La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2018 | FRANCE | N°17PA01570

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 08 février 2018, 17PA01570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Sylvie Brossard a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de deux avis à tiers détenteur émis à son encontre par le comptable du service des impôts des entreprises de Paris 17ème Batignolles les 26 novembre et 16 décembre 2014 pour un montant total en droits et majorations de 26 509 euros en vue du paiement de la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2011 et 2012 et de la taxe su

r la valeur ajoutée due au titre des mois de janvier et août 2013, d'ordonner l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Sylvie Brossard a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de deux avis à tiers détenteur émis à son encontre par le comptable du service des impôts des entreprises de Paris 17ème Batignolles les 26 novembre et 16 décembre 2014 pour un montant total en droits et majorations de 26 509 euros en vue du paiement de la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2011 et 2012 et de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des mois de janvier et août 2013, d'ordonner la restitution d'une somme de 14 763 euros correspondant à la cotisation foncière des entreprises assortie du versement des intérêts légaux à compter de la date des avis à tiers détenteur et de constater la compensation de la taxe sur la valeur ajoutée réclamée avec les créances qu'elle détient sur le Trésor public.

Par un jugement n° 1513143/1-1 du 8 mars 2017 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2017 et le 18 octobre 2017, la SARL Sylvie Brossard, représentée par Me Desmonts, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1513143/1-1 du 8 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de son obligation de payer la somme de 26 509 euros et d'ordonner la restitution des sommes saisies ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'insuffisance de motivation dès lors qu'il n'a répondu à son moyen pris de ce qu'elle disposait de créances sur le Trésor public supérieures à ses dettes d'impôt qu'au regard des acomptes excédentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2003 alors qu'elle se prévalait d'autres créances relatives aux exercices 2004, 2007 et 2008 ;

- les impositions réclamées n'étaient pas exigibles dès lors que la société requérante détenait des créances sur le Trésor public supérieures aux sommes réclamées ; l'administration ne justifie pas s'être libérée de ces dettes ; la créance relative à l'année 2008 n'était pas prescrite dès lors qu'elle justifie en avoir demandé le remboursement en temps utile ;

- la cotisation foncière des entreprises mises à sa charge au titre de 2011 et 2012 n'était pas exigible dès lors qu'elle a fait l'objet d'un dégrèvement d'office par décision du 15 juin 2017 et qu'elle avait informé l'administration dès 2009 qu'elle avait quitté les locaux au titre desquels elle avait été taxée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la créance d'excédent d'acompte d'impôt sur les sociétés 2008 est prescrite en l'absence de réclamation dans le délai prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

- les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés, pour l'un, de ce qu'il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer à hauteur de la somme de 14 763 euros dégrevée d'office par décision du 15 juin 2017 et, pour l'autre, de ce qu'"en matière de recouvrement de l'impôt la compensation entre les dettes d'impôt et les créances d'impôt du contribuable ne peut intervenir qu'à l'initiative du comptable public ; aucun texte ne permet au contribuable d'imposer une telle compensation" ;

La société Sylvie Brossard a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 24 janvier 2018.

Par un mémoire distinct, enregistré le 24 janvier 2018, la société Sylvie Brossard demande à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales.

Elle soutient que :

- si les dispositions de l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales sont interprétées comme offrant au seul comptable public la possibilité de procéder à la compensation entre les dettes d'impôt et les créances d'impôt du contribuable, elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, notamment, à l'équilibre des droits des parties en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 et au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789 ;

- le principe d'insaisissabilité des deniers publics ne saurait justifier que le contribuable ne puisse demander une compensation entre ses dettes et créances fiscales sous le contrôle du juge de l'impôt ;

- une demande de compensation sollicitée par un contribuable ne trouvant sa cause que dans la dette fiscale dont il entend s'acquitter au moyen d'une compensation, elle n'a pas un objet distinct de la demande de décharge de l'obligation de payer au soutien de laquelle elle est présentée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public,

- et les observations de Me Desmonts, avocat de la société Sylvie Brossard.

Une note en délibéré présentée pour la société Sylvie Brossard a été enregistrée le 29 janvier 2018.

1. Considérant que la SARL Sylvie Brossard relève appel du jugement du 8 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer la somme de 26 509 euros résultant de deux avis à tiers détenteur notifiés les 26 novembre et 16 décembre 2014 par le service des impôts des entreprises de Paris 17ème pour avoir paiement de la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2011 et 2012 et de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des mois de janvier et août 2013 et d'ordonner la restitution d'une somme de 14 763 euros correspondant à la cotisation foncière des entreprises ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant qu'il est constant que, par une décision en date du 15 juin 2017, le directeur régional des finances publiques a prononcé le dégrèvement d'office de la cotisation foncière des entreprises mise à la charge de la société Sylvie Brossard pour le montant total de 14 763 euros mentionné par les avis à tiers détenteur en litige ; que, par suite, l'opposition à poursuites formée par la société Sylvie Brossard est devenue sans objet en ce qui concerne l'obligation de payer la cotisation foncière des entreprises ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'il résulte des pièces du dossier que, par sa demande initiale, la société requérante a fait valoir devant le Tribunal administratif de Paris qu'elle disposait d'une créance d'impôt sur les sociétés d'un montant total de 99 147 euros sur le Trésor public à raison d'excédents d'acomptes à cet impôt versés au titre des années 2003, 2004, 2007 et 2008 pour les montants respectifs de 29 687 euros, 6 943 euros, 13 233 euros et 49 284 euros et non remboursés en dépit de ses demandes et que les premiers juges ont rejeté ce moyen au motif que la société requérante ne justifiait pas que le Trésor lui serait toujours redevable de la somme de 29 687 euros, sans statuer sur le bien-fondé des trois autres créances alléguées correspondant à des acomptes excédentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2004, 2007 et 2008 ; que, toutefois, une telle omission est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué dès lors que la société requérante ne pouvait utilement, à l'appui de sa demande de décharge de l'obligation de payer attachée aux avis à tiers détenteur en litige, opposer à l'administration fiscale la compensation de recouvrement entre les dettes d'impôt dont le paiement était recherché et les créances qu'elle alléguait détenir sur le Trésor public ;

Sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité :

4. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles

23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

5. Considérant que la société Sylvie Brossard soutient que si les dispositions de l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales sont interprétées comme offrant au seul comptable public la possibilité de procéder, même d'office, à la compensation entre les dettes d'impôt et les créances d'impôt du contribuable, elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, notamment, à l'équilibre des droits des parties en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 et au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789 ;

6. Considérant, toutefois, que les dispositions de l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales, qui prévoient que " le comptable public compétent peut affecter au paiement des impôts, droits, taxes, pénalités ou intérêts de retard dus par un redevable les remboursements, dégrèvements ou restitutions d'impôts, droits, taxes, pénalités ou intérêts de retard constatés au bénéfice de celui-ci (...) " ne sont pas applicables au présent litige, relatif à une demande de compensation formée non par le comptable public mais par un contribuable, qui trouve sa solution au regard des seuls principes de non-compensation des créances publiques et d'insaisissabilité des deniers publics, aucun texte ne permettant au contribuable d'imposer une telle compensation au comptable public ; que, par ailleurs, le litige ne porte pas sur une décision du comptable public refusant d'accorder à un contribuable, à sa demande, le bénéfice d'une compensation entre ses dettes d'impôt et ses créances sur le Trésor public, mais sur la possibilité pour un contribuable d'opposer la compensation pour se soustraire à l'obligation de payer résultant d'un avis à tiers détenteur ; que, par suite, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Sylvie Brossard ;

Sur l'obligation de payer les sommes restant en litige :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre de procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que :1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt " ;

8. Considérant que la société requérante, qui conteste l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par les avis à tiers détenteur contestés au seul motif qu'elle disposait de diverses créances d'impôt et de frais de justice sur l'Etat, doit être regardée comme opposant à l'Etat en ce qui concerne le recouvrement des impositions réclamées la compensation entre ses dettes d'impôts et les créances qu'elle estime détenir sur l'Etat ; que, toutefois, aucune disposition n'autorise les contribuables à opposer leur qualité de créancier de l'État pour se soustraire au paiement de leurs impôts ou pour le différer ; que, par suite, la société Sylvie Brossard ne peut utilement se prévaloir de l'existence des créances alléguées pour demander par voie de compensation la décharge de l'obligation de payer résultant des avis à tiers détenteurs contestés ;

Sur les conclusions à fin de restitution des sommes saisies :

9. Considérant que les avis à tiers détenteurs litigieux ont été émis pour avoir chacun paiement d'une somme totale de 26 509 euros dont 7 702 euros et 7 799 euros, soit un montant total de 15 501 euros, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des mois de janvier et août 2013 ; que le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir sans être contredit que ces avis à tiers détenteurs ont seulement permis d'appréhender les sommes de 9 117,17 euros et 1 871,32 euros ; que, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge de l'obligation de payer la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces avis, les conclusions de la société Sylvie Brossard à fin de restitution des sommes saisies ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sylvie Brossard n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer les impositions mentionnées par les avis à tiers détenteur et ses conclusions à fin de restitution des sommes saisies ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que la société Sylvie Brossard demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer résultant des avis à tiers détenteur des 26 novembre 2014 et 16 décembre 2014 à hauteur de la somme de 14 763 euros correspondant aux droits de cotisation foncière des entreprise dégrevés en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sylvie Brossard et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 février 2018.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

D. DALLE

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA01570


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01570
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-05 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Compensation.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : DESMONTS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-02-08;17pa01570 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award