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06/12/2017 | FRANCE | N°17PA00075

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 décembre 2017, 17PA00075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 27 juillet 2015 par laquelle le directeur général de l'Office national des forêts (ONF) a mis fin à sa nomination dans l'emploi de directrice générale adjointe à compter du 31 juillet 2015 et à son détachement auprès de l'ONF, et d'autre part, l'arrêté du 7 août 2015 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de

la forêt ont mis fin à son détachement auprès de l'ONF à compter du

1er août ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 27 juillet 2015 par laquelle le directeur général de l'Office national des forêts (ONF) a mis fin à sa nomination dans l'emploi de directrice générale adjointe à compter du 31 juillet 2015 et à son détachement auprès de l'ONF, et d'autre part, l'arrêté du 7 août 2015 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ont mis fin à son détachement auprès de l'ONF à compter du

1er août 2015.

Par un jugement n° 1516055/5-3 du 9 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2017, Mme A..., représentée par Me Cécile Bonnet-Roumens, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1516055/5-3 du 9 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions contestées devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national des forêts la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 27 juillet 2015 est insuffisamment motivée ; la simple mention de " l'intérêt du service " ne peut tenir lieu de motivation ; cette motivation ne permet pas de savoir si cette décision a été prise en considération de la personne ;

- cette décision, prise en considération de la personne, a été prise dans des conditions irrégulières dès lors qu'elle n'a pas eu la possibilité d'accéder à son dossier administratif avant son adoption et a été privée de la garantie prévue par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- cette décision n'a pas été précédée des consultations prévues par le code forestier - à savoir celles du conseil d'administration et de la commission administrative paritaire - en matière de mesures relatives à l'organisation générale de l'office et pas davantage par la consultation du comité de direction exceptionnel qui avait été annoncée lors du comité de direction restreint exceptionnel réuni le 24 juillet 2015 ;

- l'arrêté du 7 août 2015 ne mentionne pas les voies et délais de recours ;

- la décision du 27 juillet 2015 et l'arrêté du 7 août 2015 sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ; l'objectif essentiel de la réorganisation étant de ne conserver qu'un seul poste de directeur général adjoint, ce nouveau poste aurait dû normalement lui être proposé dans le cadre d'une procédure de nomination normale ;

- la décision du 27 juillet 2015 doit s'analyser comme une mesure prise en considération de sa personne, dès lors qu'elle n'est pas justifiée par une réorganisation, la réorganisation invoquée n'étant intervenue que postérieurement et ayant consisté en la seule modification de l'intitulé du poste qu'elle occupait, dont le périmètre n'a pas changé ;

- cette décision est entachée de détournement de pouvoir en ce qu'elle constitue une sanction disciplinaire déguisée et qu'elle a été prise de manière très brutale.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2017, l'Office national des forêts (ONF), représenté par Me Christophe Lonqueue conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que la décision du 27 juillet 2015 ne soit annulée qu'en tant qu'elle prend effet avant la date d'entrée en vigueur du nouvel organigramme de direction de l'ONF, soit le 2 septembre 2015 et, en tout état de cause, à la condamnation de Mme A...au versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2017, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- il était tenu de prendre acte de la fin du détachement et de placer Mme A...dans une position statutaire régulière en prononçant sa réintégration.

Par une ordonnance du 4 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions ;

- le décret n° 2005-1017 du 22 août 2005 relatif aux conditions de nomination et d'avancement dans les emplois de direction de l'Office national des forêts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de Me Cécile Bonnet-Roumens, avocat de Mme A....

- et celles de MeB..., substituant Me Christophe Lonqueue, avocat de l'Office national des forêts.

1. Considérant que MmeA..., ingénieur en chef du génie rural, des eaux et des forêts, puis ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, a été affectée à l'Office national des forêts (ONF) à compter du 1er juin 2003, pour y exercer les fonctions de directrice de cabinet auprès du directeur général ; qu'elle a ensuite été placée en position de détachement auprès de l'office et y a été nommée dans l'emploi de chef de département du 1er septembre 2004 au 31 août 2009 ; que dans le cadre de ce détachement, le directeur général de l'ONF a nommé Mme A...dans l'emploi de directeur central pour une durée de trois ans à compter du 26 août 2005 ; que Mme A...a ensuite été nommée dans l'emploi de directrice des affaires communales pour une durée de trois ans renouvelable à compter du 23 janvier 2008 ; que sa nomination dans l'emploi de directeur central a été renouvelée pour une durée de trois ans à compter du 23 janvier 2011 ; qu'à compter du

8 janvier 2014, elle a exercé les fonctions de directeur général adjoint chargé des relations institutionnelles et de la coordination du réseau territorial, son détachement dans un emploi de direction ayant été prolongé en dernier lieu pour trois ans à compter du 23 janvier 2014 par arrêté du 26 mars 2014 ; que par un courrier daté du 27 juillet 2015, le directeur général de l'ONF, nommé à ce poste par décret du 23 juillet 2015, publié au journal officiel le lendemain, a informé Mme A...qu'il mettait fin à sa nomination dans l'emploi de directeur général adjoint, dans l'intérêt du service, conformément à l'article 5 du décret 2005-1017 du 22 août 2005 relatif aux conditions de nomination et d'avancement dans les emplois de direction de l'ONF et que cette décision prenait effet le 31 juillet 2015 ; que par arrêté du 7 août 2015 le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ont mis fin au détachement de Mme A...auprès de l'ONF à compter du 1er août 2015 ; que Mme A...ayant en vain contesté ces décisions devant le Tribunal administratif de Paris, relève appel du jugement n° 1516055/5-3 du 9 novembre 2016, par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 24 du décret du 16 septembre 1985 : " Il peut être mis fin au détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant soit à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, soit de l'administration d'origine " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 22 août 2005 : " Tout fonctionnaire nommé dans un emploi de direction mentionné à l'article 1er peut se voir retirer cet emploi dans l'intérêt du service. " ;

3. Considérant que Mme A...soutient, comme elle le faisait en première instance, que les décisions attaquées sont irrégulières, dès lors qu'elles sont intervenues sans qu'elle ait, au préalable, été mise à même de consulter son dossier et de formuler des observations, et que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision mettant fin à ses fonctions avait été prise dans le cadre d'une réorganisation de la direction de l'ONF, et non pas en considération de sa personne ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions contestées, la direction générale de l'ONF comprenait un directeur général et deux directeurs générax adjoints ; que Mme A...occupait le poste de directeur général adjoint chargé des relations institutionnelles et de la coordination territoriale, décrit en dernier lieu dans l'instruction portant organisation de la direction générale INS 14 G 125 du 15 juillet 2014 ; qu'il ressort également des pièces du dossier que, le 24 juillet 2015, le nouveau directeur général de l'office, nommé par décret publié le même jour au journal officiel, a réuni un comité de direction restreint exceptionnel au cours duquel il a annoncé son intention d'apporter à l'organisation de l'office une modification visant à prévoir un poste de directeur général adjoint à compétence générale et un poste d'adjoint au directeur général pour les relations institutionnelles ;

5. Considérant que l'administration qui accueille un fonctionnaire en position de détachement peut à tout moment, dans l'intérêt du service, remettre ce fonctionnaire à la disposition de son administration d'origine en disposant, à cet égard, d'un large pouvoir d'appréciation ; que toutefois, en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le niveau d'élaboration et la nature du projet de réorganisation de la direction générale de l'ONF aient été tels, le 27 juillet 2015, que la décision litigieuse mettant fin aux fonctions de Mme A...puisse être regardée comme intervenue exclusivement en raison de ce projet et indépendamment de toute considération tenant à la

personne ; que d'ailleurs, il ne ressort pas de l'instruction prise le 2 septembre 2015, soit postérieurement à la décision litigieuse du 27 juillet 2015, que les attributions dévolues à l'adjoint au directeur général diffèraient sensiblement de celles qui étaient exercées par MmeA... ; que dans ces conditions, cette décision, eu égard notamment à la date à laquelle elle est intervenue, soit antérieurement à la formalisation du projet de réorganisation et au délai très bref séparant son intervention et sa date d'effet, ne peut être regardée que comme n'ayant pas été prise en considération de la personne ; qu'il suit de là que, s'il était loisible au directeur général de l'ONF de prendre, dans l'intérêt du service, la décision litigieuse, cette décision même si elle était dépourvue de caractère disciplinaire, ne pouvait intervenir légalement sans être précédée de la formalité instituée par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 susvisée ;

6. Considérant que la décision litigieuse du directeur génral de l'ONF, signée le

27 juillet 2015 et prenant effet dès le 31 juillet suivant, ne mentionnait pas la possibilité pour Mme A...de prendre connaissance de son dossier et, au demeurant, n'a pas pu être notifée en temps utile à l'intéressée, laquelle était d'ailleurs en congés annuels, pour lui permettre de consulter son dossier ou de formuler d'éventuelles observations ; que Mme A...est, par suite, fondée à soutenir que cette décision, qui est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et l'a privée d'une garantie fondamentale, est entachée d'une illégalité devant entrainer son annulation ; qu'eu égard à la nature de cette illégalité, l'annulation de la décision du 27 juillet 2015 ne saurait, comme le demande à titre subsidaire l'ONF, être prononcée " uniquement en tant qu'elle prend effet avant la date d'entrée en vigueur du nouvel organigramme de direction de l'ONF (2 septembre 2015) " ; que l'annulation de cette décision pour irrégularité entraîne nécessairement, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêté du 7 août 2015, par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ont mis fin au détachement de Mme A...auprès de l'ONF à compter du 1er août 2015 ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et à obtenir l'annulation dudit jugement et des décisions litigieuses ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'ONF, qui est dans la présente instance la partie perdante, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le même fondement par l'ONF ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1516055/5-3 du 9 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La décision du 27 juillet 2015 par laquelle le directeur général de l'Office national des forêts a mis fin, à compter du 31 juillet 2015, à la nomination de Mme A...dans l'emploi de directrice générale adjointe de l'Office national des forêts est annulée.

Article 3 : L'arrêté du 7 août 2015, par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ont mis fin au détachement de Mme A...auprès de l'Office national des forêts à compter du 1er août 2015, est annulé.

Article 4 : L'Office national des forêts versera à Mme A...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au ministre de l'agriculture, ministre d'Etat, au ministre de la transition écologique et solidaire et de l'alimentation et à l'Office national des forêts.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2017

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, ministre d'Etat en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00075
Date de la décision : 06/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : BONNET ROUMENS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-06;17pa00075 ?
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