Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M.A... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 avril 2016 par lequel le préfet de police a ordonné son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1613399/4-3 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2017, et un mémoire, enregistré le 6 octobre 2017, M. F..., représenté par Me B...D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 mai 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 28 avril 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le signataire de l'arrêté ne justifie pas de sa compétence ;
- l'arrêté qui ne vise pas l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, est dépourvu de base légale ;
- il n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- les articles L. 521-1 et L. 521-2 font obstacle à l'expulsion d'un parent d'enfant français condamné à une peine de moins de cinq ans d'emprisonnement qui contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;
- à supposer qu'il n'entre pas dans le champ de l'exception prévue par l'article L. 521-2, il ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public ;
- l'expulsion est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle fait obstacle aux obligations judiciaires découlant de l'article 707 du code de procédure pénale ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- elle méconnait l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bernier,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M. F....
1. Considérant que M.F..., ressortissant algérien né le 8 septembre 1993, est entré à l'âge de 16 ans sur le territoire français ; que, par un arrêté en date du 28 avril 2016, le préfet de police a ordonné son expulsion du territoire français ; que M. F...relève appel du jugement du 4 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant que M. C... E..., directeur de la police générale de la préfecture de police, signataire de l'arrêté contesté, disposait d'une délégation pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, consentie par l'arrêté du préfet de police n°2015-00844 en date du 21 octobre 2015, régulièrement publié au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 30 octobre 2015 ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit, dès lors, être écarté ;
3. Considérant que l'arrêté vise les articles L. 521-1 et L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet de police s'est fondé pour prendre la mesure d'expulsion, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'avait pas à viser les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui ne constituent pas le fondement légal de la mesure d'expulsion, ni les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet de police n'a pas fait application ; que l'arrêté est dès lors suffisamment motivé en droit ;
4. Considérant que l'arrêté d'expulsion cite les quatre condamnations pénales infligées à M.F..., qui sanctionnent notamment des violences graves sur son conjoint, et relève " qu'en raison de l'ensemble de son comportement et de l'absence d'atteinte manifestement disproportionnée à sa vie privée et familiale, la présence de cet étranger sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public " ; qu'ainsi, alors même qu'il ne détaille pas les éléments relatifs à la vie privée et familiale de l'intéressé, l'arrêté d'expulsion est suffisamment motivé en fait ;
5. Considérant qu'il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté, qui fait notamment état de l'avis émis le 15 mars 2016 par la commission d'expulsion, que le préfet, qui n'avait pas à se prononcer explicitement sur les éléments produits par le requérant, ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M.F... ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. " ; que l'article L. 521-2 du même code dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle :/ 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (...) Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé aux 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. " ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur " ;
7. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que M.F..., qui a conservé des liens avec la mère de son enfant, continue à voir régulièrement sa fille Sabine, de nationalité française, née le 4 octobre 2014, il n'établit pas qu'à la date de la décision contestée, soit le
28 avril 2016, il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions exigées par les dispositions citées au point précédent ; que, dès lors, M. F... ne justifie pas entrer dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté prononçant son expulsion, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, serait entaché d'erreur de droit ;
8. Considérant que M. F...a été condamné d'abord pour vol aggravé puis pour vol en réunion en 2013 et en 2014, enfin à deux reprises en 2014 et en 2015 pour violences sur sa conjointe, la dernière fois à une peine de douze mois d'emprisonnement ; que si M. F...fait état de son suivi psychologique et de ses efforts pour trouver un emploi, ces éléments sont insuffisants, compte tenu de la répétition des faits, de leur caractère rapproché, et de la violence croissante qui s'est manifestée pour en inférer que le requérant ne représente plus une menace grave pour l'ordre public ; que le préfet de police n'a pas entaché à cet égard son appréciation d'erreur ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 707 du code de procédure pénale : " (...) II. - Le régime d'exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions. / Ce régime est adapté au fur et à mesure de l'exécution de la peine, en fonction de l'évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l'objet d'évaluations régulières. (...) " ;
10. Considérant que, si le requérant allègue que l'arrêté pris par le préfet de police méconnaîtrait les dispositions de l'article 707 du code de procédure pénale, la mesure d'expulsion ne résulte pas d'une décision prise par l'autorité judiciaire en application du code pénal, mais d'une mesure de police administrative prise par l'autorité préfectorale compétente au vu du comportement général de l'intéressé dans le cadre de la prévention des troubles à l'ordre public ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté d'expulsion ferait obstacle à la mesure de mise à l'épreuve à laquelle devait se soumettre M. F... est inopérant ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
12. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que M. F...parait avoir renoué avec son ancienne compagne, qui l'accompagnait à l'audience, et que les documents produits suggèrent un contact maintenu avec son enfant, le requérant ne justifie pas d'une reprise effective de la vie commune ; qu'il est actuellement hébergé par sa soeur et son beau-frère ; qu'il ne justifie pas de lien suivi avec son frère résidant en France, ni de l'absence d'attaches en Algérie où il a vécu seize ans jusqu'en 2009 ; que dès lors, eu égard notamment aux violences sur conjoint qui lui ont valu deux lourdes condamnations, l'arrêté d'expulsion n'a pas porté atteinte au droit à la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
13. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
14. Considérant que M.F..., s'il a maintenu un contact avec sa fille et semble lui témoigner de l'affection, ne contribuait pas substantiellement à son éducation et à son entretien à la date de la décision attaquée; qu'eu égard notamment aux violences familiales qui lui ont valu sa condamnation, le préfet de police, en prononçant l'expulsion du requérant, n'a pas méconnu les stipulations citées au point précédent ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 octobre 2017.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 17PA01764