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14/11/2017 | FRANCE | N°15PA03465

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 novembre 2017, 15PA03465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. F... C..., la SCI La Pommardière de Paris et le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level - 75017 Paris ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2013 par lequel le préfet de police de Paris a interdit l'accès et l'occupation de l'immeuble situé au 12 rue Emile Level à Paris (17ème) et a enjoint aux occupants de quitter les lieux.

Par un jugement nos 1402655 et 1408333/3-3 du 30 juin 2015, le Tribunal administratif d

e Paris a annulé l'arrêté susvisé.

Procédure devant la Cour :

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. F... C..., la SCI La Pommardière de Paris et le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level - 75017 Paris ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2013 par lequel le préfet de police de Paris a interdit l'accès et l'occupation de l'immeuble situé au 12 rue Emile Level à Paris (17ème) et a enjoint aux occupants de quitter les lieux.

Par un jugement nos 1402655 et 1408333/3-3 du 30 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté susvisé.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 28 août et

16 novembre 2015, le préfet de police demande à la Cour d'annuler le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 30 juin 2015.

Il soutient que :

- les demandeurs n'avaient pas intérêt à agir en application des dispositions des articles

L. 222-2 et L. 231-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- les pouvoirs de police administrative générale du préfet ont été légalement mis en oeuvre, la dégradation de l'immeuble susvisé, constatée par l'architecte de sécurité dans son rapport, étant de nature à caractériser une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent justifiant les mesures de sécurité prescrites.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2016, M.C..., la SCI La Pommardière de Paris et le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level - 75017 Paris concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dellevedove,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de M.C....

1. Considérant que, par un premier arrêté du 28 octobre 2004, le préfet de police a prescrit aux copropriétaires de l'immeuble situé au 12 rue Emile Level à Paris de prendre les mesures nécessaires, notamment, pour assurer la stabilité et la solidité du mur pignon surplombant le terrain du 14 rue Emile Level et pour vérifier la stabilité et la solidité des structures des planchers de cet immeuble ; qu' à la suite de rapports successifs établis par l'architecte de sécurité de la préfecture de police, de diverses injonctions et mises en demeure et d'une procédure contradictoire engagée le 31 mai 2012, par un arrêté de péril du 24 octobre 2012, le préfet de police, au vu du rapport du

10 avril 2012 de l'architecte de sécurité de la préfecture de police, constatant notamment la dégradation de l'état du mur pignon précité et la désolidarisation, au droit de ce mur, des planchers de l'immeuble, a enjoint aux copropriétaires de procéder dans un délai de deux mois à la réalisation des travaux et des mesures nécessaires pour garantir la sécurité des occupants de l'immeuble ; qu'à la suite d'un rapport de l'architecte de sécurité du 13 décembre 2013, le préfet de police, estimant que l'immeuble représentait un danger grave et immédiat pour la sécurité des personnes, en a interdit l'accès et l'occupation et a enjoint aux occupants de quitter les lieux par

arrêté du 19 décembre 2013 ; que le préfet de police fait appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales : " Dans la commune de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et attributions qui lui sont conférés par l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris et par les textes qui l'ont modifié (...) "; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 de ce code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-4 de ce même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. " ; qu'aux termes de l'article L. 2213-24 du même code : " Le maire prescrit la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices menaçant ruine dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation. " ;

3. Considérant que les pouvoirs de police générale dévolus pour la commune de Paris au préfet de police par les dispositions combinées des articles L. 2512-13, L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'exercent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres ; que toutefois, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le préfet de police peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport susmentionné du 13 décembre 2013 de l'architecte de sécurité de la préfecture de police, qu'à la date de l'arrêté contesté, le mur pignon de l'immeuble présentait une déformation importante qui révélait une désolidarisation complète du plancher du premier étage, des fissures largement ouvertes qui contribuaient à l'amplification des infiltrations et à l'altération des matériaux constituants, et un chaînage d'angle en retour sur la façade sur rue fissuré, significatif d'une mise en compression importante, en sorte que l'état de dégradation avancée de ce mur pignon risquait d'entraîner l'affaissement ou le basculement de sa partie supérieure sur celle désorganisée inférieure et ainsi le déversement sur la voie publique au moins d'une partie de la façade ; que, si la cause de ces désordres importants résultait essentiellement de l'absence de maîtrise, dans la construction de cet immeuble, des descentes de charges provenant des niveaux supérieurs, soit d'une cause qui lui était propre, le risque avéré d'effondrement constaté revêtait en l'espèce, ainsi qu'il ressort des préconisations de l'architecte de sécurité pour une évacuation de l'immeuble sans délai suivie de sa démolition, le caractère d'un péril particulièrement grave et imminent justifiant la mise en oeuvre des pouvoirs de police administrative générale que détient le préfet de police sur le fondement des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors l'arrêté contesté, pris sur le fondement de ces dispositions, n'est entaché d'aucune erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé pour ce motif l'arrêté litigieux du 19 décembre 2013 ; que, toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.C..., la SCI La Pommardière de Paris et le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level ;

6. Considérant, en premier lieu, que les intimés ne sauraient utilement invoquer les conditions d'affichage, de notification et d'exécution de l'arrêté contesté, qui sont sans incidence sur sa légalité ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté a été signé pour le préfet de police par M. E...B..., directeur adjoint du cabinet, qui disposait d'une délégation de signature qui lui avait été consentie par un arrêté du 16 septembre 2013, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris le 24 septembre 2013, à l'effet de signer un tel acte en cas d'absence ou d'empêchement de M. D...A..., directeur du cabinet, dont les intimés n'établissent pas qu'il n'aurait pas été absent ou empêché à la date de la signature de cet acte ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur d'une décision de rejet du 23 avril 2014 d'un recours gracieux exercé par les requérants contre la décision du 21 janvier 2014 par laquelle le préfet de police a enjoint à la Société de requalification des quartiers anciens de se conformer à l'arrêté contesté du 19 décembre 2013, décisions que les intéressés n'ont d'ailleurs jamais attaquées dans le présent litige, est à cet égard sans incidence ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'impose l'engagement d'une procédure contradictoire préalable à l'intervention d'un arrêté, qui ne constitue pas une sanction administrative ou pénale mais une mesure de police administrative générale ; que, dès lors, les moyens tirés du vice de procédure et de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un procès équitable doivent être écartés ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que les constatations effectuées dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêté de péril précédent du

24 octobre 2012 auraient conclu à un état de dégradation de cet immeuble moins avancé, constatations dont les requérants n'établissent nullement d'ailleurs qu'elles contrediraient celles du rapport du 13 décembre 2013 au vu duquel le préfet de police a pris l'arrêté litigieux, est sans incidence sur sa légalité ; que les constatations effectuées postérieurement à l'arrêté contesté et notamment dans le cadre des travaux de démolition de l'immeuble sont pareillement sans incidence dès lors qu'elles ne remettent nullement en cause la réalité des faits relevés dans l'arrêté contesté ; que compte tenu de l'ensemble des pièces du dossier et notamment des faits décrits au point 4, dont la matérialité est établie, les mesures d'interdiction d'accès et d'occupation de l'immeuble, et d'injonction aux occupants de quitter les lieux prises par le préfet de police étaient nécessaires et appropriées au regard de la menace pour la sécurité publique que le danger d'effondrement immédiat de cet immeuble représentait ; que, dès lors, l'arrêté contesté n'est entaché d'aucune erreur de fait ni d'erreur d'appréciation ; que dans ces mêmes circonstances, le préfet de police n'a pas porté au droit de propriété garanti par les stipulations de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis, compte tenu des exigences de la sécurité publique qui s'imposaient à lui ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'à supposer qu'en invoquant la faute lourde de l'administration, les intimés aient entendu soulever les moyens tirés des illégalités commises par l'administration dans l'exécution de l'arrêté de péril susmentionné du 24 octobre 2012 et dans l'exécution de l'arrêté litigieux, en ce que le préfet de police n'aurait pas procédé d'office aux travaux prescrits, ces moyens sont sans incidence sur la légalité de la seule décision attaquée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que le préfet de police est fondé à demander l'annulation du jugement du 30 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 décembre 2013, et le rejet des demandes présentées par les requérants devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M.C..., la SCI La Pommardière de Paris et le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1402655 et 1408333/3-3 du Tribunal administratif de Paris du

30 juin 2015 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M.C..., la SCI La Pommardière de Paris et le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level - 75017 Paris devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F... C..., à la SCI La Pommardière de Paris et au syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level -75017 Paris.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVE Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

P. HAMON

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°15PA03465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03465
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP LAGOURGUE et OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-14;15pa03465 ?
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