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24/10/2017 | FRANCE | N°15PA04709

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 octobre 2017, 15PA04709


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de rejet du ministre des finances et des comptes publics de sa demande de communication de documents administratifs, d'annuler l'avis relatif à la communication des mêmes documents rendu le 30 janvier 2014 par la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), d'annuler l'autorisation de crédit d'impôt accordée à la Société Générale de " carry back " permettant à cette dernière de déduire jusqu'à 33% de la perte de

4,9 milliards d'euros qu'elle a déclarée au titre de son exercice fiscal 2007 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de rejet du ministre des finances et des comptes publics de sa demande de communication de documents administratifs, d'annuler l'avis relatif à la communication des mêmes documents rendu le 30 janvier 2014 par la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), d'annuler l'autorisation de crédit d'impôt accordée à la Société Générale de " carry back " permettant à cette dernière de déduire jusqu'à 33% de la perte de 4,9 milliards d'euros qu'elle a déclarée au titre de son exercice fiscal 2007 ainsi que tous les actes préparatoires à cette autorisation, à titre subsidiaire d'examiner, avant dire droit, les circonstances d'établissement du rapport d'enquête établi par la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) relatif à la déductibilité fiscale des pertes déclarées par la Société Générale au titre de son exercice fiscal 2007.

Par un jugement n° 1404353 du 29 octobre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 décembre 2015, 22 juillet 2016 et

4 octobre 2017, M. C...B..., représenté par Me E...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'autorisation de crédit d'impôt de carry back accordée à la Société Générale au titre de l'année 2007 ainsi que tous les actes préparatoires à cette décision ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de réexaminer la situation fiscale de la Société Générale ;

4°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de lui transmettre l'enquête des services et de la DVNI sur les conditions dans lesquelles ont été remboursées 33% des pertes subies par la société Générale, ou de transmettre l'affaire au Conseil d'Etat ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement qui relevait d'une formation collégiale a été rendu par une formation irrégulièrement composée ;

- en sa qualité d'actionnaire de la Société Générale et de membre du Conseil régional d'Ile de France, il justifie d'un intérêt à agir ;

- le mécanisme du carry-back ne saurait s'appliquer s'il y a eu complicité de la hiérarchie ou défaillance des systèmes de contrôle ;

- le rapport de la direction des vérifications fiscales nationales et internationales qui présente le caractère d'un document administratif intéressant le public n'est pas couvert par le secret professionnel.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le crédit d'impôt contesté présentant le caractère d'une option non soumise à autorisation, le requérant attaque une décision inexistante ;

- à supposer qu'une décision existe, M. B...ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- le Conseil d'Etat, juge de cassation, est compétent pour connaitre sa contestation du jugement en ce qu'il refusé que lui soit communiquée l'enquête des services et de la DVNI ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment son préambule ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l'application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier ;

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant M.B....

1. Considérant que M. B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté sa demande du

2 octobre 2013 tendant à ce que lui soit communiquée l'enquête réalisée par la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) sur les conditions de remboursement de la perte de 6,3 milliards d'euros déclarée par la Société Générale, comptabilisée en 2007, et prise en compte fiscalement en 2008 suite aux opérations effectuées par M.D..., ensemble l'avis défavorable formulé le 30 janvier 2014 par la Commission d'accès aux documents administratifs sur cette demande ; que M. B...a également demandé au tribunal d'annuler " l'autorisation administrative de crédit d'impôt accordé à la Société Générale via le mécanisme du carry-back remboursé de manière anticipée en 2009 et tous les actes substantiels préparatoires à cette décision de défiscalisation " ; qu'à cette fin, il a demandé au tribunal de se faire communiquer par un jugement avant-dire droit le rapport d'enquête de la direction des vérifications nationales et internationales en sorte qu'il soit répondu aux questions qu'il avait posées sur les conditions d'établissement de ce rapport et les conclusions auxquelles était parvenu ce service ; qu'il relève appel du jugement du 29 octobre 2015 par lequel le magistrat désigné en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté comme infondée sa demande tendant à l'annulation du refus implicite de lui communiquer le rapport de la direction des vérifications nationales et internationales, et comme irrecevables ses autres demandes ;

Sur la demande de M. B...tendant à obtenir la communication d'un document administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public, sous réserve de l'application de l'article R. 732-1-1 : / (...) 4° Sur les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives

publiques " ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du même code : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort: / (...) 2° Sur les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives publiques " ;

3. Considérant que la lettre du 2 octobre 2013 par laquelle M. B...a demandé au ministre de l'économie et des finances de bien vouloir rendre publics et lui communiquer les résultats de l'enquête conduite en 2012 par la direction des vérifications nationales et internationales sur les conditions de remboursement de 33% de la perte déclarée par la Société Générale à la suite des opérations menées par M.D..., comptabilisée en 2007 et prise en compte fiscalement en 2008 doit être regardée comme tendant à la communication d'un document administratif au sens de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 811-1 précitées, les conclusions présentées par M. B...tendant à l'annulation du jugement attaqué, en tant que le tribunal administratif a rejeté cette demande, ensemble l'avis émis le 30 janvier 2014 par la Commission d'accès aux documents administratifs sur cette demande, ne ressortissent pas à la compétence d'appel de la cour mais à celle du Conseil d'Etat, statuant comme juge de cassation ; qu'elles ne peuvent être regardées comme connexes des conclusions, susceptibles d'appel, présentées par ailleurs par M.B...; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre ces conclusions au Conseil d'Etat ;

Sur les autres demandes :

Sur la régularité du jugement :

4. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable, que la compétence du président du tribunal administratif ou du magistrat qu'il désigne pour statuer seul sur certaines affaires est limitée en matière fiscale : " 5° (aux) litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale " et " 7° (aux) requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse " ; que ces dispositions, qui dérogent au principe de collégialité des formations de jugement posé par l'article L. 3 du même code sont d'interprétation stricte ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris n'était pas compétent pour statuer sur la demande de M. B...tendant à l'annulation de " l'autorisation administrative de crédit d'impôt accordé à la Société Générale via le mécanisme du carry-back remboursé de manière anticipée en 2009 et tous les actes substantiels préparatoires à cette décision de défiscalisation ", ni sur la demande de jugement avant-dire droit qui lui était associée, qui n'étaient entachées d'aucune irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou en appel ; qu'ainsi le jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes doit être annulé ;

6. Considérant qu'il y lieu dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande de M. B...;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre tirée du défaut d'intérêt pour agir :

7. Considérant que ni les qualités de contribuable national et d'usager de l'administration fiscale, ni celle de membre du Conseil régional d'Ile de France ne donnent à

M. B...intérêt à agir contre la décision qu'il conteste, dont l'existence n'est pas au demeurant établie par les pièces du dossier ;

8. Considérant que si M. B...se prévaut pour la première fois en appel de sa qualité d'actionnaire de la Société Générale, celle-ci ne lui donne pas qualité pour contester une décision qui, à supposer qu'elle existe, ne lèse d'aucune manière les actionnaires de cette société ; que la circonstance tirée de ce que l'attitude de l'administration fiscale encouragerait les établissements bancaires à prendre des risques susceptibles d'affecter les intérêts des actionnaires est à cet égard inopérante ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen : " Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée " ; qu'aux termes de l'article 15 de cette Déclaration : " La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration " ;

10. Considérant que ces dispositions ne sauraient pas elles-mêmes conférer à toute personne qui les invoque intérêt pour former un recours à l'encontre de toute décision prise par l'administration fiscale qu'elle entend contester ;

11. Considérant que M. B...ne justifiant pas d'une qualité lui donnant intérêt pour agir, ses conclusions formées tant en première instance qu'en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que l'Etat n'étant pas la partie qui succombe, les conclusions présentées par M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de M. B...dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de lui communiquer l'enquête conduite en 2012 par la direction des vérifications nationales et internationales sur les conditions de remboursement de 33% de la perte déclarée par la Société Générale à la suite des opérations menées par M.D..., ensemble l'avis émis le 30 janvier 2014 par la Commission d'accès aux documents administratifs sur sa demande, sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a statué sur les autres demandes de M. B...est annulé.

Article 3 : Les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de " l'autorisation administrative de crédit d'impôt accordé à la Société Générale via le mécanisme du carry-back remboursé de manière anticipée en 2009 et tous les actes substantiels préparatoires à cette décision de défiscalisation " sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 octobre 2017.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 15PA04709


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04709
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : BODA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-24;15pa04709 ?
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