Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 novembre 2015 par laquelle le ministre des affaires étrangères et du développement international a pris à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, dont un an avec le bénéfice du sursis.
Par un jugement n° 1600641/5-2 du 2 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 1er juillet 2016 et le 2 juin 2017, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600641/5-2 du 2 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision ministérielle contestée du 20 novembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au ministre de procéder à sa réintégration dès le prononcé de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente et elle est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation au motif que le remboursement de frais professionnels lui était effectivement dû, que le second mémoire de frais qu'il a signé ne faisait que reprendre un premier mémoire validé par son supérieur mais comportant des erreurs matérielles, qu'il a imité la signature de ses supérieurs uniquement pour accélérer la procédure, sans qu'il y ait enrichissement personnel, contrairement à ce que soutient l'administration, qu'il se trouvait dans un contexte particulier de pression de sa hiérarchie, caractérisé notamment par un refus systématique de lui accorder ses congés alors qu'il devait retourner en France à cause de son diabète et du fait du décès de sa mère ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de ses conséquences sur sa vie familiale liées au fait qu'il a été privé de rémunération durant une année.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2017, le ministre des affaires étrangères et du développement international conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est irrecevable pour ne pas être signée, en méconnaissance de l'article R. 431-4 du code de justice administrative et qu'aucun moyen d'appel n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 décembre 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;
- le décret n° 2012-1511 du 28 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties on été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir, opposée par le ministre, tirée du défaut de signature de la requête ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
1. Considérant que, par la décision contestée du 20 novembre 2015, le ministre des affaires étrangères et du développement a infligé à M. B..., adjoint administratif au sein de ce département ministériel, la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis d'un an ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 67 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires placées sous leur autorité : 1° les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 28 décembre 2012 portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères : " La direction générale de l'administration et de la modernisation exerce une mission générale d'administration, d'organisation et de modernisation de l'administration centrale et des réseaux à l'étranger. Elle définit et met en oeuvre la politique de recrutement et de formation des personnels. Elle est responsable des affectations et de la gestion des emplois et des carrières (...) " ;
3. Considérant que, par décret du 15 juillet 2015, le Président de la République a nommé M. E... C...directeur général de l'administration et de la modernisation à l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et du développement international ; qu'ainsi M. C... disposait, en cette qualité, du pouvoir de nomination et, par suite, de sanction à l'égard de M. B..., alors adjoint administratif nommé au consulat de France à Johannesburg ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée, signée par M. C..., émanerait d'une autorité incompétente, manque en fait ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée énonce les circonstances de droit et de fait qui la fondent ; qu'elle satisfait ainsi aux prescriptions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée manque en fait ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si cette sanction est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la sanction contestée a été infligée à M. B... au motif qu'il avait, dans l'exercice de ses fonctions de gestionnaire comptable et de régisseur à l'ambassade de France en Chine, imité à plusieurs reprises la signature de son supérieur direct ainsi que celle du ministre-conseiller de cette ambassade et que, pour deux des documents incriminés, il avait réalisé des faux à son profit personnel à l'appui d'une demande de remboursement de frais de mission le concernant ; que M. B..., qui reconnaît la matérialité des faits qui lui sont reprochés, soutient qu'il n'a commis ces fautes que de façon ponctuelle en avril et en mai 2015, dans le seul but d'accélérer les procédures et, notamment, d'obtenir rapidement le remboursement de ses frais de mission, dans un contexte particulier de forte tension avec sa hiérarchie et d'un manque de congés sur une longue période ; que toutefois, ces circonstances, à les supposer établies, ne sont pas susceptibles, eu égard à la nature des fautes commises par l'intéressé alors en fonctions à l'étranger et à ses fonctions de régisseur, d'en atténuer la gravité, alors même que, s'agissant du remboursement de ses propres frais professionnels, il soutient que son supérieur avait validé une première demande et que, s'il a réédité le document et y a apposé une signature imitant celle de son supérieur, c'est uniquement parce que le premier document comportait des erreurs matérielles quant aux dates indiquées ; que, dans ces conditions, en prononçant à l'encontre de M. B... la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour deux ans, dont un an avec le bénéfice du sursis, sanction d'ailleurs proposée à l'unanimité par la commission administrative paritaire réunie le 27 octobre 2015 en formation disciplinaire, le ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
7. Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. B..., les conséquences de la sanction contestée sur les moyens de subsistance de sa famille ne peuvent être regardées comme portant au droit au respect de sa vie privée et familiale que des atteintes nécessaires et proportionnées aux objectifs d'intérêt général que poursuit le pouvoir disciplinaire lorsque, à raison de leurs agissements fautifs, il inflige aux agents publics des sanctions dont le caractère proportionné est susceptible d'être contrôlé par le juge ; que le moyen tiré de ce qu'en prononçant à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'un an ferme, le ministre aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut dès lors qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par suite, les conclusions du requérant à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Heers, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 décembre 2017.
Le rapporteur,
B. AUVRAY
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16PA02128