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24/01/2018 | FRANCE | N°17PA00559

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 24 janvier 2018, 17PA00559


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée ( SARL) William a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire la réduction, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui été assigné au titre de la période allant du 1er au 31 janvier 2013 ainsi que des pénalités y afférentes, et la décharge de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré ainsi que la réduction des intérêts de retard excédentaires.

Par un jugement n° 1500414/3 du 15 décembre 20

16, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée ( SARL) William a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire la réduction, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui été assigné au titre de la période allant du 1er au 31 janvier 2013 ainsi que des pénalités y afférentes, et la décharge de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré ainsi que la réduction des intérêts de retard excédentaires.

Par un jugement n° 1500414/3 du 15 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 février et 6 juillet 2017, la société William, représentée par Me A...de Pingon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500414/3 du 15 décembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge, subsidiairement la réduction, sollicitées devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à la suite d'une erreur que la taxe sur la valeur ajoutée a été portée sur l'acte de vente de l'immeuble qu'elle a cédé et calculée en dedans du prix de cession ;

- cette mutation ne faisait pas rentrer le bien cédé dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- cette erreur n'est pas révélatrice d'une option à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- la mention erronée de la taxe a, au surplus, été régularisée par une facture rectificative qui a bien été reçue par la société destinataire ; cette régularisation est opposable à l'administration dès lors qu'il n'y a aucun risque de perte de recettes fiscales ;

- le service fiscal, qui ne peut, à son égard, se retrancher derrière le secret professionnel dès lors qu'elle-même et l'acheteur sont solidairement tenus au paiement de l'impôt, manque à son devoir de loyauté en conservant le silence sur l'existence d'une déduction de taxe opérée par l'acheteur du bien, et le tribunal a mis à sa charge une preuve impossible ;

- subsidiairement, si une option devait être regardée comme opérée en faveur de l'assujettissement à la taxe de la vente opérée en 2013, celle-ci ne pourrait porter que sur la marge, en application de l'article 268 du code général des impôts ;

- l'application des pénalités pour manquement délibéré n'est pas fondée et le tribunal a, sur ce point, entaché son jugement d'erreurs de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de Me B... substituant Me de Pingon, avocat de la société William.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) William, qui exerce principalement une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, par une proposition de rectification du

29 juillet 2013, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la cession, par acte du

14 janvier 2013, d'un bien immobilier qu'elle avait acquis le 30 juin 2011 ; que la société William a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire la réduction de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la période allant du 1er au

31 janvier 2013, ainsi que des pénalités y afférentes, et la décharge de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré ainsi que la réduction des intérêts de retard excédentaires ; qu'elle relève appel du jugement n° 1500414/3 du 15 décembre 2016, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant que la société requérante fait valoir que la taxe a été mentionnée par erreur sur l'acte de vente de l'immeuble et qu'ayant procédé à la rectification de cette erreur, elle ne pouvait, sauf à ce que soit méconnu le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, faire l'objet du rappel de taxe litigieux, dès lors que n'existerait pas, selon elle, de risque de pertes de recettes fiscales ;

3. Considérant qu'aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. " ; que cette disposition permet à l'administration d'appréhender entre les mains de celui qui l'a facturée le montant de la taxe qui est ainsi mentionné et qui est dû au Trésor de ce seul fait ; que, toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 décembre 1989 Genius Holding BV (C-342/87), le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans que cette régularisation ne dépende d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale ; que la Cour a également dit pour droit, notamment dans son arrêt du 18 juin 2009 Staatssecretaris van Financiën c/ Stadeco BV (C-566/07), que les mesures que les Etats membres ont la faculté d'adopter afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et qu'elles ne peuvent, dès lors, être utilisées de manière telle qu'elles remettraient en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe ; que ce principe ne s'oppose toutefois pas à ce qu'un Etat membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par erreur sur une facture à la condition que l'émetteur de la facture initiale ait envoyé à son destinataire une facture rectifiée ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée si cet émetteur n'a pas éliminé, en temps utile, le risque de pertes de recettes fiscales ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'acte authentique du 14 janvier 2013 par lequel la société requérante a vendu le bien immobilier susmentionné indique expressément que la vente est conclue moyennant le prix de 4 700 000 euros et que " ce prix s'entend taxe sur la valeur ajoutée incluse " et précise que le prix hors taxe s'élève à 3 929 765,89 euros et que la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6% s'élève à 770 234,11 euros ; qu'il est encore spécifié dans le paragraphe intitulé " Déclarations fiscales " que " les parties déclarent que la présente mutation entre dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, l'intégralité des éléments du second oeuvre ayant été déposé et démoli au sens de l'article 245 A - annexe 2 du code général des impôts " ; qu'il est également indiqué que " Le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est le vendeur qui est une personne assujettie à cette taxe au sens de l'article 256-A du code général des impôts. La taxe sur la valeur ajoutée sera acquittée sur imprimé CA3CA " ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la société Bach, acquéreur du bien immobilier, était assujettie à la taxe et tenue en vertu des stipulations de l'acte susmentionné, de s'acquitter auprès du vendeur du prix de 4 700 000 euros incluant une taxe calculée sur la totalité du prix hors taxe et de supporter ainsi effectivement la charge de ladite taxe ;

5. Considérant, en premier lieu, que la mention, dans un acte authentique de cession d'un immeuble, d'un prix de vente comprenant la taxe sur la valeur ajoutée, équivaut à la facturation de cette taxe ; que, par suite, la seule mention de la taxe sur la valeur ajoutée dans l'acte du

14 janvier 2013 suffisait à rendre la société William redevable de cette taxe, sans que l'intéressée puisse utilement se prévaloir de la circonstance, au demeurant non contestée par l'administration, que la cession n'entrait pas de plein droit dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ni de la circonstance qu'elle n'a pas entendu opter pour l'imposition de la cession à la taxe sur la valeur ajoutée ; que ces deux moyens doivent donc être écartés ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la société William a fait signifier par huissier à la société Bach, le 14 mars 2016, soit près de trois ans après réception de la proposition de rectification qui lui a été adressée, une facture rectificative indiquant que la cession du 14 janvier 2013 était hors champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle n'entendait pas opter expressément pour cet impôt ; que, toutefois, la société requérante ne peut, par le biais d'une facture établie unilatéralement, modifier un élément essentiel de l'acte authentique dressé le 14 janvier 2013 et signé des deux parties à la vente ; qu'il ressort d'ailleurs des termes du courrier adressé en réponse, le 11 mai 2016, par la SARL Bach à la société William, que celle-ci n'entendait aucunement accepter que l'opération par laquelle elle avait acquis le bien immobilier soit, par décision unilatérale du vendeur, exclue du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et que celui-ci conserve le montant correspondant à la taxe en sus du prix hors taxe ; qu'il suit de là qu'en l'absence de révision de l'acte authentique de cession du bien immobilier en cause, ou de toute autre forme de rectification effective de l'erreur invoquée, la société William n'est pas fondée à prétendre qu'elle aurait procédé, en temps utile, à la rectification de ladite erreur ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si la SARL William soutient qu'une telle rectification ne pouvait en tout état de cause, sauf à méconnaître le principe de neutralité de la taxe, être exigée d'elle, dès lors qu'il n'existait plus de risque de pertes de recettes fiscales, elle n'allègue toutefois pas, alors qu'il lui incombe d'apporter la preuve de cette absence définitive de risque, que la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée dans l'acte de cession de 2013 n'avait pas déjà, plus de trois ans après la cession en cause, été déduite par l'acquéreur ; que d'ailleurs, la société William a versé au dossier une lettre du 30 septembre 2013 adressée par son avocat aux co-gérants de la SARL Bach, dans laquelle celui-ci affirme lui-même avoir été informé de ce que la société Bach avait déjà déduit la taxe afférente à l'acquisition de l'ensemble immobilier et ajoute : " il vous appartient donc de déposer, sans délai, une déclaration rectificative sous les plus brefs délais. Au cas où vous prendriez la responsabilité de ne pas rectifier l'acte notarié précité, ainsi que votre déclaration de TVA, vous avez la faculté de consulter un avocat, dont je vous remercie de bien vouloir m'indiquer les coordonnées." ; que la société requérante, qui ne saurait se borner à faire valoir qu'il appartiendrait à l'administration d'user de son droit de reprise à l'encontre de l'acquéreur pour s'opposer à la déduction par celui-ci de la taxe ayant grevée l'achat de l'immeuble en cause, n'apporte aucun élément de nature à établir que tout risque de pertes de recettes fiscales aurait disparu ; que la société William ne saurait s'affranchir de cette obligation en prétendant, de manière infondée, que l'administration, sauf à méconnaître son devoir de loyauté, devrait justifier de l'exercice par la société Bach de son droit à déduction, ou que le secret professionnel auquel sont soumis les agents des impôts en vertu de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales ne lui serait pas opposable en raison d'une prétendue solidarité de paiement résultant de l'acte authentique de cession susmentionné ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait, sans méconnaître le principe de neutralité, se fonder sur l'absence de rectification de la taxe mentionnée à tort pour procéder au rappel litigieux de taxe collectée et non déclarée, doit être écarté ; qu'à cet égard, en l'absence de preuve d'un refus devenu définitif opposé par l'administration à la déduction par la société Bach de la taxe ayant grevé la cession de l'immeuble, la société William ne peut, utilement invoquer la position adoptée par la Cour justice de l'Union européenne dans son arrêt du 11 avril 2013, Rusdespred OOD (C-138/12), dans une affaire où un tel refus avait été opposé au client d'un fournisseur ayant facturé par erreur la taxe sur une prestation exonérée et où l'administration refusait néanmoins à ce fournisseur le remboursement de la taxe acquittée par lui au motif que qu'il n'avait pas procédé à une rectification de la facture erronée et alors au surplus que le régime de rectification prévu par la loi nationale n'était en pareil cas plus applicable ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société William n'est pas fondée à prétendre à la décharge totale du rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;

9. Considérant que si, pour demander la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné, la SARL William soutient que l'imposition aurait dû porter sur la marge et non sur le prix de cession du bien immobilier, il résulte toutefois des dispositions précitées du 3 de l'article 283 du code général des impôts que la seule mention de la taxe dans l'acte authentique établi le 14 janvier 2013 suffit à rendre celui qui l'a facturée redevable de cette taxe pour le montant indiqué dans l'acte, de sorte que l'administration pouvait, à bon droit, appréhender entre les mains du vendeur le montant de la taxe ainsi mentionné ; qu'il s'ensuit que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les pénalités :

10. Considérant que la société William conteste, comme elle le faisait devant le tribunal, l'existence du manquement délibéré retenu par l'administration pour lui appliquer la pénalité de 40% prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; qu'elle ne saurait utilement, pour se faire, se prévaloir d'une assignation, prétendument signifiée à la SARL Bach et aux notaires chargés de la vente, dont elle ne verse au dossier qu'un projet ne comportant pas de date précise ni le nom de l'huissier chargé de la signification et dont le contenu indique qu'elle intervient en conséquence de l'engagement à son encontre du contrôle fiscal ; qu'il y a lieu, pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges, lesquels, contrairement à ce que soutient la société requérante, ont fait une exacte application des dispositions du code, de confirmer le bien-fondé des pénalités litigieuses ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société William n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin de décharge ou de réduction présentées devant la Cour doivent être rejetées ; qu'il en va de même, en conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante :

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société William est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société William et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 janvier 2018.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00559


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00559
Date de la décision : 24/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : DE PINGON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-01-24;17pa00559 ?
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