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24/10/2017 | FRANCE | N°16PA03429

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 24 octobre 2017, 16PA03429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Wagram Voyages a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 23 décembre 2014, par laquelle l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI) a prononcé la résiliation d'un marché de services conclu le 29 janvier 2014 relatif à la fourniture de prestations d'agence de voyages, de condamner l'Agence française d'expertise technique internationale à lui verser la somme de 83.432 euros hors taxes en réparation du préjudice qu'elle a subi, assorti des intér

êts au taux légal et de leur capitalisation ; d'enjoindre à l'Agence français...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Wagram Voyages a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 23 décembre 2014, par laquelle l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI) a prononcé la résiliation d'un marché de services conclu le 29 janvier 2014 relatif à la fourniture de prestations d'agence de voyages, de condamner l'Agence française d'expertise technique internationale à lui verser la somme de 83.432 euros hors taxes en réparation du préjudice qu'elle a subi, assorti des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ; d'enjoindre à l'Agence française d'expertise technique internationale de lui communiquer la copie des marchés à bons de commande passés sur la période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2015 ainsi que leur montant et d'ordonner la désignation d'un expert permettant de déterminer le montant des commandes passées et, par suite, le préjudice subi par la société requérante du fait de la mesure de résiliation, outre une demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1520643/3-2 du 30 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2016, la société Wagram Voyages, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 12 mars 2015 par laquelle l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI) a refusé de faire droit à sa demande d'indemnisation ;

3°) de condamner l'AFETI à lui verser la somme de 83 432 euros hors taxes, soit 100 118,40 euros TTC en réparation de l'entier préjudice subi, somme portant intérêts au taux légal à compter de la demande et les intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de l'AFETI une somme de 5.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les éventuels entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le motif avancé par l'AFETI constitue un motif d'intérêt général justifiant la résiliation du contrat ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses différentes demandes indemnitaires (l'indemnisation de son manque à gagner s'élevant à la somme de 48 000 euros hors taxes ; le préjudice au titre des frais de personnels s'élevant à la somme de 25 432 euros hors taxes et le préjudice complémentaire résultant de l'illégalité de la résiliation s'élevant à la somme de 10 000 euros hors taxes) ;

- pour le surplus, elle reprend ses autres moyens soulevés en première instance en se référant expressément à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2017, l'AFETI représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3.000 euros soit mise à la charge de la société Wagram Voyages au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à contester la validité de la décision de résiliation sont irrecevables en raison de leur tardiveté ;

- les moyens soulevés par la société Wagram Voyages ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 18 septembre 2017, la société Wagram Voyages maintient ses conclusions en portant sa demande au titre de l'article L. 761-1 à la somme de 8 000 euros.

Elle reprend ses précédents moyens et soutient, en outre, que sa requête est recevable.

Par ordonnance du 18 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 18 septembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics,

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,

- la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010,

- la loi n° 2014-773 du 7 juin 2014,

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005,

- le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me B...pour la société Wagram Voyages,

- et les observations de Me A...pour l'AFETI.

Une note en délibéré, enregistrée le 12 octobre 2017, a été présentée par Me C...pour la société Wagram Voyages.

1. Considérant que la société Wagram Voyages s'est vue attribuer le 29 janvier 2014 par l'établissement public France Expertise Internationale un marché de services relatif à la fourniture de prestations d'agence de voyages ; que l'établissement public Agence française d'expertise technique internationale (AFETI) autrement nommée " Expertise France " créé par la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 a absorbé l'établissement France Expertise Internationale ainsi que six autres opérateurs ; que par une décision en date du 23 décembre 2014, le directeur général de l'AFETI a prononcé la résiliation du marché du 29 janvier 2014 pour un motif d'intérêt général ; que par courrier du 13 janvier 2015, la société requérante a sollicité le retrait de cette décision ; que la société Wagram Voyages a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 décembre 2014 par laquelle le directeur général de l'AFETI a prononcé la résiliation dudit marché, d'autre part, à la condamnation de l'Agence à lui verser la somme de 83 432 euros en réparation du préjudice occasionné par la résiliation de ce marché ; que la société Wagram Voyages relève appel du jugement du 30 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la société Wagram Voyages soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait ; qu'à supposer que la société requérante entende critiquer ainsi la régularité du jugement attaqué, un tel moyen a trait au bien fondé du jugement attaqué et non à sa régularité ; qu'à le supposer soulevé, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie à un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu'elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ; qu'eu égard aux particularités de ce recours contentieux, à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites à ordonner la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à l'intervention du juge des référés pour prendre des mesures provisoires en ce sens, l'exercice d'un recours administratif pour contester la mesure de résiliation d'une convention, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux ; qu'il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant ;

4. Considérant que les premiers juges ont estimé que la demande présentée par la société Wagram Voyages n'avait pas pour objet d'assurer la reprise des relations contractuelles avec l'Agence française d'expertise technique internationale et qu'elle tendait seulement, dans le dernier état de ses conclusions, à faire constater par le juge du contrat le caractère infondé de la résiliation prononcée pour un motif d'intérêt général du marché du titulaire et à obtenir, par suite, une indemnisation à raison des préjudices causés par cette décision de résiliation ;

5. Considérant, que si l'autorité administrative peut, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs et sous réserve des droits à indemnisation du cocontractant, mettre fin avant son terme, à un contrat, elle ne peut ainsi rompre unilatéralement ses engagements que pour des motifs d'intérêt général justifiant, à la date à laquelle elle prend sa décision, que la fourniture du service soit abandonné ou établie sur des bases juridiques nouvelles ;

6. Considérant que la loi susvisée du 7 juillet 2014 ayant crée l'établissement public Agence française d'expertise technique internationale en fusionnant six autres opérateurs, l'agence a décidé de résilier le marché signé le 29 janvier 2014 avec la société requérante ; qu'en effet, la réorganisation de ce secteur imposait de revoir les besoins du pouvoir adjudicateur ; qu'il résulte d'ailleurs de l'instruction qu'un groupement de commandes a été mis en place afin d'assurer l'attribution d'un accord-cadre ayant pour objet la réservation et la délivrance de titres de transport aérien et ferroviaire pour les déplacements professionnels nationaux et internationaux des missionnaires, l'assurance perte de bagage et annulation, des prestations accessoires aux déplacements, tel que la délivrance des visas, des prestations de réservation d'hébergement, la location de salles pour séminaires ou colloques, des prestations de transfert, d'assurances, de location de véhicules de réservations de taxis et de restaurant, la mise en place d'une plateforme de réservation en ligne et d'un outil de gestion des missions, soit des missions plus larges que celles initialement confiées à la société requérante par le marché résilié ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société Wagram Voyages, la décision de résilier le marché litigieux repose bien sur un motif d'intérêt général ; que si la société Wagram Voyages soutient que l'article 13 de la loi du 7 juillet 2014 prévoyait le transfert des contrats précédemment conclus par l'établissement France Expertise Internationale au nouvel établissement l'Agence française d'expertise technique internationale, cette circonstance ne privait pas pour autant le pouvoir adjudicateur, de la faculté de résilier unilatéralement ledit contrat pour un motif d'intérêt général, tel que celui tiré de la réorganisation du service ; que cette résiliation n'étant pas fondée sur la faute de la société, elle n'avait pas à être motivée ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, l'administration contractante dispose du pouvoir, qu'elle tient des règles générales applicables aux contrats administratifs, de résilier unilatéralement le contrat pour des motifs d'intérêt général, sous réserve des droits à indemnité du cocontractant ; qu'en l'absence de toute faute de sa part, l'entrepreneur a droit à la réparation intégrale du préjudice résultant pour lui de la résiliation anticipée de son marché pour un motif d'intérêt général ; que, dans le cas d'un marché à bons de commande, le cocontractant de l'administration a droit à être indemnisé du préjudice éventuellement subi lorsque le montant minimal de prestations n'a pas été atteint ; que ce préjudice correspond à la perte de marge bénéficiaire qu'aurait dégagée l'exécution du montant prévu au marché et, le cas échéant aux dépenses qu'il a engagées pour pouvoir satisfaire à ses obligations contractuelles ;

8. Considérant, qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics dans sa version alors applicable : " Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission des bons de commande. (...) Dans ce marché, le pouvoir adjudicateur a la faculté de prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ou prévoir que le marché est conclu sans minimum ni maximum (...). II. La durée des marchés à bons de commande ne peut dépasser quatre ans, sauf dans des cas exceptionnels dûment justifiés (...) " ; qu'aux termes de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures et de services, auquel renvoi l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières : " Lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d'intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations admises, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. Ces indemnités sont portées au décompte de résiliation, sans que le titulaire ait à présenter une demande particulière à ce titre " ;

9. Considérant que l'article B.1.4 de l'acte d'engagement indique que " Pendant la durée du marché, la personne publique s'engage à notifier au titulaire des commandes dans les conditions stipulées à l'article du Cahier des Clauses Administratives Particulières " ; que l'article 3.2 dudit cahier des clauses administratives particulières prévoit que les " commandes sont faites au fur et à mesure des besoins au moyen des bons de commande délivrés par le service (...) " ; qu'ainsi, le pouvoir adjudicateur ne s'est pas engagé à commander une quantité ou un volume de prestations déterminé pendant la durée d'exécution du marché à bons de commande en cause ; qu'en l'absence au contrat d'obligation pour l'établissement d'émettre des bons de commande pour un montant minimum, la société Wagram Voyages ne peut prétendre à l'indemnisation du bénéfice dont elle a été privée, qu'elle évalue à 48 000 euros hors taxes, du fait de la résiliation avant son terme du marché ; que si la société Wagram Voyages demande également la somme de 25 432 euros hors taxes correspondant aux huit mois de salaires d'une employée embauchée pour l'exécution du marché résilié, il ne résulte pas de l'instruction que l'exécution du marché impliquait ce recrutement et que cette employée aurait été recrutée exclusivement pour les besoins du marché conclu avec l'AFETI ; qu'elle ne peut prétendre à l'indemnisation de ce chef de préjudice ;

10. Considérant enfin que la société Wagram Voyages demande la réparation d'un préjudice complémentaire évalué à 10 000 euros correspondant " au préjudice résultant de l'illégalité de la mesure de résiliation dépourvue d'intérêt général " ; que toutefois, pour les motifs mentionnés au point 6, la décision de résiliation était bien justifiée par un motif d'intérêt général ; que, par suite, et en tout état de cause, elle n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ce dernier chef de préjudice ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Wagram Voyages n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'AFETI, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme quelconque à la société Wagram Voyages au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Wagram Voyages une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'AFETI et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Wagram Voyages est rejetée.

Article 2 : La société Wagram Voyages versera la somme de 1 500 euros à l'Agence française d'expertise technique internationale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la société Wagram Voyages et à l'Agence française d'expertise technique internationale.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2017.

Le rapporteur,

D. PAGESLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 16PA03429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03429
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SELARL REDLINK

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-24;16pa03429 ?
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