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28/02/2018 | FRANCE | N°16PA03563

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 28 février 2018, 16PA03563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des conséquences dommageables de l'embolisation pratiquée le 3 novembre 2010.

Par un jugement n° 1500299/6-3 du 20 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2016, M.A..., représent

é par la SCP Rivière et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des conséquences dommageables de l'embolisation pratiquée le 3 novembre 2010.

Par un jugement n° 1500299/6-3 du 20 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2016, M.A..., représenté par la SCP Rivière et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 octobre 2016 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance et de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 675 euros au titre des dépenses de santé, une somme de 19 741,05 euros pour le recours à une tierce personne, une somme de 51 013,20 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, une somme de 10 800 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, une somme de 3 243 euros pour les souffrances endurées, une somme de 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, une somme de 5 000 euros pour les frais de logement adapté, une somme de 102 646 euros pour son déficit fonctionnel permanent de 55%, une somme de 14 985 euros au titre du préjudice esthétique permanent, et une somme de 5 000 euros au titre du préjudice sexuel subi ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le risque statistiquement faible d'accident ischémique cérébelleux dont il a été victime, indépendamment de son état antérieur, constitue un aléa thérapeutique lui ouvrant droit à indemnisation dans le cadre de la solidarité nationale dès lors qu'il a entrainé d'importants préjudices, notamment un taux d'atteinte permanent à son intégrité physique ou psychique de 55% ;

- le caractère d'anormalité est ainsi parfaitement rempli en l'espèce étant acquis que son état de santé, notamment le traumatisme intervenu en 1980 ne le prédisposait pas et ne le rendait pas particulièrement exposé à la complication survenue ;

- ce critère est d'autant plus rempli que l'intervention n'a eu aucun résultat sur l'affection traitée, si ce n'est d'avoir considérablement aggravé son état de santé au niveau moteur et intellectuel notamment ;

- en tout état de cause, son état de santé actuel lui interdit désormais tout espoir d'amélioration dès lors que la dégradation de l'état de son cervelet est acquise avec des séquelles irréversibles ;

- l'absence d'information préalable quant au risque qui s'est réalisé démontre à l'évidence que le corps médical spécialisé ne considérait pas qu'il s'agissant d'un risque prévisible et attendu de l'opération.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2017, l'ONIAM conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet des demandes au titre des pertes de gains professionnels actuels, du préjudice esthétique temporaire, des frais de logement adapté, des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, et à ce que la somme sollicitée au titre du déficit fonctionnel temporaire soit ramenée à celle de 8 370 euros maximum.

Il soutient que les conséquences de l'embolisation du 3 novembre 2010 n'ont pas été anormales au regard de l'état de santé de M. A...comme de l'évolution prévisible de celui-ci, de sorte que les conditions ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'intenses céphalées, M.A..., né le 28 mai 1954, a réalisé le 8 septembre 2010, une IRM cérébrale qui a mis en évidence une malformation artério-veineuse cérébelleuse ; que ce diagnostic a été confirmé par une artériographie cérébrale le

21 septembre suivant, qui a précisé la présence d'une architecture particulière ; que le

3 novembre 2010, il a bénéficié, à l'hôpital Saint-Anne, d'une embolisation par voie endovasculaire ; que toutefois, au cours de l'intervention, un accident ischémique cérébelleux s'est produit, par oblitération par le produit d'embolisation, de vaisseaux participant à la malformation et à la vascularisation cérébelleuse, qu'à son réveil, M. A...a présenté un syndrome vestibulo-cerébelleux sévère, surtout cinétique dont la récupération a été progressive et incomplète ; qu'un traitement complémentaire par radiochirurgie a alors été effectué le

15 décembre 2010 à l'hôpital Tenon ; qu'une IRM de l'encéphale et une artériographie cérébrale réalisées le 22 novembre 2011 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier ont mis en évidence la persistance d'un reliquat de la malformation dont il reste atteint ; que souffrant depuis l'intervention du 3 novembre 2010, d'un syndrome cérébelleux important occasionnant des troubles de l'équilibre et de la sensibilité à gauche et se plaignant de pertes de la mémoire immédiate, M. A...a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Île-de-France qui a désigné, le 24 juillet 2013, le professeur Tadie, neurochirurgien et le professeur Marsault, neuroradiologue, pour procéder à une expertise médicale ; que suite au rapport remis le 12 décembre 2013 par ces derniers, la commission a, par un avis du 19 mars 2014, rejeté la demande d'indemnisation de M. A... estimant d'une part qu'en dépit d'un manque de communication avec le patient, la prise en charge à l'hôpital Saint-Anne avait été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science, d'autre part, que l'accident ischémique cérébelleux dont il a été victime le 3 novembre 2010 dans les suites de l'embolisation survenant dans 3 à 5 % des cas, le dommage en cause ne présentait pas le caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de son évolution prévisible, auquel les dispositions du II de l'article 1142-1 du code de la santé publique subordonnent le droit à l'indemnisation des accidents médicaux au titre de la solidarité nationale ; que M. A... a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de

223 103,25 euros en réparation des conséquences dommageables de l'embolisation pratiquée le 3 novembre 2010 ; que M. A...relève appel du jugement du 20 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire./ Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " ; que l'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives ;

3. Considérant qu'il résulte du II de l'article L. 1142-1 précité du code de la santé publique que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code ; que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale du 12 décembre 2013 que M.A..., qui souffrait d'une malformation artério-veineuse cérébelleuse entrainant des céphalées intenses, s'est trouvé, à son réveil de l'intervention chirurgicale pratiquée le 3 novembre 2010, atteint de troubles de l'équilibre et de la sensibilité à gauche, entrainant une incapacité permanente d'un taux évalué par les experts à 55 % ; que si son état lui permettait avant l'intervention d'exercer son métier d'ébéniste, il est constant que l'embolisation pratiquée était indispensable eu égard à l'architecture particulière de la malformation dont il était atteint qui, vu l'ectasie au niveau de la veine de drainage et le drainage veineux trop peu important par absence de drainage veineux vers la veine jugulaire, présentait selon l'expertise un " haut risque de rupture ce qui aurait provoqué des séquelles au moins aussi lourdes que celles présentées par le patient " ; que les experts indiquent que l'évolution spontanée de l'état de santé du patient en l'absence d'intervention était un " risque d'hémorragie pouvant engendrer un déficit égal ou plus grave que l'actuel " ; qu'il est ainsi constant, d'une part, qu'en l'absence d'intervention, M. A...était exposé à un risque d'hémorragie pouvant engendrer des conséquences au moins aussi graves que celles que l'intervention a entrainées, alors même que cette dernière n'a pas permis, eu égard à la persistance de la malformation, d'éliminer la possibilité d'une rupture ; que d'autre part, le risque d'accident ischémique suivant une embolisation dont il a été victime a été évalué à une fréquence de 3 à 5 % par les experts qui le qualifient d'" inévitable même s'il survient rarement ", et était dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de l'architecture particulière de la malformation, " connu, redouté et chiffré du fait que la vascularisation de la malformation participe à celle du cervelet " ; que dès lors, la survenue de l'accident ne peut être regardée comme résultant en l'espèce de la réalisation d'un risque présentant une probabilité faible de sorte que la condition d'anormalité à laquelle les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique subordonnent la prise en charge au titre de la solidarité nationale n'est pas remplie ; que c'est par suite à juste titre que les premiers juges ont estimé que M. A...n'était pas fondé à solliciter une quelconque indemnisation sur le fondement de ces dispositions ;

5. Considérant que si M. A...soutient que le corps médical a manqué à son devoir d'information générateur d'une perte de chance de se soustraire à l'embolisation, les experts de leur côté, s'ils admettent un manque de communication avec le patient, indiquent néanmoins qu'aucune perte de chance ne saurait en l'espèce être retenue dès lors que le traitement en question constituait la seule possibilité existante et que l'équipe de l'hôpital Sainte-Anne était compétente pour ce faire ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la Réunion des assureurs maladie Provence Alpes.

Délibéré après l'audience du 13 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 février 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 16PA03563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03563
Date de la décision : 28/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : RIVIERE et GAULT ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-02-28;16pa03563 ?
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