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24/10/2017 | FRANCE | N°16PA02095

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 24 octobre 2017, 16PA02095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision implicite par laquelle le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes du 17 octobre 2014 tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle pour agissements de harcèlement moral, à la communication de l'intégralité de son dossier administratif et à la condamnation de l'administration à lui verser une indemnité à hauteur de 2 953 725 F CFP au titre des préjudices subis.

Par jugement n°1500444 du 4 mai 2016, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédoni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision implicite par laquelle le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes du 17 octobre 2014 tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle pour agissements de harcèlement moral, à la communication de l'intégralité de son dossier administratif et à la condamnation de l'administration à lui verser une indemnité à hauteur de 2 953 725 F CFP au titre des préjudices subis.

Par jugement n°1500444 du 4 mai 2016, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin 2016 et 23 avril 2017, M. B..., représenté par la Selarl Deswarte, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2016 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de ses demandes en date du 17 octobre 2014 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 284 425 F CFP en réparation du préjudice matériel subi ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 000 F CFP au titre du préjudice moral subi ;

5°) de prescrire à l'administration de procéder à son affectation à un poste conforme à son grade et à ses qualifications ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros (soit 596 658 F CFP) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;

- le compte rendu du SIVAP du 1er mars 2013, révèle que la responsabilité de l'incident du 20 février 2013 à l'origine de son changement d'affectation, incombe en partie au Proviseur et au gestionnaire de l'établissement ;

- le tribunal n'a pas pris en compte le nouvel incident de cuisine intervenu en 2016 qui a fait l'objet d'une enquête du SIVAP le 31 mars 2016 et qui démontre que les dysfonctionnements ne relèvent pas de l'unique responsabilité du chef de cuisine mais d'une désorganisation générale de l'établissement ;

- il n'a fait l'objet d'aucune procédure disciplinaire et son affectation et son maintien au poste d'agent d'entretien résultent de faits de harcèlement moral ;

- en effet s'il a accepté un aménagement provisoire de poste compte tenu de ses difficultés personnelles, son affectation au service de l'entretien des locaux, qui devait être provisoire, constitue une sanction déguisée, de nature à engager la responsabilité pour faute de son administration ; le proviseur du lycée et la directrice du service de l'agriculture, de la forêt et de l'environnement (DAFE) l'ont évincé définitivement de ses fonctions, de manière déloyale, sans que le motif de cette éviction lui soit clairement signifié ; ce poste ne correspond pas à son grade et il a fait l'objet de railleries et propos vexatoires de la part de ses anciens collègues subalternes et des élèves de l'école, ce qui a porté atteinte à sa dignité et à son honneur ; il n'a pas été informé de ce que la conservation de son logement " pour utilité de service " occasionnerait le paiement d'un loyer ni de ce qu'il perdrait le bénéficie de la NBI ;

- l'administration informée de sa situation de harcèlement moral, a commis une faute en laissant perdurer cette situation alors qu'il avait sollicité une enquête au sein du lycée et demandé la transmission de son dossier administratif ; il est donc fondé à solliciter une indemnité en réparation du préjudice matériel subi en raison de la suppression de son logement de fonction pour nécessité absolue de service à hauteur de 2 284 425 F CFP et pour faits de harcèlement moral, à hauteur de 2 000 000 F CFP.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires d'appel d'un montant supérieur à celles présentées devant le tribunal administratif sont irrecevables et non fondées ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., adjoint technique principal de l'enseignement de 1ère classe en poste au lycée polyvalent de Pouembout en Nouvelle Calédonie, relève appel du jugement du 4 mai 2016, par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le haut-commissaire de la République de Nouvelle-Calédonie a refusé de faire droit à ses demandes du 17 octobre 2014 tendant notamment au bénéfice de la protection fonctionnelle et à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que M. B...soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; que, toutefois, ces moyens qui se rattachent au bien-fondé du jugement, ne sont, pas de nature à l'entacher d'irrégularité le jugement attaqué ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

4. Considérant que M. B...fait valoir que les agissements répétés et intentionnels dont il a été victime à savoir : son affectation définitive sur un poste inférieur à son grade alors qu'il se trouvait dans une situation personnelle difficile et qu'il n'a pas fait l'objet de sanction disciplinaire lui permettant de se défendre, le refus de le réaffecter sur un poste de chef de cuisine et de lui accorder des formations dans ce domaine, ainsi que l'information déloyale qu'il a reçue destinée à lui faire accepter ce changement de poste, la dégradation de ses conditions de travail au regard des responsabilités et des avantages financiers dont il disposait et qui ont engendré des moqueries de ses anciens collègues subordonnés et des élèves du lycée, sont constitutifs de harcèlement moral ; qu'il soutient également que la responsabilité de l'incident intervenu le 20 février 2013 ne lui est pas entièrement imputable, révèle une désorganisation générale de l'établissement et qu'il est fondé à solliciter la réparation du préjudice matériel et moral subis à hauteur de 4 284 425 F CFP ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'inspection des cuisines en date du 26 février 2013 diligentée suite à l'incident du 20 février 2013, a permis de constater " un manque d'implication du chef de cuisine, un déficit de connaissance sur les principes fondamentaux en matière de sécurité alimentaire qui engendrent des mauvaises pratiques susceptibles de mettre en danger la santé de la clientèle " et " un manque de réactivité du chef de cuisine " ; que lors de son entretien avec le proviseur du lycée organisé le 27 mai 2013 à son retour de congé maladie, résumé dans un courrier du même jour, M. B... a indiqué que " le poste de responsable de cuisine ne correspondait plus à ses attentes en raison des difficultés de management d'équipe et des menaces anonymes à son encontre " ; que M. B...a accepté son affectation au sein du service de l'entretien en indiquant vouloir créer à terme sa propre entreprise ; qu'il ne ressort pas des termes de ce courrier du 27 mai 2013 ni d'aucune pièce du dossier que cette proposition d'affectation était provisoire ; que, contrairement à ce que soutient M. B..., ce nouvel emploi correspond à son grade en dépit du fait qu'il n'a plus de tâche d'encadrement à exercer ; que l'administration a pu légalement décider de lui accorder le bénéfice d'un logement pour " utilité de service " impliquant le paiement d'un loyer à prix réduit, dés lors que son logement ne pouvait plus lui être concédé, comme auparavant, par " nécessité absolue de service ", sans avoir à lui en préciser les modalités dès le 27 mai 2013 ; que la circonstance qu'il n'a pas fait l'objet de sanction disciplinaire n'empêchait pas l'administration de refuser ses demandes de réaffectation dans le poste de chef cuisinier, au demeurant non vacant, au regard des difficultés de management rencontrées qu'il ne conteste pas et dont l'appréciation relève de l'intérêt du service ; que M. B...n'établit pas avoir déposé de demande de formation que l'administration lui aurait refusée ; qu'enfin les vexations alléguées de ses anciens subordonnés et des élèves ne sont ni précisées ni justifiées ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait fait l'objet d'agissements caractéristiques de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 et qu'il aurait du de ce fait se voir accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ,ni qu'il aurait fait l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée, son changement d'affectation ayant été effectué ainsi qu'il vient d'être dit, dans l'intérêt du service ; que dans ces conditions, les faits allégués ne sont pas de nature à engager la responsabilité pour faute de l'administration et ne peuvent ouvrir droit à indemnisation des préjudices réclamée ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant, à l'annulation de la décision implicite rejetant ses demandes tendant à la reconnaissance de faits de harcèlement moral, à la nécessité de lui accorder la protection fonctionnelle et à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ; que, pour les mêmes motifs, les nouvelles conclusions indemnitaires présentées en appel par M. B...doivent également être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée sur ce point par le ministre de l'agriculture ; qu'enfin, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et les conclusions de M. B...présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2017.

Le rapporteur,

D. PAGESLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 16PA02095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02095
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SELARL JEAN-JACQUES DESWARTE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-24;16pa02095 ?
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