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12/12/2017 | FRANCE | N°17PA00126

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 12 décembre 2017, 17PA00126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination.

Par un jugement n° 1608487/5-1 du 22 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

enregistrée le 10 janvier 2017, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 février 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination.

Par un jugement n° 1608487/5-1 du 22 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2017, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 17 février 2016 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en remettant en cause le caractère probant du certificat médical produit, le tribunal a méconnu son droit à un recours effectif, en méconnaissance de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où son état de santé nécessite une prise en charge médicale en France ;

-contrairement à ce qu'a affirmé le tribunal, elle peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile quand bien même elle n'a pas présenté de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

- elle s'expose à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 2 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Labetoulle a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme B...C..., ressortissante congolaise, née le 9 septembre 1959 à Kinshasa (Côte d'Ivoire) qui soutient être entrée en France en 2013, a présenté une demande d'asile rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 décembre 2014, notifiée le 5 janvier 2015 ; que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 2 juillet 2015, notifiée le 7 juillet 2015 ; qu'à la suite de cette décision, le préfet du Val-de-Marne a pris un arrêté en date du 17 février 2016 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que par un jugement du 22 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le recours en annulation introduit par Mme C...contre cet arrêté ; que Mme C...interjette appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ;

3. Considérant, en premier lieu, que Mme C...a été mise à même de contester utilement devant le Tribunal administratif de Paris l'arrêté du préfet du Val-de-Marne, et a effectivement exercé ce droit ; qu'elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir, du seul fait que les premiers juges ont estimé que les pièces qu'elle produisait devant eux n'établissaient pas l'illégalité de cette décision au regard des dispositions invoquées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le jugement aurait été rendu en méconnaissance des principes posés par les stipulations précitées de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union, relatives au droit à un recours effectif et au droit à un procès équitable ainsi qu'en méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre du refus de titre de séjour ;

5. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;

6. Considérant qu'il ressort des deux certificats médicaux produits, pour l'un devant le tribunal et pour l'autre devant la Cour, en date respectivement des 19 février 2016 et 5 janvier 2017, et établis par un praticien de l'hôpital Saint-Louis, que la requérante nécessite, pour des pathologies décrites dans le second certificat, une prise en charge médicale et biologique de plusieurs années dont le défaut entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne peut lui être dispensée dans son pays d'origine ; que cette absence de traitement disponible dans le pays d'origine n'est pas contestée par le préfet qui n'a pas produit de mémoire en défense devant la Cour ; que par ailleurs si ces certificats sont postérieurs à l'intervention de l'arrêté attaqué, ayant été établis pour l'un, deux jours après l'édiction de cet arrêté et pour l'autre plusieurs mois après, ils se réfèrent à une pathologie et un traitement déjà existants à la date à laquelle le préfet a pris cet arrêté ; que Mme C...est par suite fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre ; que l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté attaqué est de ce fait entachée d'illégalité sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés à l'encontre de cette décision et de la décision fixant le pays de destination ;

7. Considérant en revanche que Mme C...ne fait état de ses problèmes de santé qu'à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives aux seules obligations de quitter le territoire français et qui ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour ; qu'en tout état de cause et ainsi que l'a à juste titre jugé le tribunal en ce qui concerne ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour qui lui a été opposé, il est constant que la requérante n'a pas déposé de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne ait examiné d'office si Mme C...était susceptible de se voir délivrer un titre de séjour en application des dispositions susmentionnées du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, MmeC..., à qui il appartient de déposer le cas échéant une demande de titre de séjour sur ce fondement, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté du 17 février 2016 du préfet du Val-de-Marne ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination, contenues dans l'arrêté du 17 février 2016 ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fins d'injonction sous astreinte doivent dès lors être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme C...qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale et son conseil demandent au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1608487/5-1 du tribunal administratif de Paris est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 17 février 2016 du préfet du Val de Marne.

Article 2 : l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 17 février 2016 du préfet du Val-de-Marne sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2017.

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLELe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00126
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : POULY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-12;17pa00126 ?
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