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13/03/2018 | FRANCE | N°16PA03499

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 mars 2018, 16PA03499


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM.I..., B..., F..., C..., M..., B...et E...ont demandé au Tribunal administratif de Wallis et Futuna d'annuler la décision du 22 avril 2016 par laquelle le préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, a refusé l'insertion au Journal officiel de ce territoire des deux délibérations du conseil de circonscription d'Uvéa constatant, respectivement, l'intronisation de M. I...en qualité de Roi d'Uvéa et la nomination de M. B... comme Premier ministre coutumier.

Par un jugement n° 166011

du 25 octobre 2016, le Tribunal administratif de

Wallis et Futuna a rejeté le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM.I..., B..., F..., C..., M..., B...et E...ont demandé au Tribunal administratif de Wallis et Futuna d'annuler la décision du 22 avril 2016 par laquelle le préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, a refusé l'insertion au Journal officiel de ce territoire des deux délibérations du conseil de circonscription d'Uvéa constatant, respectivement, l'intronisation de M. I...en qualité de Roi d'Uvéa et la nomination de M. B... comme Premier ministre coutumier.

Par un jugement n° 166011 du 25 octobre 2016, le Tribunal administratif de

Wallis et Futuna a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 novembre 2016, 9 février 2017 et 30 janvier 2018, MM. P... I..., L...B..., G...F..., J...C..., H...M..., D...B...et N...E..., représentés par la SCP Potier de la Varde - Buk Lament -K..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Wallis et Futuna n° 166011 du 25 octobre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, du 22 avril 2016 ;

3°) d'enjoindre à cette autorité de faire insérer au Journal officiel du territoire des îles Wallis et Futuna la délibération du conseil de circonscription d'Uvéa constatant l'intronisation de M. I... en qualité de Roi d'Uvéa et celle constatant la nomination de M. B... comme Premier ministre coutumier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu ;

- le préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs dès lors qu'étant en situation de compétence liée, il ne peut porter aucune appréciation sur la légalité des délibérations en cause, ni refuser de publier de tels actes ;

- le simple doute sur la compétence de l'organe ayant pris les délibérations litigieuses ne suffit pas à entacher celles-ci d'une irrégularité et à les faire regarder comme inexistantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2017, le préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle tend à l'annulation partielle d'un acte indivisible, la décision de refus portant de manière indissociable sur les quatre délibérations dont la publication était demandée en raison de l'incompétence du préfet pour connaître des affaires coutumières ;

- le fait que la copie du jugement notifiée ne soit pas revêtue des signatures des magistrats ayant rendu ce jugement est sans incidence sur la régularité de celui-ci ;

- des circonstances particulières faisaient obstacle à la publication des délibérations en cause.

Un mémoire, enregistré le 1er février 2018, a été présenté pour le préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer ;

- l'arrêté n° 19 du 20 mai 1964 " portant organisation des circonscriptions administratives " du territoire de Wallis et Futuna, modifié par l'arrêté n° 2007-294 du 6 août 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de MeK..., pour MM.I..., B..., F..., C..., M..., B...etE....

- et les observations de MeO..., pour le préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna.

1. Considérant que M. I...et autres relèvent appel du jugement du 25 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Wallis et Futuna a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, du

22 avril 2016 refusant la publication au Journal officiel de ce territoire des deux délibérations du conseil de circonscription d'Uvéa du 15 avril 2016 constatant, respectivement, l'intronisation de M. I... en qualité de Roi d'Uvéa (Lavelua), et la nomination de

M. B...comme Premier ministre coutumier (Kalae kivalu) ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision contestée :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer : " L'administrateur supérieur du territoire, nommé par décret en conseil des ministres, dépositaire des pouvoirs de la République, représente chacun des membres du Gouvernement. Il a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois. (...) / L'administrateur supérieur assure l'ordre public et concourt au respect des libertés publiques et des droits individuels et collectifs dans les îles Wallis et Futuna. Il prend les mesures relatives au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publique. (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La République garantit aux populations du territoire des îles Wallis et Futuna (...) le respect (...) de leurs coutumes en tant qu'elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit et aux dispositions de la présente loi " ; que l'article 10 de cette même loi dispose que : " Il est institué, pour le territoire des îles Wallis et Futuna, un conseil territorial composé : / - de l'administrateur supérieur, chef du territoire, président ; / - des trois chefs traditionnels (Hau ou Sau), des îles Wallis et Futuna ou de leurs suppléants, vice-présidents ; / - de trois membres nommés par l'administrateur supérieur, chef du territoire, après accord de l'assemblée territoriale, parmi les citoyens français jouissant de leurs droits civils et politiques ou de leurs suppléants, désignés de la même manière. / Dans les conditions qui seront fixées par décret, le conseil territorial assiste le chef du territoire pour l'administration du territoire des îles Wallis et Futuna. Il examine notamment tous les projets qui doivent être soumis à l'assemblée territoriale. " ; que les articles 17 et 18 de cette même loi disposent que les trois circonscriptions territoriales du territoire de Wallis et Futuna, dénommées Uvéa, Alo et Sigave, sont, chacune, dotées d'un conseil de circonscription, dont les membres sont élus dans les conditions prévues par la coutume ; qu'enfin, aux termes de l'article 9 de l'arrêté n° 19 du 20 mai 1964 modifié relatif aux conseils des circonscriptions administratives de ce territoire : " Le Conseil prend des délibérations et donne des avis dans les matières ci-après définies. Il peut émettre des voeux. / Il constate par délibération la désignation des chefs traditionnels (Hau ou Sau), des notables (Aliki fau), des chefs de districts et des chefs de villages, et la notifie au Chef du territoire qui en assure la publication au journal officiel du territoire des îles Wallis et Futuna. Cette désignation est également notifiée à l'Administrateur supérieur et au Président de l'Assemblée territoriale. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'administrateur supérieur, chef du territoire des îles Wallis et Futuna, a été rendu destinataire, le même jour, de quatre délibérations présentées comme émanant de deux conseils distincts de la circonscription d'Uvéa, portant désignation par chacun d'entre eux d'un Roi et d'un Premier ministre coutumier pour le royaume d'Uvéa ; que la publication des quatre délibérations ainsi transmises aurait eu pour conséquence de désigner deux Rois et deux Premiers ministres, en méconnaissance des dispositions précitées des articles 17 et 18 de la loi du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer, lesquelles ne prévoient qu'un seul conseil territorial et un seul chef traditionnel pour la circonscription d'Uvea ;

5. Considérant que si l'administrateur supérieur, chef du territoire des îles Wallis et Futuna, doit, conformément à l'article 3 précité de la loi du 29 juillet 1961, respecter les traditions et règles coutumières, il a pu, par la décision contestée du 22 avril 2016, dans l'intérêt de l'ordre public et sans méconnaître l'étendue de ses compétences, refuser de publier l'ensemble des délibérations qui lui ont été transmises ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, que MM.I..., B..., F..., C..., M..., B...et E...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Wallis et Futuna a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants le versement de la somme que le préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, demande au nom de l'Etat sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de MM.I..., B..., F..., C..., M..., B...et E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MM. P...I..., L...B..., G...F..., J...C..., H...M..., D...B..., N...E...et au préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2018.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03499
Date de la décision : 13/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - motifs - Pouvoirs et obligations de l'administration - Circonstances exceptionnelles.

Outre-mer - Droit applicable - Statuts - Wallis et Futuna.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE - BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-13;16pa03499 ?
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