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14/12/2017 | FRANCE | N°16PA02193

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 14 décembre 2017, 16PA02193


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2016, la société Almadis, représentée par la SCP ALEO, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 23 mai 2016 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a autorisé la société immobilière européenne des mousquetaires à implanter un magasin spécialisé de bricolage à Coulommiers ;

2°) de mettre à la charge de la société immobilière européenne des mousquetaires la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ

e.

Elle soutient que la décision attaquée est entachée d'erreurs d'appréciation au regard ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2016, la société Almadis, représentée par la SCP ALEO, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 23 mai 2016 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a autorisé la société immobilière européenne des mousquetaires à implanter un magasin spécialisé de bricolage à Coulommiers ;

2°) de mettre à la charge de la société immobilière européenne des mousquetaires la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision attaquée est entachée d'erreurs d'appréciation au regard des objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable poursuivis par l'article L. 752-6 du code du commerce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2016, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2017, la société immobilière européenne des mousquetaires, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle est dirigée contre un avis de la CNAC rendu dans le cadre d'une procédure de demande de permis de construire et ne peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nguyên Duy,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- et les observations de Me Lefevre, avocat de la société Almadis et de Me Debaussart, avocat de la société immobilière européenne des mousquetaires.

1. Considérant que, par une décision du 14 mai 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a annulé, sur recours des sociétés Almadis et Bouche distribution, la décision du 9 janvier 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de Seine-et-Marne a autorisé la société immobilière européenne des mousquetaires à créer un magasin de bricolage à l'enseigne Brico Cash, d'une surface de vente de 3 900 m², dans la zone d'aménagement concerté de " la Prairie Saint-Pierre " située sur le territoire de la commune de Coulommiers ; que, par un arrêt n° 14PA03630 du 11 février 2016, la Cour a annulé la décision de la CNAC du 14 mai 2014 ; qu'à la suite de cette annulation, la CNAC a procédé à un nouvel examen du projet qu'elle a autorisé par une décision du 23 mai 2016 contre laquelle la société Almadis forme le présent recours ;

2. Considérant qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ; que l'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;

3. Considérant que l'article L. 752-6 du code de commerce prévoit que, lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, " la commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche " ;

Sur l'objectif d'aménagement du territoire :

4. Considérant, en premier lieu, que, pour contester la décision attaquée, la société Almadis fait valoir que le projet, éloigné des zones d'habitat et du centre-ville de Coulommiers et situé à l'extrémité est de la ZAC de la " Prairie Saint-Pierre ", dans un espace encore naturel et agricole, va contribuer à l'étalement urbain et au mitage du territoire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier du dossier actualisé présenté par la société immobilière européenne des mousquetaires en vue du réexamen de sa demande d'autorisation par la CNAC, que le projet, situé dans un terrain actuellement en friche, est inscrit dans le périmètre d'une zone d'activité à vocation commerciale, artisanale et industrielle en plein essor ; qu'en effet, si le projet de construction d'un supermarché sous l'enseigne " Intermarché " qui avait été autorisé par la CNAC le 26 février 2013 dans le terrain contigu à celui du projet, a depuis été abandonné, un ensemble commercial de 9 500 m² a été autorisé par la CNAC, le 15 juin 2015, à environ 300 m du projet, tandis que les parcelles situées en face du site litigieux accueillent désormais un immeuble commercial, une unité centrale de production culinaire en chambre froide et un bâtiment de Pôle emploi ; qu'il résulte également du document d'aménagement commercial du schéma de cohérence territoriale du bassin de vie de Coulommiers que celui-ci entend développer, sur des terrains actuellement agricoles, une zone d'aménagement commercial dite " des longs sillons " dans le prolongement de la partie est de la ZAC de la " Prairie Saint-Pierre " dans laquelle sera implanté le projet, en vue de participer à l'affirmation d'un pôle commercial au sud de l'agglomération de Coulommiers ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la société Almadis soutient que le projet va fragiliser le petit commerce local de la ville de Coulommiers, qui a bénéficié de subventions du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce en 2005 et 2012, et que l'offre commerciale, constituée par les quatre magasins de bricolage situés dans la ZAC de la " prairie Saint-Pierre " et dans les villes proches de Claye-Souilly et Mareuil les Meaux, répond déjà aux besoins de la population ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet repose sur un concept commercial inédit proposant un magasin de bricolage sous forme d'entrepôt destiné principalement aux professionnels et aux particuliers expérimentés à la recherche de matériaux dans des volumes importants ; qu'il complétera ainsi l'offre commerciale proposée à la population résidant dans la zone de chalandise, tout en permettant de limiter l'évasion de la clientèle vers d'autres pôles commerciaux avoisinants, tels que ceux de Claye-Souilly et Mareuil les Meaux, et sans détourner la clientèle des quatre commerces du centre-ville spécialisés dans le bricolage, qui proposent, contrairement au magasin Brico Cash, une offre de produits diversifiés dans des volumes réduits ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la société Almadis soutient que le projet va générer des flux automobiles supplémentaires et par suite des difficultés de circulation accrues, alors que les infrastructures routières existantes, en particulier la rue des longs sillons qui constitue la voie de desserte du projet, sont déjà insuffisantes, et que la réalisation des aménagements nécessaires pour assurer la fluidité du trafic, à savoir un giratoire au croisement des rues de Montigny et d'Orgeval et le boulevard urbain longeant à l'est le terrain d'assiette du projet, ne revêt pas un caractère certain ; qu'il ressort cependant d'une étude de trafic, réalisée en mars 2016 à la demande du pétitionnaire, que l'implantation du magasin Brico Cash n'aura qu'un impact modéré sur le trafic et que les infrastructures routières existantes, actuellement peu utilisées, seront largement en mesure d'absorber ces nouveaux flux ; qu'il ressort également des pièces du dossier que les flux de livraisons seront séparés de ceux des véhicules des clients et que, depuis juin 2015, la rue de l'Orgeval est en sens unique pour tous les véhicules venant du carrefour de la rue du Grand Morin et allant vers la rue des longs sillons ; qu'il en ressort également que, contrairement à ce que soutient la société Almadis, le projet s'insère dans le réseau des transports en commun, puisque deux arrêts de bus étaient, en avril 2016, en cours de réalisation, sur la rue des longs sillons, à hauteur du site du projet, et que, selon l'avis de la direction départementale des territoires, le projet est accessible à pied grâce à la présence de larges trottoirs sécurisés, la rue de Montigny étant en outre calibrée pour recevoir de futures pistes cyclables ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Almadis n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait méconnu l'objectif d'aménagement du territoire poursuivi par l'article L. 752-6 du code de commerce ;

Sur l'objectif de développement durable :

8. Considérant que si la réalisation du bâtiment et du parc de stationnement entraînera une imperméabilisation des sols et si les espaces verts seront réduits d'environ 2% par rapport à la précédente demande d'autorisation, pour représenter un peu plus de 37% de la superficie de la parcelle, il ressort des pièces du dossier que des aménagements compensatoires sont prévus afin d'améliorer la gestion de l'écoulement des eaux, notamment par la création de noues d'infiltration engazonnées et de bassins de rétention ; que le pétitionnaire a également prévu la réalisation d'aménagements permettant l'optimisation de la gestion des déchets, la récupération des eaux de pluie aux fins d'arrosage des espaces verts et de nettoyage des sols, et la maîtrise des consommations énergétiques ; qu'ainsi, le projet prévoit notamment un éclairage naturel important, l'installation de candélabres fonctionnant grâce aux énergies renouvelables et de panneaux solaires sur la toiture ; que, dans ces conditions, la société Almadis n'est pas fondée à critiquer la qualité environnementale du projet ;

9. Considérant que la société Almadis fait également valoir que la forme retenue et les matériaux utilisés ne permettent pas au bâtiment projeté de s'insérer dans son environnement naturel et boisé ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier actualisé présenté par le pétitionnaire que les ruptures de rythme des façades, accentuées par les différences de couleurs et de matériaux utilisés, dont le bois, permettent de rompre l'effet de masse du bâtiment et ainsi d'assurer l'insertion du projet dans son environnement qui ne présente d'ailleurs aucun caractère particulier ; qu'il en ressort également que plus de 37% de la surface de la parcelle seront réservés à des espaces verts constitués de 50 arbres de variétés différentes et de haies fleuries, plantées notamment le long des limites séparatives, et que le bâtiment sera implanté au milieu de la parcelle pour permettre la création d'un espace paysager devant et derrière la construction du bâtiment de façon à créer une transition avec le paysage naturel ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Almadis n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait méconnu l'objectif de développement durable poursuivi par l'article L. 752-6 du code de commerce ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société immobilière européenne des mousquetaires, que la société Almadis n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 23 mai 2016 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Almadis la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société immobilière européenne des mousquetaires et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Almadis est rejetée.

Article 2 : La société Almadis versera à la société immobilière européenne des mousquetaires la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Almadis, à la société immobilière européenne des mousquetaires et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 décembre 2017.

Le rapporteur,

P. NGUYÊN DUY La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02193
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial - Procédure.

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial - Règles de fond.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Pearl NGUYÊN-DUY
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : DEBAUSSART

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-14;16pa02193 ?
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