Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de les décharger de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 en ce qu'elle résulte de la remise en cause des réductions d'impôts afférentes au investissements réalisés par les sociétés en participation (SEP) dont ils étaient associés et des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1500896/1-3 du 11 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 janvier 2016, M. et MmeB..., représentés par
MeC... D..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500896/1-3 du 11 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) d'ordonner le sursis à paiement et la remise de l'intégralité des sommes mises à leur charge, en principal, intérêts et pénalités ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ont été méconnues, dans la mesure où la proposition de rectification leur a été directement adressée et non aux SEP dont ils sont les associés, et où ces dernières n'ont fait l'objet d'aucune procédure de vérification ;
- les premiers juges ont à tort estimé qu'ils ne pouvaient bénéficier de la réduction d'impôt litigieuse ;
- aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne le bénéfice du crédit d'impôt institué par les dispositions des articles 199 undecies B du code général des impôt à la condition que l'investissement productif fasse l'objet d'une exploitation effective ; ces dispositions n'imposent pas que l'investissement en cause soit raccordé au réseau électrique, ni qu'il ait obtenu une certification du Consuel ; le fait générateur de l'avantage fiscal est constitué par la seule livraison du bien ;
- le panneau photovoltaïque est, par nature, productif d'énergie par sa seule installation et son raccordement à un onduleur ; l'énergie produite peut être stockée avant tout raccordement au réseau et, par la suite, être revendue à Electricité de France ; la capacité de production d'énergie d'une centrale photovoltaïque est indépendante de son raccordement au réseau électrique ;
- la doctrine BOI 5-B-2-07 du 30 janvier 2007, invocable sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, prévoit expressément que l'année de réalisation de l'investissement est celle au cours de laquelle l'investissement est livré au sens de l'article 1604 du code civil.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 18 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée
au 2 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme B...ont imputé sur leur impôt sur le revenu au titre de l'années 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements productifs réalisés outre-mer par les sociétés en participation (SEP) SEP PV 90, SEP PV 91, SEP PV 92, SEP PV 93, SEP PV 94, SEP PV 95 et SEP PV 96, dont ils étaient associés et dont la gestion était assurée par la société Erivam Gestion, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques, mises en location auprès de sociétés chargées de les exploiter ; que ces réductions d'impôt ont été remises en cause par l'administration fiscale au motif que les centrales n'ayant pas reçu d'attestation de conformité à la réglementation en vigueur, ni été raccordées au réseau électrique avant la fin de l'année en cause, elles ne pouvaient ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de ladite année ; que M. et
Mme B...ayant en vain demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignées au titre de 2010 en conséquence de cette remise en cause, ils relèvent appel du jugement de ce tribunal rejetant leur demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales :
" En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 57 de ce livre : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le supplément d'impôt mis à la charge de M. et Mme B...au titre de l'année 2010 résulte exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont ils se prévalaient à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer ; que ce supplément d'impôt fait suite à un contrôle sur pièces du dossier fiscal des requérants et ne procède pas du rehaussement du résultat des SEP susmentionnées, imposable entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes ; qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne faisait obligation à l'administration ni de procéder, avant la notification à M. et Mme B...de la reprise de l'avantage fiscal dont ils avaient ainsi entendu bénéficier, au contrôle sur place des SEP propriétaires des investissements, ni d'adresser auxdites SEP une proposition de rectification concernant la réduction d'impôt sur le revenu pratiquée par M. et Mme B...au titre des investissements en cause ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) " ; qu'aux termes du vingtième alinéa de cet article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé.(...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer ; que, dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus ; que, par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date ; qu'il est constant que les centrales photovoltaïques dans lesquelles avaient investi les SEP dont les requérants étaient associés n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité au 31 décembre 2010 ; que, par suite, et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'électricité produite n'avait pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes, l'administration était fondée, pour ce seul motif, à remettre en cause la réduction d'impôt imputée par M. et Mme B...sur leur impôt sur le revenu de l'année 2010 ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, qui ont fait une exacte application des dispositions susénoncées et n'ont commis aucune erreur de fait ou d'appréciation, ont considéré que ces investissements n'étaient pas, sur le fondement de la loi fiscale, éligibles au titre de l'année 2010 à la réduction d'impôt prévue par ces dispositions ;
En ce qui concerne la doctrine :
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;
7. Considérant, d'autre part que selon le paragraphe n° 148 de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, relatif à l'année au titre de laquelle la réduction d'impôt est pratiquée : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...)/ Conformément à cette règle, les immobilisations non achevées au 31 décembre d'une année ne peuvent donner lieu à une réduction d'impôt au titre de cette année alors même que l'entreprise, dans le cadre de laquelle cet investissement est réalisé, en devient propriétaire au fur et à mesure de leur fabrication " ; que, selon le paragraphe 22 de la même instruction fiscale, relatif aux investissements ouvrant droit à réduction d'impôt : " 22. Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. (...) " ;
8. Considérant que ces énonciations, qui se bornent à expliciter la notion de livraison de l'immobilisation, ne donnent pas une interprétation différente du dispositif légal de celle mentionnée au point 5 ci-dessus en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, subordonné, ainsi qu'il a été dit, à la condition tenant à l'exploitation effective de l'immobilisation ; qu'elles ne sauraient dès lors être utilement invoquées sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
9. Considérant, enfin, que si les requérants mentionnent dans leurs écritures une réponse ministérielle Mathis et Goasguen du 26 novembre 2016, celle-ci n'est, en tout état de cause, pas opposable à l'administration, eu égard à sa date, dans le présent litige portant sur les impositions de l'année 2010 ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que les conclusions à fin de décharge présentées devant la Cour doivent être rejetées ; qu'il en va de même, en conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante :
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 novembre 2017.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00340