La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2018 | FRANCE | N°17PA00620

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 14 mars 2018, 17PA00620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EGR Rénovations a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et le rétablissement de son déficit reportable au titre de l'exercice 2012 à concurrence du rehaussement correspondant au profit sur le

Trésor.

Par un jugement n° 1601288/1-2 du 14 décembre 2016, le Tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EGR Rénovations a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et le rétablissement de son déficit reportable au titre de l'exercice 2012 à concurrence du rehaussement correspondant au profit sur le Trésor.

Par un jugement n° 1601288/1-2 du 14 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février et 21 juin 2017, la société EGR Rénovations, représentée par SELARL Lancian, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer les décharges sollicitées ainsi que le rétablissement de son déficit reportable.

Elle soutient que :

- le rappel de TVA de 30 165 € n'est pas justifié, dès lors que le service a abandonné la qualification de factures de complaisance et de factures fictives qu'il avait initialement attribuée aux factures reçues du sous-traitant Mega Bat ;

- le contrôle dont elle a fait l'objet a démontré la réalité de son activité et la régularité de ses factures ;

- l'administration ne démontre aucunement que les travaux qui lui ont été facturés auraient pu être exécutés par une autre société que la société Mega Bat ; l'administration ne peut refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant une facture que si cette facture est émise par une personne qui n'a pas réalisé elle-même les prestations facturées ;

- contrairement à ce qu'affirme l'administration dans sa décision de rejet, les montants payés par la société EGR Rénovations correspondent à ceux qui figuraient sur les factures du sous-traitant Mega Bat ;

- les versements opérés au profit des époux K. l'ont été en vertu d'une délégation de paiement, ceux effectués au bénéfice de M. S. l'ont été car la société Mega Bat ne disposait pas de moyens de paiement, et enfin, les autres sommes encaissées par des tiers correspondent à des sommes directement payées à des fournisseurs de la SARL Mega Bat ;

- si les règlements effectués à destination du prestataire Mega Bat, d'après les écritures comptables de la SARL EGR Rénovations, n'ont pas été encaissés par le prestataire mais par des tierces personnes, cette circonstance ne pouvait suffire à rejeter les factures en cause ;

- les factures du fournisseur Mega Bat et la réalité de son activité n'ont jamais été remises en cause par l'administration qui a contrôlé cette société ;

- c'est à tort que l'administration a considéré les sommes comme distribuées et a fait application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; s'il devait y avoir distributions, c'est la société Mega Bat qui devrait être réputée en être le bénéficiaire ; l'administration connaissait l'identité des bénéficiaires des paiements effectués.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) EGR Rénovations, qui exerce une activité dans le secteur du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle ont été mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du

1er janvier au 31 décembre 2012, et une amende infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ; qu'après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Paris de la décharger de ces impositions supplémentaires et amende, et de rétablir son déficit reportable de l'exercice 2012 à concurrence du rehaussement correspondant au profit sur le Trésor, la société EGR Rénovations relève appel du jugement de ce tribunal rejetant sa demande ;

Sur le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts dans sa version applicable au présent litige : " 2. La taxe est exigible (... ) -c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits./ En cas d'escompte d'effet de commerce ou de transmission de créance, l'exigibilité intervient respectivement à la date du paiement de l'effet par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission.(...) " ; qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. Toutefois, les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée n'exercent le droit à déduction qu'au moment de la livraison. 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures " ; qu'aux termes du 4 de l'article 283 du même code : " Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. " ; qu'aux termes du 2 de l'article 272 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du droit de communication exercé auprès des banques " Société Générale " et " BNP Paribas " que, contrairement à ce qui était indiqué dans la comptabilité de la société requérante, laquelle ne faisait état que de paiement à destination de la société Mega Bat, une partie des factures émises par le sous-traitant " Mega Bat ", et représentant un montant total de 184 066 euros TTC a été payée par la société requérante, par chèques établis non pas au profit de cette société mais au bénéfice de M. et Mme K., salariés des sociétés EGR Rénovations et Mega Bat, et de M. S., gérant de fait de cette dernière ou encore au profit de tiers, étrangers aux sociétés en cause ; que, par ailleurs, si la société requérante fait valoir que M. K. bénéficiait d'une délégation de paiement et que M. S. s'était substitué à la société Mega Bat, qui ne disposait plus d'aucun moyen de paiement, elle ne verse pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations de nature à démontrer, notamment par des recoupements de montants, que les versements en cause correspondraient à l'exécution des clauses dudit contrat de délégation de paiement, ou que les créances détenues sur elle par la société Mega Bat à raison des prestations facturées auraient été transférées aux bénéficiaires des paiements qu'elle a effectués ; que dès lors, faute d'avoir été encaissée par la société Méga Bat, la taxe sur la valeur ajoutée portée sur les factures susmentionnées n'est pas devenue exigible chez ce fournisseur de services et n'a, en conséquence, en vertu des dispositions combinées du c) du 2. de l'article 269 et du 2. du I de l'article 271 du code général des impôts, pas pu faire naître un droit à déduction pour la société EGR Rénovations ; que par suite, en l'absence de flux financiers correspondant au règlement au fournisseur des prestations mentionnées sur lesdites factures, situation que la société requérante ne pouvait ignorer, c'est à bon droit que l'administration a, sur le fondement des dispositions combinées du code général des impôts rappelées ci-dessus, procédé à la remise en cause du caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, sans que la société requérante puisse utilement faire valoir que l'administration n'aurait pas remis en cause l'existence des prestations de travaux effectuées et les factures du fournisseur, lors du contrôle dont celui-ci aurait fait l'objet ;

Sur le montant du déficit reportable de l'exercice 2012 :

4. Considérant que, compte tenu des éléments retenus par l'administration pour remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse, comme il a été dit au point 3, la société requérante n'est pas fondée à contester la réintégration, dans ses résultats de l'exercice clos en 2012, d'un profit sur le Trésor correspondant au rappel de taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur l'amende :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) - c. Les rémunérations et avantages occultes(...) " ; qu'aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. " ; que l'article 1759 dudit code précise que :

" Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées " ;

6. Considérant que la SARL EGR Rénovations admet avoir versé des sommes à des tiers sous couvert de règlement de factures émises par la société Méga Bat ; qu'il est constant que la société requérante n'a pas répondu, dans le délai qui lui était imparti, à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués, formulée en application l'article 117 du code général des impôts, dans la proposition de rectification du 22 avril 2014 ; que, dès lors, l'administration était en droit de lui infliger l'amende prévue par l'article 1759 du même code, sans que la société puisse utilement faire valoir que l'administration a renoncé à lui appliquer les pénalités pour manoeuvres frauduleuses prévues à l'article 1729 du code susmentionné ou l'amende pour factures de complaisance prévue à l'article 1737 dudit code ; qu'au demeurant, contrairement à ce qui est allégué, l'amende a été appliquée uniquement aux sommes versées à des bénéficiaires dont l'identité n'était pas connue par le service, et non aux sommes versées aux époux K. ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EGR Rénovations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement, à la décharge des suppléments d'impositions et de l'amende litigieux, et au rétablissement du déficit reportable de l'exercice 2012 doivent, par suite, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de société EGR Rénovations est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société EGR Rénovations et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 21 février 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mars 2018

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00620
Date de la décision : 14/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SELARL LANCIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-14;17pa00620 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award