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21/12/2017 | FRANCE | N°16PA01760

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 décembre 2017, 16PA01760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... I...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2014 par lequel le ministre des finances et des comptes publics a imposé une mesure de gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques interdisant les mouvements ou transferts de fonds, instruments financiers et ressources économiques à son bénéfice.

Par un jugement n° 1506433/7-1 du 21 avril 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 30 mai 2016...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... I...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2014 par lequel le ministre des finances et des comptes publics a imposé une mesure de gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques interdisant les mouvements ou transferts de fonds, instruments financiers et ressources économiques à son bénéfice.

Par un jugement n° 1506433/7-1 du 21 avril 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 30 mai 2016 et le 28 septembre 2016, et un mémoire de production de pièces complémentaires enregistré le 16 juin 2016, M. I..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1506433/7-1 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 octobre 2014 du ministre des finances et des comptes publics lui imposant une mesure de gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques interdisant les mouvements ou transferts de fonds, instruments financiers et ressources économiques à son bénéfice ;

3°) de constater que la note blanche et le mémoire en défense produits par le ministre des finances et des comptes publics constituent des faux ;

4°) de condamner l'Etat à verser à M. I... la somme de 3 350 000 euros en réparation du préjudice subi ;

5°) d'ordonner la publication de l'arrêt annulant l'arrêté du 29 mars 2014 au Journal officiel de la République française et au Journal officiel de la Principauté de Monaco, dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et d'ordonner la publication de l'arrêt dans trois journaux choisis par M. I... aux frais de l'Etat dans la limite de 50 000 euros ;

6°) d'inscrire en faux la note de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas procédé à une vérification des faits au regard de la définition d'une infraction en droit national ; or, les dispositions des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier ne sont applicables que si les faits reprochés au requérant constitue une infraction pénale au sens du droit français ;

- les faits allégués n'ont jamais été portés à la connaissance des autorités judiciaires françaises ; aucune décision n'a été rendue à l'encontre du requérant ;

- la note de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT) produite par le ministre est erronée et contient des approximations ; le matériel indiqué dans cette note ne constitue pas un ensemble de matériel susceptible de permettre un coup d'Etat, M. I...n'a de toute manière aucune relation avec cette liste de matériels de guerre ; il n'y a en outre aucune preuve de l'implication du requérant dans le projet d'enlèvement de Mme C...B... ;

- la note des services de renseignements n'a pas été rédigée par l'UCLAT dès lors que le contrôleur général de la police nationale conteste en être l'auteur ; le ministre des finances a trompé le tribunal administratif sur son auteur et son origine ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a mis à la charge de M. I...la preuve de la rupture de ses relations avec l'entourage de M. H...E... ;

- en rejetant la demande d'inscription de faux de la note de l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), les premiers juges ont commis une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative et ont méconnu le principe du droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 août 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Une ordonnance de clôture d'instruction a été prise le 14 novembre 2017 pour une clôture le 1er décembre 2017 à 12 heures 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies n° 2134 du 28 janvier 2014, n° 2127 du 5 décembre 2013 et n° 2121 du 10 octobre 2013,

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le règlement n° 2580/2001 du Conseil de l'Union européenne du 27 décembre 2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme,

- la position commune du Conseil de l'Union européenne du 27 décembre 2001 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (2001/931/PESC),

- le code monétaire et financier,

- le code pénal,

- le décret n° 59-178 du 22 janvier 1959,

- le décret n° 2014-403 du 16 avril 2014,

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. En premier lieu, aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. ". Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la pièce arguée de faux est un acte ou un document administratif dont aucune disposition législative expresse ne prévoit que les mentions de cet acte font foi jusqu'à inscription de faux. Il appartient au seul juge administratif, au cas où il entendrait fonder sa décision sur un tel acte ou document administratif argué de faux, de se prononcer sur l'exactitude des indications qu'il comporte.

2. M. I... soutient que l'abstention du tribunal administratif de respecter la procédure d'inscription de faux prévue à l'article R. 633-1 du code de justice administrative entache le jugement d'irrégularité et est contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, la " note blanche " des services de renseignements produite par le ministre des finances et des comptes publics, que M. I... argue de faux, constitue un document administratif dont aucune disposition législative expresse ne prévoit que ses mentions font foi jusqu'à inscription de faux. Dès lors, le tribunal administratif a pu, à bon droit, apprécier l'exactitude des mentions portées sur l'acte, sans mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article R. 633-1 du code de justice administrative, et sans méconnaitre ainsi les stipulations de l'article 6 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable.

3. En deuxième lieu, si M. I... soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation et d'un défaut de vérification des éléments de fait produits devant lui, il ressort toutefois des motifs du jugement du tribunal administratif que celui-ci a mentionné les textes applicables, s'est approprié les termes de la note des services de renseignement et a précisé que les éléments fournis par M. I... ne sont pas de nature à remettre en cause les informations crédibles qu'elle contient. En outre, si M. I... reproche au tribunal administratif de ne pas avoir vérifié les éléments que le ministre avait produits devant lui, il lui appartenait de démontrer que les documents produits par l'administration n'étaient pas crédibles et d'apporter au moins un commencement de preuve que ceux-ci ne pouvaient être pris en considération du fait de leur caractère non probant. Dès lors qu'il n'a produit aucun élément de nature à remettre en cause les éléments produits, M. I... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges n'auraient pas vérifié les éléments de fait produits devant lui.

4. En troisième lieu, si M. I... soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a mis à sa charge la preuve de la rupture de ses relations avec l'entourage de M. H... E..., il appartenait cependant au requérant d'établir qu'il était étranger aux faits qui lui étaient reprochés et qui fondaient l'arrêté contesté du 29 octobre 2014. Ainsi, en relevant " que, notamment, il n'apporte aucune précision sur les circonstances de sa rupture avec l'entourage de FrançoisE... ", le tribunal administratif n'a pas renversé, à son encontre, la charge de la preuve, mais a simplement tiré les conséquences des arguments et des pièces qui avaient été versées au dossier par chacune des parties.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Par un arrêté du 29 octobre 2014, le ministre des finances et des comptes publics a imposé à M. I...une mesure de gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques, et interdisant les mouvements ou transferts de fonds, instruments financiers et ressources économiques à son bénéfice, pour une durée de six mois, sur le fondement des dispositions des articles L. 562-1 et L. 561-2 du code monétaire et financier.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Sans préjudice des mesures restrictives spécifiques prises en application de règlements du Conseil de l'Union européenne et des mesures prononcées par l'autorité judiciaire, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 562-3 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, définis comme il est dit au 4 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, y incitent, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles au sens des 5 et 6 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, précité. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources précités sont également gelés. ". Aux termes de l'article L. 562-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " En application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales, organismes ou entités qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources susmentionnés sont également gelés ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 1er du règlement susvisé du Conseil de l'Union européenne du 27 décembre 2001 : " Aux fins du présent règlement, on entend par : ... 4) " acte de terrorisme ", la définition qui figure à l'article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931/PESC (...) " et aux termes de l'article 1er de la position commune du 27 décembre 2001 susvisée : " (...) 3. Aux fins de la présente position commune, on entend par "acte de terrorisme", l'un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d'infraction dans le droit national, lorsqu'il est commis dans le but de : i) gravement intimider une population, ou ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internationale : a) les atteintes à la vie d'une personne, pouvant entraîner la mort ; b) les atteintes graves à l'intégrité physique d'une personne ; c) l'enlèvement ou la prise d'otage ; d) le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ; e) la capture d'aéronefs, de navires ou d'autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ; f) la fabrication, la possession, l'acquisition, le transport, la fourniture ou l'utilisation d'armes à feu, d'explosifs, d'armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement ; g) la libération de substances dangereuses, ou la provocation d'incendies, d'inondations ou d'explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ; h) la perturbation ou l'interruption de l'approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ; i) la menace de réaliser un des comportements énumérés aux point a) à h) ; j) la direction d'un groupe terroriste ; k) la participation aux activités d'un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe. Aux fins du présent paragraphe, on entend par "groupe terroriste", l'association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Les termes "association structurée" désignent une association qui ne s'est pas constituée par hasard pour commettre immédiatement un acte terroriste et qui n'a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée (...) ".

9. Enfin, la résolution 2121 du Conseil de sécurité de l'ONU adoptée le 10 octobre 2013 exige, notamment, que tous les groupes armés déposent immédiatement les armes. Par la résolution 2127, adoptée le 5 décembre 2013, le Conseil de sécurité décide que toute tentative visant à retarder, entraver ou violer les dispositions transitoires prévues par l'accord de Libreville du 11 janvier 2013 sur le règlement de la situation en République Centrafricaine sera interprétée comme un obstacle au processus de paix et pourra entraîner l'imposition, notamment, d'un gel d'avoirs financiers. Par cette même résolution, le Conseil de sécurité " Dit sa ferme intention d'envisager rapidement l'imposition de mesures ciblées, dont une interdiction de voyager et un gel des avoirs, aux personnes qui, par leurs agissements, compromettent la paix, la stabilité et la sécurité, en se livrant notamment à des actes qui menacent ou violent les accords de transition, en menant des actions qui menacent ou entravent le processus politique ou attisent la violence, ou en apportant leur soutien à ces actions, notamment les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, le recrutement et l'emploi d'enfants dans le conflit armé en violation du droit international applicable, les violences sexuelles, en soutenant des groupes armés illégaux ou des réseaux criminels par le biais de l'exploitation illicite des ressources naturelles en République centrafricaine, y compris les diamants, ou encore en violant l'embargo sur les armes visé au paragraphe 54 ". En outre, par sa décision n° 2013/798/PESC du 23 décembre 2013, le Conseil européen interdit de " fournir, directement ou indirectement, une assistance technique, des services de courtage et autres services, y compris la mise à disposition de mercenaires armés, en rapport avec des activités militaires et la livraison, la fabrication, l'entretien et l'utilisation d'armements et de matériels connexes de quelque type que ce soit, y compris les armes et les munitions, les véhicules et les équipements militaires, les équipements paramilitaires et les pièces détachées pour les articles précités à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme en RCA ou aux fins d'une utilisation dans ce pays. ".

10. En premier lieu, la décision contestée est motivée par les circonstances que M. I... oeuvrait à la déstabilisation de la République centrafricaine, à l'encontre des objectifs poursuivis par les résolutions 2134 (2014), 2127 (2013) et 2121 (2013) adoptées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies respectivement les 28 janvier 2014, 5 décembre 2013 et 10 octobre 2013, et tentait de commettre un acte de terrorisme au sens de l'article 1er paragraphe 3, c et i de la position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27 décembre 2011 dans le but de gravement intimider une population, contraindre indûment des pouvoirs publics et gravement déstabiliser les structures fondamentales politiques et constitutionnelles d'un pays. Ces faits, tels qu'ils sont détaillés par une " note blanche " des services de renseignement (Unité de coordination de la lutte antiterroriste) produite par le ministre des finances et des comptes publics et relatant les agissements du requérant et de quatre autres individus qui prévoyaient d'enlever Mme J... -B..., alors présidente de transition en République Centrafricaine, doivent être regardés comme des tentatives de commettre des actes de terrorisme tant au sens du 4 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 et de l'article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931/PESC qu'au sens des articles 421-1, 421-2-1 et 421-2-2 du code pénal français qui définissent les actes de terrorisme. Par suite, M. I... n'est pas fondé à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne constitueraient pas une infraction pénale au sens du droit français.

11. En deuxième lieu, si M. I... soutient qu'aucune décision judiciaire n'a été rendue à son encontre, cette circonstance est sans incidence sur la mesure de police administrative constituée par la décision litigieuse, qui a été prise en application des dispositions précitées des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code des marchés financiers, qui n'ont pas d'autre finalité que la préservation de l'ordre public et la prévention des infractions, qui n'emportent aucune conséquence en matière de poursuites pénales et qui n'empiètent pas sur l'exercice éventuel des fonctions juridictionnelles. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. I... était chargé de mission à la présidence de la République Centrafricaine auprès de M. H...E...et qu'il a été démis de ses fonctions le 5 juillet 2013 par M. F...G...qui a succédé à M. E.... A la suite de ces événements, l'intéressé a fait l'objet d'une " note blanche " de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) où il est mentionné que celui-ci contribue activement aux projets de M. H...E...et qu'il s'est entretenu avec plusieurs autres individus, dont son frère, avec lesquels il préparait une insurrection armée, comme en témoignait la liste des armes retrouvée chez l'un des individus, et qu'ils avaient pour projet d'enlever Mme Samba-Panza, présidente de transition de la République Centrafricaine. Si M. I... soutient que les allégations contenues dans la note de l'UCLAT sont erronées, il n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de ses allégations, alors que les éléments dont cette note, sérieux et concordants, faisaient état, notamment la longue liste d'armes détenues par l'un de ses comparses, les propos menaçants tenus à l'égard de la présidente de transition ainsi que les retranscriptions des rendez-vous discrets entre les protagonistes et laissaient penser que le requérant et ses comparses menaçaient effectivement la stabilité du régime de transition centrafricain. Dès lors, M. I... n'est pas fondé à soutenir que la note de l'UCLAT serait entachée d'erreurs et de contradictions et qu'il n'existe pas de lien entre le contenu de cette note et les faits qui lui sont reprochés.

13. En quatrième lieu, si M. I... soutient que la " note blanche " produite par le ministre des finances et des comptes publics, ne provient pas de l'UCLAT comme l'affirme le ministre chargé des finances, le requérant n'apporte, au soutien de son allégation, aucun commencement de preuve de nature à remettre en cause l'origine de ce document, qui, en tout état de cause, émane de l'administration. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur les conclusions à fins indemnitaires :

14. Aux termes de l'article R. 421-1 du code justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".

15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par M. I... doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions à fin d'annulation. Au surplus, il résulte de l'instruction que le requérant a présenté, pour la première fois dans sa demande introductive d'instance devant le Tribunal administratif de Paris, des conclusions tendant à ce que l'Etat lui verse la somme de 3 350 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la prise et de la publication de l'arrêté en litige, sans avoir adressé de demande en ce sens à l'Etat préalablement à la saisine du tribunal administratif. Le ministre de l'économie et des finances, qui a soulevé cette fin de non-recevoir dans son premier mémoire en défense devant le tribunal, ne peut être regardé comme ayant lié le contentieux dans le cadre de l'instance. Par suite, les conclusions à fins indemnitaire présentées par M. I... sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux et doivent être rejetées pour ce motif.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 avril 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. A... I...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2017.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 16PA01760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01760
Date de la décision : 21/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-03 Police. Étendue des pouvoirs de police.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : BADUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-21;16pa01760 ?
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