aux termes de l'article 50 : " La réforme est prononcée par le Président Directeur général sur proposition de la Commission médicale visée à l'article 94. L'agent réformé est soumis aux dispositions du Règlement des retraites " ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que si les dispositions citées au point 3 du présent arrêt de l'article L. 1232-2 du code du travail ne visent que le licenciement, elles s'appliquent aux autres situations où l'employeur poursuit par d'autres moyens la rupture du contrat de travail ; qu'elles trouvent dès lors à s'appliquer non seulement aux licenciements, mais aux procédures de révocation, de réforme ou d'admission à la retraite mentionnées à l'article 43 du statut des agents de la RATP, cité au point 4 du présent arrêt ;
6. Considérant que si la RATP soutient que le statut de son personnel, de valeur réglementaire, qui ne prévoit pas d'entretien préalable en cas de réforme d'un salarié, prévaut sur les dispositions de droit commun, l'existence d'un tel statut n'est pas par lui-même inconciliable avec la règle de valeur législative posée par l'article L. 1232-2 du code du travail ; que ni les nécessités du service public confié à l'entreprise, ni la procédure particulière prévue par le statut en cas d'inaptitude ou de réforme ne sont susceptibles de dispenser la RATP de respecter la règle de l'entretien préalable prévue par cet article ;
7. Considérant en tout état de cause pour le surplus qu'il ressort des pièces du dossier que la Commission médicale a rendu le 9 janvier 2014 un avis au terme duquel M.D..., qui occupait un emploi statutaire de machiniste-receveur, était atteint d'une invalidité le mettant définitivement dans l'impossibilité de continuer son service à la Régie ou d'en assurer régulièrement un autre ; que, le 21 février 2014, la RATP a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de procéder à la réforme médicale de M.D..., titulaire d'un mandat de délégué du personnel, après avoir recherché des possibilités de reclassement au sein de la Régie et obtenu le 12 février 2004 l'avis favorable du comité départemental économique et professionnel ; qu'à la date à laquelle l'inspection du travail a été saisie de cette demande, le délai de deux mois laissé à M. D...pour faire appel de la décision prise à son égard par la Commission médicale n'était pas expiré ; que le salarié, qui s'était borné le 20 décembre 2013 à solliciter son passage devant la commission des réformes médicales, pouvait encore contester la décision de cette instance, notamment en ce qu'elle avait conclu à son inaptitude définitive pour tout emploi au sein de la Régie ; que, dès lors, la RATP n'est pas fondée à soutenir que la convocation de
M. D...à un entretien préalable avant la présentation de la demande d'autorisation à l'inspecteur du travail, imposé par la loi en toute hypothèse, présentait en l'espèce un caractère superfétatoire ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la RATP dès lors qu'elle entendait procéder à la réforme de M.D..., devait, avant toute décision, et en tout état de cause avant de saisir l'inspection du travail, convoquer ce salarié à un entretien préalable pour lui indiquer les motifs de la décision envisagée et recueillir ses explications ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la procédure mise en oeuvre par la RATP pour obtenir la réforme de M. D...était entachée d'une irrégularité substantielle ; que l'inspection du travail était légalement tenue de refuser à la RATP l'autorisation qu'elle avait sollicitée ; que le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail aurait rejeté la demande sans procéder à l'enquête contradictoire prévue par l'article R. 2421-11 est inopérant ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la RATP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la RATP est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Régie autonome des transports parisiens, au ministre du travail et à M. G...D....
Copie en sera adressée pour information au ministre des transports
Délibéré après l'audience du 6 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 mars 2018.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 16PA02868