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24/10/2017 | FRANCE | N°16PA02548

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 octobre 2017, 16PA02548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du

27 janvier 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé au liquidateur judiciaire pour le compte de la société La brochure industrielle l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1602670 du 15 juin 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2016, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :r>
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 15 juin 2016 ;

2°) de faire droit à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du

27 janvier 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé au liquidateur judiciaire pour le compte de la société La brochure industrielle l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1602670 du 15 juin 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2016, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 15 juin 2016 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure préalable à son licenciement est irrégulière dès lors que la composition du comité d'entreprise consulté pour avis était elle-même irrégulière ;

- l'inspecteur du travail n'a effectué aucun contrôle sur ladite procédure ;

- les obligations légales en matière de reclassement ont été méconnues dès lors que les recherches de reclassement interne au sein du groupe n'ont pas été personnalisées ;

- l'obligation conventionnelle de reclassement n'a pas davantage été respectée dès lors que l'employeur n'a pas effectué de recherches personnalisées à l'extérieur de l'entreprise, dans les mêmes secteurs d'activité, par priorité localement ou à défaut dans la région, ou défaut encore sur le plan national.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2016, Me C...et MeI..., en qualité de liquidateurs judicaires de la société " La Brochure industrielle " et représentés par Me H..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'autorisation de licenciement est suffisamment motivée ;

- le contrôle de la régularité de la procédure de consultation a été effectué ;

- la présence de Mme G...et l'absence de Mme E...ne sont pas de nature à remettre en cause la régularité de la procédure, les avis ayant été rendus à l'unanimité des membres titulaires présents ;

- s'agissant du reclassement en interne, les recherches ont bien été personnalisées mais les sociétés du groupe ne pouvaient proposer des postes compatibles avec les postes supprimés et surtout n'avaient pas de postes disponibles ;

- s'agissant du reclassement externe, la commission paritaire de l'emploi a bien été saisie et les règles de la procédure individuelle ont également bien été respectées.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'accord du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l'emploi attaché à la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques, entré en vigueur le 1er juin 1956 et étendu par arrêté du 22 novembre 1956 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., membre du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, exerçait les fonctions de responsable réceptions-expéditions au sein de la société " La brochure industrielle " ; que ladite société, dirigée par M. B... était une entreprise de brochage façonnage placée, dans un premier temps, en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 16 septembre 2015 ; que sa liquidation judiciaire a été prononcée par décision du tribunal de commerce de Paris du 23 décembre 2015 sans qu'aucun plan de cession ni repreneur ne soient intervenus ; que le liquidateur de la société a saisi, le

6 janvier 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'une demande d'homologation du document unilatéral élaboré par lui et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ; que l'autorité administrative a, par décision du 8 janvier 2016, homologué le document qui lui avait été soumis ; que saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, l'inspecteur du travail a, par décision du 27 janvier 2016, accordé au liquidateur judiciaire de la société " La brochure industrielle " l'autorisation sollicitée aux motifs que l'entreprise avait fait face entre 2012 et 2013 à une chute de son chiffre d'affaires de l'ordre de 21%, qui s'était poursuivie en 2014, et que pour faire face à ces difficultés, la société avait vendu le bâtiment qu'elle occupait, sans toutefois parvenir à trouver d'autres locaux adaptés à la production, que par suite, la procédure de redressement judiciaire ouverte le 16 septembre 2015 avait été convertie, en l'absence d'offre de reprise, en liquidation judiciaire le 23 décembre 2015, que cette procédure impliquait la suppression de tous les emplois de l'entreprise, y compris celui occupé par l'intéressé, que des recherches de reclassement avaient été menées auprès des sociétés du groupe auquel appartenait la société La brochure industrielle, et en externe, auprès de la Commission nationale paritaire pour l'emploi UNIC, et de plusieurs chambres syndicales et fédérations professionnelles, sans toutefois qu'un poste ne puisse être proposé à l'intéressé et qu'aucun lien entre le mandat et le licenciement ne pouvait être établi ; que M. D...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision de l'inspecteur du travail accordant au liquidateur l'autorisation de le licencier ; qu'il interjette appel du jugement du 15 juin 2016 par lequel ledit tribunal a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ; qu'à ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure préalable :

3. Considérant que M. D...fait valoir que la procédure préalable à son licenciement est irrégulière dès lors que la composition du comité d'entreprise consulté pour avis sur le licenciement économique des salariés protégés, le 13 janvier 2016, était elle-même irrégulière ; que s'il n'est effectivement pas contesté en défense, d'une part, que Mme G...y était présente bien que n'étant pas titulaire d'un mandat de représentant du personnel, d'autre part, que MmeE..., élue suppléante du comité d'entreprise, était quant à elle absente faute d'avoir été convoquée, ces circonstances sont sans incidence sur les sens des avis émis ; qu'en effet, les différents projets de licenciement des personnes protégées ont tous recueillis des votes unanimement défavorables ; que MmeE..., qui n'était que suppléante, n'aurait pas eu, en tout état de cause, à siéger, compte tenu de la présence des titulaires ; que s'agissant de MmeG..., quand bien même celle-ci n'était pas titulaire d'un mandat de représentant du personnel, elle n'en était pas moins tout de même représentante des salariés dans le cadre de la procédure collective ; que, dans ces conditions, il n'est pas démontré que les irrégularités relevées aient pu avoir une influence déterminante sur le sens des délibérations du comité d'entreprise et eu pour effet d'empêcher ses membres de délibérer et de rendre leurs avis en toute connaissance de cause ;

En ce qui concerne les obligations en matière de reclassement :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " ;

5. Considérant, d'autre part, que dans le cadre du contrôle de l'obligation de reclassement externe, il appartient seulement à l'autorité administrative de s'assurer, outre le respect des garanties conventionnelles, que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire ;

6. Considérant, en premier lieu et s'agissant du reclassement interne, que M. D...persiste à soutenir que la pratique des lettres-circulaires est prohibée et que les recherches de reclassement au sein du groupe identifié par le mandataire n'étaient pas personnalisées ; que, d'une part, la légalité du plan de sauvegarde de l'emploi via la contestation de la décision d'homologation du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a déjà été mise en cause par la présente Cour qui, dans un arrêt du

25 octobre 2016, a jugé que les lettres adressées par le liquidateur judiciaire dans la perspective d'un reclassement externe des salariés de la société " La Brochure Industrielle " comportaient des indications précises relatives aux caractéristiques des postes occupés par chacun des salariés dont se déduisait leur profil professionnel ; que, d'autre part, et alors que la société " la brochure industrielle " a été liquidée, il ne saurait être reproché au liquidateur judiciaire, ainsi que l'ont admis les premiers juges, de ne pas avoir procédé à des recherches individualisées alors qu'au demeurant, bien qu'il ait exclu l'existence d'un groupe au sens de la jurisprudence, celui-ci, de son propre chef, a sollicité les sociétés dans lesquelles le dirigeant de " la brochure industrielle " ou un membre de la famille était actionnaire, en leur envoyant la liste des salariés à reclasser avec leur nom, le poste occupé et leur classification ; que ces éléments, qui témoignent des efforts faits pour assurer le reclassement des salariés au niveau interne, sont par suite de nature à justifier de l'existence d'une recherche sérieuse et personnalisée de la part des liquidateurs judiciaires de la société ;

7. Considérant, en second lieu, que l'article 19 de l'accord du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l'emploi attaché à la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques, en vigueur le 1er juin 1956 et étendue par arrêté du 22 novembre 1956 prévoit que : " Lorsque le reclassement dans l'entreprise n'aura pas été possible dans les conditions prévues aux articles 13 et suivants ci-dessus, l'entreprise devra chercher les possibilités de reclassement susceptibles de convenir aux salariés dont le licenciement aura dû être décidé, de préférence dans une entreprise rattachée aux industries graphiques et située dans la même localité ou dans une localité voisine. / A défaut de solution sur le plan local, le reclassement sera recherché dans les mêmes conditions sur le plan de la région. Le problème sera soumis à la commission régionale de l'emploi s'il en existe une dans la région intéressée. / Les instances régionales ou départementales des organisations professionnelles signataires apporteront à cette recherche leur concours actif./ Leurs instances nationales feront de même s'il apparaît que l'ampleur du problème dépasse la cadre régional. / Dans ce cas, le problème sera soumis à l'examen de la commission nationale de l'emploi ./ Les entreprises feront connaître les possibilités de reclassement au comité d'entreprise ou d'établissement ou à défaut de comité d'entreprise, aux délégués du personnel, ainsi qu'au personnel intéressé./ En ce qui concerne les droits aux congés payés des travailleurs licenciés, toutes dispositions seront prises conformément aux recommandations patronales formulées à la suite des réunions paritaires des 13 et 14 avril 1964, recommandations annexées à la convention collective. " ;

8. Considérant que M. D...persiste également à faire valoir que dans le cadre des recherches de reclassement externe, le liquidateur se devait d'examiner les possibilités dans le même secteur d'activité et au-delà, par priorité localement, régionalement puis au plan national conformément aux règles conventionnelles ; que toutefois, d'une part, et ainsi qu'il a été rappelé au point 6, la présente Cour a déjà jugé que le plan de sauvegarde de l'emploi remplissait lesdites exigences ; que d'autre part, il ressort des pièces du dossier que conformément aux stipulations de l'accord du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l'emploi attaché à la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques susvisé, le liquidateur a saisi, par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 décembre 2015, la commission paritaire de l'emploi ; que cette lettre était accompagnée d'une liste précisant les fonctions, les qualifications, les catégories professionnelles de tous les salariés de l'entreprise dont celles de M. D...; qu'ainsi que l'ont également relevé les premiers juges, il a, en outre, interrogé huit syndicats et fédérations nationales intervenant dans les métiers de l'imprimerie, de la presse ou encore de la communication sur d'éventuelles offres d'emplois en vue du reclassement des salariés concernés ; que dès lors, les recherches effectuées à l'extérieur de l'entreprise, y compris au niveau national, ont également été suffisamment sérieuses et personnalisées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. D...la somme que la société La brochure industrielle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Me C...et MeI..., en qualité de liquidateurs judicaires de la société " La Brochure industrielle ", présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...D..., à Mes C...et I..., en qualité de liquidateurs judiciaires de la société La brochure industrielle et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 octobre 2017.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 16PA02548


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02548
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : BRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-24;16pa02548 ?
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