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28/11/2017 | FRANCE | N°15PA04269

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 novembre 2017, 15PA04269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 mai 2014 par laquelle le président de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) a retiré sa décision du 8 avril 2014 lui attribuant la deuxième fraction de l'indemnité d'éloignement correspondant à son deuxième séjour en Nouvelle-Calédonie.

Par une ordonnance n° 1408431-4 du 8 décembre 2014, le président du Tribunal administratif de Marseille a transmis cette demande au Tribunal administratif de



Nouvelle-Calédonie.

Par un jugement n° 1400480 du 17 septembre 2015, le Tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 mai 2014 par laquelle le président de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) a retiré sa décision du 8 avril 2014 lui attribuant la deuxième fraction de l'indemnité d'éloignement correspondant à son deuxième séjour en Nouvelle-Calédonie.

Par une ordonnance n° 1408431-4 du 8 décembre 2014, le président du Tribunal administratif de Marseille a transmis cette demande au Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie.

Par un jugement n° 1400480 du 17 septembre 2015, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a annulé la décision susvisée du 14 mai 2014 et enjoint à l'IRD de verser à l'intéressé l'indemnité susvisée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 novembre 2015, 30 janvier et 11 août 2017, l'IRD demande à la Cour d'annuler le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 17 septembre 2015.

Cet établissement public soutient que :

- le jugement litigieux est insuffisamment motivé ;

- l'intéressé n'a pas droit au bénéfice de la deuxième fraction de l'indemnité d'éloignement correspondant à sa deuxième période d'affectation de deux ans en Nouvelle-Calédonie car il a continué de résider en Nouvelle-Calédonie après l'expiration de cette période.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 14 mars 2016 et 3 mars 2017,

M.A..., représenté par Me Rignault, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'IRD la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'établissement public requérant ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d'outre-mer, les conditions de recrutement, de mise en congé ou à la retraite de ces mêmes fonctionnaires ;

- le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques ;

- le décret n° 96-1026 du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna ;

- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires des services de l'Etat en service à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dellevedove,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Rignault, avocat de M.A....

Une note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2017, a été présentée pour M.A....

1. Considérant que M.A..., directeur de recherche de 1ère classe à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), a été affecté en Nouvelle-Calédonie par une décision du 6 avril 2010 pour un séjour de deux ans allant du 3 avril 2010 au 2 avril 2012 ; que son affectation a été prolongée pour la même durée du 3 avril 2012 au 2 avril 2014 ; que, par une décision du 9 août 2013, l'intéressé a été reconduit dans ses fonctions du 3 avril 2014 au 31 mars 2015, veille de son admission à la retraite ; que, par une décision du 14 mai 2014, le président de l'IRD a retiré sa décision du 8 avril 2014 attribuant à M. A...l'indemnité d'éloignement correspondant à la deuxième fraction du deuxième séjour de l'intéressé ; que l'IRD relève appel du jugement

du 17 septembre 2015 par lequel Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision précitée du 14 mai 2014 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 30 juin 1950 fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d'outre-mer, les conditions de recrutement, de mise en congé ou à la retraite de ces mêmes fonctionnaires : " Pour faire face aux sujétions particulières inhérentes à l'exercice de la fonction publique dans les territoires d'outre mer, les fonctionnaires civils (...) recevront : (...) / 2° Une indemnité destinée à couvrir les sujétions résultant de l'éloignement pendant le séjour et les charges afférentes au retour, accordée au personnel appelé à servir en dehors soit de la métropole, soit de son territoire, soit du pays ou territoire où il réside habituellement, qui sera déterminée pour chaque catégorie de cadres à un taux uniforme s'appliquant au traitement et majorée d'un supplément familial. Elle sera fonction de la durée du séjour et de l'éloignement et versée pour chaque séjour administratif, moitié avant le départ et moitié à l'issue du séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna : " La durée de l'affectation dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie (...) est limitée à deux ans. Cette affectation peut être renouvelée une seule fois à l'issue de la première affectation (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce même décret : " Les dispositions de l'article 2 ci-dessus ne s'appliquent pas : / (...) 2° Aux membres (...) des corps de chercheurs des établissements publics scientifiques et technologiques régis par le décret du 30 décembre 1983 susvisé " ; qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires des services de l'Etat en service à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna : " L'agent qui reçoit une affectation pour aller servir deux ans en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna a droit, à chacune des échéances prévues au 2° de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 susvisée, à une fraction d'indemnité égale à : / 1° Cinq mois de traitement indiciaire brut lorsqu'il est affecté en Nouvelle-Calédonie (...) / En cas de renouvellement du séjour de deux ans, la première fraction de l'indemnité qui est due pour le second séjour est payée au début de ce séjour " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce même décret : " Le droit à indemnité pour les personnels qui sont affectés sans limitation de durée en Nouvelle-Calédonie (...) n'est ouvert que pour deux périodes de deux ans (...). / Les règles fixées à l'article précédent et relatives au calcul et au versement de chaque fraction de l'indemnité sont applicables. / Les intéressés n'acquièrent un nouveau droit à l'indemnité pour une nouvelle affectation Nouvelle-Calédonie (...) qu'après une période de services de deux ans au moins accomplie en dehors de toute collectivité ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité " ; que ces dispositions instituent, non pas deux indemnités distinctes obéissant chacune à leurs règles propres, mais une indemnité unique, attribuée pour au plus deux périodes de deux ans chacune, et payable en deux fractions, chacune de ces fractions constituant pour son bénéficiaire une créance liquide et exigible à chacune des échéances prévues au 2° de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 pour la prise en charge des frais de déménagement et de retour ; que, par suite, un agent qui continue de résider outre-mer après l'expiration des deux périodes prévues par ces textes ne peut recevoir la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement qu'il a perçue lors de son arrivée sur le territoire ; que la circonstance que l'intéressé revienne en métropole ultérieurement, le cas échéant, après un nouveau séjour administratif, est sans incidence sur les règles d'attribution de cette indemnité d'éloignement ;

3. Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai de quatre mois suivant l'intervention de cette décision et si elle est illégale ; qu'une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., membre du corps des directeurs de recherche de l'IRD, était régi notamment par le décret susvisé du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques ; qu'eu égard à l'exception prévue au 2° de l'article 3 de ce décret, il ne rentrait donc pas dans le champ d'application des restrictions en termes de durée d'affectation apportées par l'article 2 de ce même décret ; que si l'IRD a pu légalement, sur sa demande, prolonger son affectation en Nouvelle-Calédonie jusqu'au 31 mars 2015, date à laquelle il a fait valoir ses droits à une pension de retraite, cet établissement public a commis une erreur de droit en lui accordant, par sa décision du 8 avril 2014, la deuxième fraction de l'indemnité d'éloignement dès lors qu'il a continué de résider sur ce territoire à l'issue des deux périodes de deux ans, qu'il a effectuées du 3 avril 2010 au 2 avril 2014 ; que la circonstance, retenue par les premiers juges, qu'il aurait définitivement quitté le territoire calédonien à compter du 31 mars 2015, à l'issue de sa dernière période d'affectation, pour rejoindre la métropole est à cet égard sans incidence et insusceptible par elle-même de lui ouvrir droit au versement de la deuxième fraction de cette indemnité ; que, par suite, par la décision contestée du 14 mai 2014, l'IRD était fondé à procéder, dans le délai maximum de quatre mois suivant l'intervention de sa décision du 8 avril 2014, au retrait de cette décision qui attribuait indûment à M. A...le bénéfice de la 2e fraction de l'indemnité d'éloignement ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, que l'IRD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé sa décision du 14 mai 2014 en retenant le motif susévoqué ; que, toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...;

6. Considérant, en premier lieu, que M. A...ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe de confiance légitime, qui n'est invocable que lorsque la situation juridique en cause est régie par le droit de l'Union européenne ; qu'à supposer que M. A...ait entendu se prévaloir de ce que la décision précitée du 8 avril 2014 était créatrice de droits à son avantage, l'IRD a pu retirer cette décision illégale dans les conditions précisées au point 4 sans entacher la décision contestée d'aucune erreur de droit ;

7. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit ;

8. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions législatives et réglementaires susmentionnées que l'octroi de l'indemnité d'éloignement a pour objet de compenser les sujétions résultant de l'éloignement pendant le séjour et les charges afférentes au retour, la deuxième fraction, payable à l'issue de chacune des périodes ouvrant droit à cette indemnité, étant plus particulièrement destinée à couvrir les frais exposés lors du retour en métropole ; qu'en se référant notamment aux échéances prévues au 2° de l'article 2 de la loi susmentionnée, les auteurs du décret susvisé du

27 novembre 1996 ont entendu réserver le versement de la deuxième fraction de l'indemnité d'éloignement aux seuls fonctionnaires qui ont effectivement quitté le territoire à l'issue de l'accomplissement des périodes d'affectation éligibles à cette indemnité et en exclure implicitement mais nécessairement les agents qui, tel que M. A..., ont maintenu leur résidence sur le territoire à l'issue de ces périodes, fut-ce dans le cadre d'un prolongement d'affectation ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le pouvoir réglementaire, a instauré une différence de traitement en rapport avec l'objet de la réglementation dont il s'agit, et n'a pas méconnu le principe d'égalité de traitement entre les membres d'un même corps ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance sollicitée par M.A..., que ladite demande doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'IRD, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er: Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 17 septembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie, ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'allocation de frais irrépétibles sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Institut de recherche pour le développement et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2017.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVE Le président,

B. EVEN

Le greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 15PA04269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04269
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait.

Outre-mer - Droit applicable - Droit applicable aux fonctionnaires servant outre-mer - Rémunération - Indemnité d'éloignement des fonctionnaires servant outre-mer.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SQUADRA ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-28;15pa04269 ?
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