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28/11/2017 | FRANCE | N°16PA02996

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 28 novembre 2017, 16PA02996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a saisi le Tribunal administratif de Paris de trois demandes, transmises ultérieurement au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance de renvoi, et tendant :

1°) à l'annulation de l'état exécutoire n° 125413 émis le 18 juin 2014 par Port Autonome de Paris et mettant à sa charge le paiement de la somme de 27 097,98 euros,

2°) à l'annulation de l'état exécutoire n° 125037 émis le 5 décembre 2013 par Port Autonome de Paris et mettant à sa charge le paiement de la somme

de 66 701,95 euros,

3°) à l'annulation de l'état exécutoire n° 125607 émis le 23 octobre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a saisi le Tribunal administratif de Paris de trois demandes, transmises ultérieurement au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance de renvoi, et tendant :

1°) à l'annulation de l'état exécutoire n° 125413 émis le 18 juin 2014 par Port Autonome de Paris et mettant à sa charge le paiement de la somme de 27 097,98 euros,

2°) à l'annulation de l'état exécutoire n° 125037 émis le 5 décembre 2013 par Port Autonome de Paris et mettant à sa charge le paiement de la somme de 66 701,95 euros,

3°) à l'annulation de l'état exécutoire n° 125607 émis le 23 octobre 2014 par Port Autonome de Paris et mettant à sa charge le paiement de la somme de 10 416,74 euros.

Par un jugement n° 1409601,1409602, 1409997 du 29 juillet 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour:

Par une requête sommaire, enregistrée le 30 septembre 2016, un mémoire ampliatif, enregistré le 8 novembre 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 12 juin 2017, M. D... représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juillet 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les états exécutoires susvisés ;

3°) de mettre à la charge de Port Autonome de Paris une somme de 1. 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les états exécutoires ne comportent pas une motivation suffisante s'agissant des bases de la liquidation, du fait en particulier de l'absence de référence de la délibération de Port Autonome de Paris instituant les redevances domaniales ;

- l'état exécutoire du 5 décembre 2013 mentionne à tort des indemnités de stationnement alors qu'il n'était assujetti qu'à des redevances domaniales ayant été autorisé à occuper le domaine public fluvial jusqu'au 31 octobre 2013 ;

- en s'abstenant d'engager une procédure de contravention de grande voirie, Port Autonome de Paris doit être regardé comme ayant tacitement autorisé l'occupation du domaine public après le 31 octobre 2013 ;

- les indemnités de stationnement, qui comportent une majoration de 100% du tarif de la redevance, constituent des sanctions administratives d'après la jurisprudence du Conseil Constitutionnel ; pourtant il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations écrites avant l'émission des états exécutoires ; dès lors le principe du respect des droits de la défense a été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2017, Port Autonome de Paris, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 26 octobre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 68-917 du 24 octobre 1968 ;

- la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

1. Considérant que M. D... est propriétaire du bateau " Six Huit ", qui a stationné sur le port de Montbello et sur le port des Saints Pères à Ivry-sur-Seine, dépendant du domaine public fluvial géré par Port Autonome de Paris en vertu d'une autorisation d'occupation à compter du 1er janvier 2012 prolongée jusqu'au 31 octobre 2013, puis sans titre d'occupation du 1er novembre 2013 au 10 mars 2014 ; que Port Autonome de Paris a émis, les 5 décembre 2013, 18 juin 2014 et 23 octobre 2014, trois états exécutoires portant sur une somme totale de 104 216,67 euros pour la période allant du mois de 1er janvier 2012 au 15 mars 2014 au titre de redevances et d'indemnités d'occupation du domaine public fluvial ; que M. D...a saisi le Tribunal administratif de Paris de trois demandes, transmises ultérieurement au Tribunal administratif de Melun par une ordonnance de renvoi, et tendant à l'annulation de ses états exécutoires et à la décharge des sommes mises à sa charge ; que, par un jugement du 29 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes ; que M. D...relève appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ; qu'aux termes de l'article L. 2125-1 de ce code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L.1 donne lieu au paiement d'une redevance " ; que la redevance d'occupation ou d'utilisation du domaine public correspond à la rémunération du droit d'occupation ou d'utilisation privative de la dépendance concernée du domaine, droit qui est accordé par la personne publique propriétaire ou gestionnaire par la délivrance, en principe, d'une autorisation expresse à cet effet ; et qu'aux termes de l'article L. 2125-8 du même code : " Sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d'éventuels abattements. " ; que par sa décision 2013-341 QPC du 27 septembre 2013, le Conseil Constitutionnel a jugé que cet article institue une majoration qui a pour objet de " (...) dissuader toute personne d'occuper sans autorisation le domaine public fluvial ", de " réprimer les éventuels manquements à cette interdiction " et, par suite, " (...) constitue une sanction ayant le caractère d''une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789. " ;

3. Considérant, d' autre part, qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 24 octobre 1968, Port autonome de Paris est " un établissement public de l'État, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle du ministre de l'équipement et du logement et soumis au contrôle économique et financier de l'État " ; que l'article R. 4322-48 du code des transports dispose que : " (...) Le port autonome est soumis aux dispositions des titres Ier et III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, à l'exception des 1° et 2° de l'article 175, des articles 178 à 185, 204 à 208 et 220 à 228. " ; que les dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, aux termes desquelles : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ", imposent à la personne publique qui émet un état exécutoire d'indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases de la liquidation ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les états exécutoires litigieux, intitulés " indemnité d'occupation du domaine public sans titre " mentionnent les montants, les numéros, les dates d'échéance et les périodes de référence des indemnités dues ; qu'étaient jointes à ces titres des copies des factures sur lesquelles figuraient le montant de l'indemnité d'occupation due ainsi que, pour celles émises à compter du 1° novembre 2013, la majoration de 100 %, accompagnées d'un commentaire comportant la mention " ST " suivie de la période en cause, et les termes " majoré 100% (loi 2006-1772) " ; que ces trois états exécutoires mentionnent qu'il s'agit d'indemnités d'occupation sans titre alors qu'il est constant que M. D...était occupant régulier pour toute la période concernée par l'état exécutoire émis le 5 décembre 2013 et pour une partie de la période concernée par l'état exécutoire émis le 18 juin 2014 ; que si, comme le fait valoir Port Autonome de Paris, la majoration de 100% n'a pas été appliquée pour ces périodes, cette erreur d'intitulé ne permettait pas au débiteur d'identifier les bases de liquidation de la créance qui lui était réclamée; que par ailleurs, les factures se bornent à indiquer que la redevance réclamée est égale au " montant x p/po " sans plus de précision ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le débiteur aurait été destinataire de documents explicitant cette formule de calcul ; qu'enfin en ce qui concerne la majoration de 100% due, comme en l'espèce à partir du 1° novembre 2013, en cas d'occupation sans titre du domaine public, majoration qui constitue une sanction ainsi que l'a jugé le Conseil Constitutionnel, les factures ne mentionnent pas expressément l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, qui, dans sa rédaction issue de l'article 70 de la loi du 30 décembre 2006, institue cette majoration mais seulement le numéro et la date de ladite loi alors que ce texte législatif comporte plus de cent articles ; que M. D...est, par conséquent, fondé à soutenir que les états exécutoires n'indiquent pas suffisamment les bases de liquidation de la créance au regard des exigences posées par l'article 24 précité du décret du 7 novembre 2012, et en ce qui concerne l'indemnité d'occupation irrégulière sont insuffisamment motivés en droit ; qu'ils sont, par suite, irréguliers et doivent être annulés ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes et à demander l'annulation du jugement attaqué et des titres exécutoires contestés ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que M.D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme quelconque à Port Autonome de Paris au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. D... au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1409601,1409602, 1409997 du 29 juillet 2016 du Tribunal administratif de Melun, l'état exécutoire n° 125413 émis le 18 juin 2014 par Port Autonome de Paris et mettant à la charge de M. D...le paiement de la somme de 27 097,98 euros, l'état exécutoire n° 125037 émis le 5 décembre 2013 par Port Autonome de Paris et mettant à sa charge le paiement de la somme de 66 701,95 euros et l'état exécutoire n° 125607 émis le 23 octobre 2014 par Port Autonome de Paris et mettant à sa charge le paiement de la somme de 10 416,74 euros sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. D...et les conclusions de Port Autonome de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et à Port Autonome de Paris.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2017.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 16PA02996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02996
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01 Domaine. Domaine public.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CJ BOT NORMAND CREN ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-28;16pa02996 ?
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