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30/11/2017 | FRANCE | N°17PA01462

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 novembre 2017, 17PA01462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 septembre 2016 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé les pays à destination desquels il pourra être reconduit, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la délivrance d'une carte de séjour visiteur, sous astreinte de 100 e

uros par jour de retard à compter du cinquième jour suivant le jugement à int...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 septembre 2016 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé les pays à destination desquels il pourra être reconduit, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la délivrance d'une carte de séjour visiteur, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du cinquième jour suivant le jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, MeC..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1613842/6-1 du 31 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2017, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1613842/6-1 du 31 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 septembre 2016 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du cinquième jour suivant l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté du 6 septembre 2016 est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Tchad ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A...sont inopérants dès lors que cette décision ne fixe pas le pays de destination ;

- les autres moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- et les observations de Me Dourouni-Le Strat, avocate de M. A....

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant tchadien, né le 1er janvier 1993 à Belki au Tchad, qui déclare être entré sur le territoire français le 15 août 2016, a fait l'objet d'un contrôle d'identité par les services de police le 6 septembre 2016 ; que, par un arrêté pris le jour même, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a décidé son éloignement à destination du pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible, à l'exclusion du Tchad ; que M. A...relève appel du jugement du 31 mars 2017 par lequel Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'en relevant que l'arrêté contesté avait expressément exclu le Tchad des pays à destination desquels le requérant était susceptible de faire l'objet d'un éloignement forcé, le Tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen par lequel M. A...faisait valoir qu'il encourrait en violation des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales des risques graves en cas de retour au Tchad ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée " ;

4. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990, notamment ses articles 19, 20 et 21, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 511-1, L. 511-2, L. 512-1, L. 551-1, L. 551-2 et L. 551-3 ; qu'elle indique, d'une part, que M. A...est dépourvu de document transfrontière, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et est dépourvu de titre de séjour en cours de validité, d'autre part, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, la décision litigieuse énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort ni des termes de la décision litigieuse, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. A...avant de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que si M. A...soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il risque d'être persécuté en cas de retour dans son pays d'origine, ces moyens sont inopérants à l'encontre de cette décision qui ne fixe pas le pays à destination duquel l'intéressé pourra être éloigné ;

8. Considérant, enfin, que M. A...soutient être entré en France dans l'intention de demander l'asile et avoir été illégalement privé de ce droit par la décision d'éloignement contestée intervenue selon lui quelques jours seulement après son arrivée ; que, toutefois, il est constant que, si le requérant a informé les services de police de son intention de demander l'asile, il n'a déposé aucune demande d'asile dans le délai de trente jours qui lui avait été laissé pour l'exécution volontaire de cette décision ; qu'à cet égard, s'il fait valoir avoir été dans l'impossibilité de déposer une demande d'asile faute d'avoir pu être reçu à cette fin par l'administration, il n'assortit son moyen d'aucun justificatif ni même d'aucune précision sur les démarches vainement effectuées pour demander l'asile ; que, par ailleurs, il n'assortit ses allégations selon lesquelles il aurait fait l'objet de persécutions dans son pays d'origine d'aucun justificatif ni même d'aucune précision sur les persécutions alléguées ; que, dans ces conditions, son moyen doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. " ;

10. Considérant, en premier lieu, que le moyen pris de ce que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges ;

11. Considérant, en second lieu, que l'article 2 de l'arrêté contesté dispose qu'à l'expiration d'un délai de trente jours à compter de sa notification, le requérant pourra être reconduit d'office " à destination du pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement réadmissible, sauf le Tchad " ; que, dès lors que cet arrêté exclut ainsi expressément le Tchad des pays à destination desquels il serait susceptible sur le fondement de cette décision de faire l'objet d'un éloignement forcé en application des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il risque un éloignement vers ce pays ; qu'il est sans incidence à cet égard que le requérant ne serait admissible dans aucun autre pays ; que, dans ces conditions, M. A...ne critique pas utilement la légalité de cette décision en soutenant encourir au Tchad des risques de traitements contraires aux articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNILe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01462
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : DIRAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-30;17pa01462 ?
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