Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL M.B.M.I. a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 octobre 2011.
Par un jugement n° 1424365/1-1 du 30 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 décembre 2015 et 1er août 2016, la société M.B.M.I., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 septembre 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant ce tribunal.
Elle soutient que :
- le vérificateur a contrôlé l'exercice clos en 2008 sans mentionner cet exercice dans l'avis de vérification, privant ainsi le contribuable des garanties attachées à la vérification de comptabilité, notamment liée à l'existence d'un dialogue contradictoire ;
- le vérificateur a annulé le déficit reportable au 1er avril 2008 uniquement à partir d'informations non recoupées obtenues auprès d'un seul fournisseur ;
- l'administration ne pouvait imputer 526 529 euros de fausses factures alors que les éléments identifiés ne portaient que sur 329 432 euros ;
- le vérificateur n'a pas informé le contribuable, durant le contrôle, des renseignements obtenus auprès de tiers ayant conduit à la remise en cause du déficit reportable au 1er avril 2008 et ne l'a pas informé de l'hypothèse d'un redressement ;
- le jugement n'a pas répondu à ce moyen ;
- l'administration doit admettre la compensation entre les charges exposées au cours de l'exercice clos en 2008 et les charges réintégrées au titre de l'exercice clos en 2009 au motif qu'elles avaient été exposées au titre de l'exercice précédant ; la circonstance que l'exercice clos en 2008 soit prescrit est sans portée dès lors que le déficit reportable de cet exercice a été annulé ;
- l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée, les irrégularités ayant été imputables à la gérante minoritaire.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 mars et 20 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société M.B.M.I. ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la socitété M.B.M.I.
1. Considérant que la SARL M.B.M.I., qui exerce une activité de production, d'achat, de vente et d'import-export de produits électroniques, mécaniques ou composites, relève appel du jugement n° 1424365 /1-1 du 30 septembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 octobre 2011 ;
Sur la régularité de la procédure :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " ... une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix " ;
3. Considérant que, dès lors que le déficit d'un exercice prescrit figure dans les écritures d'un contribuable sous forme d'une charge au titre d'un exercice non prescrit, l'administration est en droit, dans le cadre de la vérification de comptabilité dudit exercice non prescrit, et pour contrôler la réalité de ce déficit reportable, d'examiner la comptabilité des exercices précédent ; que cet examen de la comptabilité d'années prescrites pour les besoins de la vérification d'une année non prescrite se rattache à la vérification de l'exercice non prescrit dont elle ne constitue pas une opération distincte ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en remettant en cause la réalité du déficit reportable au 1er avril 2008, date de clôture du dernier exercice prescrit, et son imputation au titre de l'exercice suivant, sans lui adresser d'avis de vérification au titre de l'exercice clos à cette date, l'administration aurait entaché d'une irrégularité la procédure de contrôle ; que pour le même motif, elle ne saurait valablement se prévaloir de ce que, faute d'avoir été avertie de l'existence d'une vérification de comptabilité relative à l'exercice clos le 1er avril 2008, elle aurait été privée de la garantie attachée à l'existence d'un dialogue contradictoire ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables [...] " ; que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable dans lesquels sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;
5. Considérant qu'il est constant que la vérification de comptabilité a eu lieu sur place ; qu'il n'est ni établi ni même d'ailleurs allégué qu'au cours de ses interventions sur place, le vérificateur se serait refusé à un débat oral et contradictoire avec les représentants de la société ; qu'aucune disposition du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales ne fait obligation à l'administration d'engager avec le contribuable, au cours d'une vérification de comptabilité, un débat oral et contradictoire sur les redressements qu'elle envisage de notifier ; que la circonstance que le vérificateur n'ait pas informé la société, au cours des opérations de contrôle, de l'hypothèse d'un rehaussement relatif à la remise en cause du déficit reportable né au cours d'exercices prescrits ne révèle à cet égard aucune irrégularité ;
6. Considérant, en troisième lieu, que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ; que tel est le cas des copies des factures adressées à cette dernière par des fournisseurs ; que le moyen tiré de ce que les factures obtenues par le service par l'usage de son droit de communication auprès de fournisseurs de la société requérante n'ont pas été portées à sa connaissance avant le terme de la vérification et n'ont pas été soumis à un débat oral et contradictoire ne peut dès lors qu'être écarté ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;
8. Considérant que l'administration n'est tenue, en application des dispositions susmentionnées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, que d'informer le contribuable dont elle envisage de rehausser les bases d'imposition de l'origine et de la teneur des renseignements ainsi obtenus de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, au plus tard avant la mise en recouvrement de celles-ci, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements, soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que l'origine et de la teneur des renseignements obtenus par l'exercice du droit de communication auprès des sociétés fournisseurs de la SARL M.B.M.I. ont été mentionnées de façon détaillée dans la proposition de rectification datée
du 22 août 2012 adressée à ladite société ; qu'il n'est pas allégué que la société ait demandé, avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, la communication des documents correspondants ; que la circonstance que ces informations n'aient pas été transmises à la société requérante au cours du contrôle sur place n'a pas privé la société requérante du droit de se défendre et ne révèle aucune méconnaissance des dispositions précitées ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le droit de communication exercé auprès de quatre fournisseurs a révélé que les achats effectifs de la société requérante auprès desdits fournisseurs ne correspondaient que très marginalement aux achats comptabilisés ; que ces renseignements n'ont fait que corroborer le fait, ressortant de la comparaison des écritures comptables de la société avec les copies de chèques obtenus auprès des établissements bancaires, que les règlements avaient été effectués au profit de tiers sans rapport avec les sociétés mentionnées sur les factures ; qu'en se bornant à soutenir que l'administration ne peut, par principe, opposer utilement au contribuable des informations obtenues en vertu de son droit de communication auprès de tiers que si elles sont corroborées par des constatations propres à son entreprise, à ses activités ou à sa situation, la société requérante ne conteste pas utilement les motifs du rehaussement en litige ; que le moyen tiré de ce que " la société ne pouvait pas se voir imputer des fausses factures pour un montant de 526 529 euros alors que les éléments identifiés par l'administration ne portaient au total que sur
329 432 euros " n'est pas assorti des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé et la portée, le rehaussement notifié à l'intéressée au titre des fausses factures ne se montant d'ailleurs pas à la somme indiquée par la requérante ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) . L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le poids total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées " ; qu'il résulte des dispositions précitées que les charges doivent être déduites des résultats de l'exercice au cours duquel elles peuvent être considérées comme engagées par l'existence d'une dette certaine dans son principe et dans son montant ;
11. Considérant que la société M.B.M.I. ne saurait utilement demander que les charges, exposées au cours de l'exercice clos au 31 mars 2008 et déduites à tort au titre de l'exercice suivant, soient soustraites, par la voie de la compensation de sa base imposable au titre de l'exercice 2008, dès lors que cet exercice, d'ailleurs prescrit, n'est pas concerné par le présent litige ; qu'à supposer que la société M.B.M.I. ait entendu demander, du chef de l'imputation desdites charges sur l'exercice clos en 2008, le rétablissement partiel du déficit reportable au 31 mars 2008 imputable sur le résultat de l'année suivante, il ne résulte en tout état de cause pas des écritures de la société requérante ni des documents produits à leur appui que la prise en compte de ces charges au titre de l'exercice clos le 31 mars 2008 conduirait au rétablissement d'un déficit reportable sur les résultats de l'exercice clos en 2009 ;
Sur les pénalités :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
13. Considérant que le moyen tiré de ce que les opérations révélant un manquement délibéré ont été effectuées par la gérante minoritaire de la société M.B.M.I. n'est pas de nature à remettre en cause l'application des majorations pour manquement délibéré mises à la charge de la société requérante, redevable légal des impositions, aucune disposition ne faisant obstacle à ce que soient imputées à la société les manquements commis par sa gérante dans l'exercice de ses fonctions ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société M.B.M.I. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, les premiers juges ayant, contrairement à ce qui est soutenu, répondu aux moyens qui leur étaient soumis, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société M.B.M.I. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société M.B.M.I. et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 octobre 2017.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04497