Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...H...a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 2009 pour un montant total de
814 212 euros et des contributions sociales y afférentes pour un montant total de 253 521 euros, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la majoration de 80% pour manoeuvre frauduleuse mise à sa charge pour un montant de 339 963 euros.
Par un jugement n° 1505713/1-2 du 20 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 novembre 2016, 15 février 2017,
20 février 2017 et 6 juin 2017, M.H..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente du jugement définitif du litige opposant la société Orkenise Art à l'administration fiscale ;
2°) d'annuler le jugement du 20 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la solution du litige l'opposant à l'administration fiscale est étroitement liée à celle qui résultera du litige opposant la société dont il est associé à cette administration ;
- l'administration ne démontre pas l'existence en France d'un établissement stable ou d'un cycle complet d'activité de la société Orkenise Art SA ;
- l'administration n'établit pas l'existence d'un désinvestissement, ni le fait qu'il serait le bénéficiaire des bénéfices distribués par la société ;
- il résulte de la doctrine figurant à la Documentation administrative 4J-1121 n°15 - 1er novembre 1995 reprise au BOI-RPPM-RCM-10-20-10 n°220 du 12 septembre 2012 que la présomption de distribution ne lui est pas opposable ;
- la Documentation administrative 4 J-1213 n°17, 1er novembre 1995 reprise au BOI-RPPM-RCM-10-20-20-50 n°160 du 12 septembre 2012 exige que les bénéfices soient réinvestis ;
- il résulte de la réponse du 7 janvier 1954 à M.D..., parlementaire, que le désinvestissement est une condition de la distribution ;
- les réponses ministérielles à MM. G...etE..., parlementaires, respectivement référencées AN 26 octobre 2010 p. 11686 n° 72398 et Sén. 18 novembre 2010 p. 3024 n° 13142 imposent à l'administration d'établir l'existence d'un désinvestissement :
- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ne sont pas justifiées ;
- la majoration de 25 % prévue par les dispositions de l'article 158-7-2° du code général des impôts n'est pas applicable aux prélèvements sociaux.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 6 avril et 24 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut à ce que la Cour constate un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. H...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la France et le Grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958, modifiée par l'avenant du 24 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.H....
1. Considérant qu'estimant que la société de droit luxembourgeois Orkenise Art SA disposait d'un établissement stable en France, l'administration a procédé à une vérification de comptabilité dudit établissement et à l'assujettissement de ses résultats à l'impôt sur les sociétés ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a mis à la charge de M.H..., au titre des revenus distribués par la société susmentionnée au cours de l'année 2009, en sa qualité de dirigeant et d'associé unique de ladite société, des rappels d'impôts sur le revenu et de contributions sociales assortis de pénalités, pour un montant total de 1 067 733 euros ; que par la présente requête, M. H...relève appel du jugement du 20 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision du 24 mai 2017, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a prononcé le dégrèvement, à hauteur de 50 705 euros, en droits et pénalités, du supplément de contributions sociales mis à la charge de M. H...au titre de l'année 2009 ; que, par suite, les conclusions de la requête afférentes auxdites impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'existence d'un établissement stable de la société Orkenise Art en France :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise susvisée : " Les revenus des entreprises (...) commerciales (...) ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable " ; qu'aux termes du 3 de l'article 2 de la même convention : " 1) Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) Au nombre des établissements stables figurent notamment : a)les sièges de direction ; b) les succursales ; c) les bureaux (...) " ;
4. Considérant que, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, une visite domiciliaire a été effectuée le 16 mars 2010 dans les locaux de la SARL Ochoa A...ainsi qu'au domicile de M. H...et de Mme B...A..., visite à l'occasion de laquelle l'administration a pu constater la présence en France de nombreux documents relatifs à la constitution de la société Orkenise Art, ainsi que de nombreux documents, tels que factures, relevés de comptes ou bordereaux d'achats, relatifs à la gestion courante de cette société ; que l'adresse électronique figurant sur les actes de gestion courante de la société Orkenise Art ainsi que ses numéros de téléphone et de télécopieur sont attribués à Mme B...A..., domiciliée ...; que la société Orkenise Art détient 94 % du capital de la société Ochoa A...qui exploite une galerie d'art située quai Voltaire à Paris ; que 75 % des biens exposés dans ladite galerie sont déposés par la société Orkenise Art ; que ladite société a pris à sa charge le coût des travaux engagés en 2007 en vue de l'installation de la galerie sise quai Voltaire ; que la société Orkenise Art dispose également d'un local de stockage situé à Saint-Denis ; que, la société MCL International Corporation établies aux îles Tortola, société déléguée à la gestion journalière de la société Orkenise Art, est dirigée par M.H..., qui est lui-même domicilié... ; qu'alors que tous les éléments susrappelés sont de nature à établir que M. H...assurait la gestion courante, commerciale, financière et comptable de la société depuis Paris, aucun élément concret ne permet en revanche d'identifier l'existence au Luxembourg d'un centre de décision ; qu'ainsi, et alors même que la société Orkenise Art disposait dans ce pays d'un bureau et d'un local de stockage, sur l'usage effectif desquels le requérant ne fournit d'ailleurs aucune précision, elle doit être regardée comme ayant disposé en France, au cours de l'année en cause, d'une installation fixe d'affaires au travers de laquelle elle a exercé son activité et, en conséquence, comme ayant exploité une entreprise en France au sens des dispositions de l'article 209 du code général des impôts et comme y ayant disposé d'un établissement stable au sens des stipulations du 3 de l'article 2 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 ; que dès lors que l'administration établit l'existence d'une telle installation fixe d'affaires, le moyen soulevé par M. H...tiré de ce que le service n'établit pas l'existence d'un cycle complet d'activité en France est en tout état de cause inopérant ;
En ce qui concerne les bénéfices distribués :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 109-1-1° du code général des impôts :
" 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué les résultats de la société Orkenise Art réalisés en France à partir de l'état de ses stocks, du livre de police, des factures de ventes recueillies dans le cadre du droit de communication et consultées dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société OchoaA..., des charges déductibles identifiées et des avantages en nature constatés au profit de M. H...; que si M. H...fait valoir, sans d'ailleurs l'établir, que la société Orkenise Art a déclaré ses résultats auprès de l'administration fiscale luxembourgeoise et que le produit des recettes est resté sur le compte bancaire de cette société au Luxembourg, il est constant qu'aucune comptabilité n'a été présentée par ladite société, mettant ainsi l'administration dans l'impossibilité de vérifier qu'elle aurait conservé les sommes correspondantes et notamment que ces sommes auraient été mises en réserve ou incorporées au capital ; que, compte tenu de la nature des rectifications susmentionnées, les résultats en cause doivent en conséquence être regardés comme ayant été désinvestis et réputés distribués en application des dispositions précitées de l'article 109-1-1° du code général des impôts ; que la doctrine figurant à la Documentation administrative 4J-1121 n°15- 1er novembre 1995 reprise au BOI-RPPM-RCM-10-20-10 n°220 du 12 septembre 2012, à la Documentation administrative 4 J-1213 n°17, 1er novembre 1995 reprise au BOI-RPPM-RCM-10-20-20-50 n°160 du 12 septembre 2012 et la réponse ministérielle à M.D..., parlementaire, en date du 7 janvier 1954 ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et ne peuvent, par suite, être utilement invoquées sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que les réponses ministérielles à MM. G...etE..., parlementaires, respectivement référencées AN 26 octobre 2010 p. 11686 n° 72398 et Sén. 18 novembre 2010 p. 3024 n° 13142, qui ne sont d'ailleurs pas invocables en raison de leur date sur le fondement desdites dispositions, ne font pas non plus de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède dès lors qu'elles ne prévoient pas que les dispositions de l'article 115 quinquies du code général des impôts priveraient l'administration du droit de constater l'existence de revenus distribués sur le fondement de l'article 109-1-1° du même code ;
7. Considérant, par ailleurs, qu'il est constant que M. H...détenait l'intégralité des parts sociales de la société Orkenise Art, était dirigeant et administrateur de la société MCL International Corporation, société elle-même déléguée à la gestion journalière de la société Orkenise Art, était le principal interlocuteur des partenaires de la société Orkenise Art et assumait les pouvoirs de direction et de gestion de cette société ; que, dès lors, l'administration, qui n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, ayant établi que M. H...devait être regardé comme le maître de l'affaire, c'est-à bon droit, et sans que l'intéressé puisse utilement faire valoir que sa situation fiscale personnelle n'a pas été contrôlée, qu'elle l'a considéré comme le bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées en application des dispositions précitées ;
Sur les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses " ; qu'il résulte de l'instruction que la société Orkenise Art, à l'initiative de M.H..., a été fictivement déclarée au Luxembourg alors qu'elle était exploitée depuis le territoire français ; que la création de la société MCL International Corporation aux Iles Tortola avait pour seul objectif de constituer un écran à fin de masquer l'activité de M. H...en tant que dirigeant de la société Orkenise Art ; qu'ainsi la majoration de 80 % instituée par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts a été à bon droit appliquée aux droits rappelés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer, eu égard au principe d'indépendance des procédures, que M. H...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en ce qu'elle concerne les impositions et pénalités maintenues à sa charge ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. H...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de
M. H...à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. H...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...H...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 octobre 2017.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03240