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12/10/2017 | FRANCE | N°16PA02020

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 octobre 2017, 16PA02020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 juin 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom patronymique celui de " B... " ou, à défaut, celui de " B...-A... ", et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer sa demande de changement de nom, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1515315/7-2 du 22 avr

il 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 juin 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom patronymique celui de " B... " ou, à défaut, celui de " B...-A... ", et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer sa demande de changement de nom, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1515315/7-2 du 22 avril 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2016 et un mémoire enregistré le 9 janvier 2017, Mme C...A..., représentée par Me Daudé, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1515315 du 22 avril 2016 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 5 juin 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom patronymique celui de " B... " ou, à défaut, celui de " B...-A... " ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer sa demande de changement de nom, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation car elle justifie d'un intérêt légitime à changer de nom, au sens de l'article 61 du code civil et de la jurisprudence, dès lors que son père dont elle porte le nom s'est désintéressé d'elle peu après sa naissance, n'a jamais réellement contribué à son entretien et à son éducation, qu'elle ne l'a plus revu depuis l'année 2002, que cet abandon a provoqué chez elle un traumatisme psychologique ;

- elle justifie d'un usage constant et prolongé du nom de sa mère, " B... ", sous lequel elle est connue dans sa vie tant personnelle que professionnelle, et dont la non-concordance avec son état-civil lui cause un préjudice ;

- la décision en litige porte atteinte à son droit à la vie privée et méconnait ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Daudé, avocat de Mme C...A..., en présence de l'intéressée.

1. Considérant que Mme C...A...a sollicité de la garde des sceaux, ministre de la justice l'autorisation de substituer le nom de sa mère, " B... ", à défaut celui de " B...-A... ", à celui de son père, " A... " ; que par décision du 5 juin 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande aux motifs qu'elle n'établit ni que son père aurait gravement manqué à ses devoirs parentaux, ni l'usage constant et ininterrompu du nom de " B... " ou de celui de " B...-A... " sur une période suffisamment longue ; que par la présente requête, Mme A...relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Paris du 22 avril 2016 rejetant sa demande l'annulation de cette décision ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 61 du code civil :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret. " ;

3. Considérant, en premier lieu, que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ; que Mme C...A..., née en décembre 1984, fait état à l'appui de sa requête, du désintérêt affectif et matériel dont aurait fait preuve à son égard, dès le début de l'année 1987, son père qu'elle n'aurait plus revu depuis le début de la décennie 2000 ; que, s'il ressort des pièces du dossier que, par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 18 mai 1992, l'exercice de l'autorité parentale a été confiée à sa mère, et si l'intéressée indique avoir subi un traumatisme psychologique en raison du comportement de son père, qui aurait peu exercé son droit de visite et d'hébergement, Mme A...ne produit toutefois, à l'appui de ses allégations, que des attestations établies respectivement par sa mère, son oncle maternel et un cousin de son grand-père maternel ; qu'ainsi, en l'absence de pièces probantes de nature à établir tant les éventuels manquements de son père à ses obligations parentales, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le comportement de ce dernier a été gravement modifié à la suite du décès de sa propre mère, que le traumatisme psychologique dont elle allègue souffrir, le garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas entaché, en se fondant sur l'absence d'intérêt légitime à changer de nom de l'intéressée, la décision du 5 juin 2015 d'erreur d'appréciation ; qu'au demeurant l'intéressée dispose de la faculté d'utiliser à titre d'usage le nom de " B... " ou de " B...-A... " ;

4. Considérant, en second lieu, que si Mme C...A...soutient, en produisant des documents universitaires, professionnels, administratifs, des factures et des attestations établies par des proches, qu'elle porte à titre d'usage, notamment dans sa vie professionnelle de médecin, le nom de " B... " ou de " B...-A... " depuis plusieurs années, les pièces produites par la requérante n'attestent de l'utilisation de ce nom que depuis 2006 ; qu'ainsi, la possession d'état dont elle entend se prévaloir ne présente pas un caractère suffisamment ancien et constant pour justifier le changement de nom sollicité ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que, dans les circonstances décrites ci-dessus, il ne ressort pas des éléments versés au dossier que la décision refusant le changement de nom sollicité porterait au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le ministre de la justice aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement contesté, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 juin 2015 ; que sa requête d'appel, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02020
Date de la décision : 12/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : DAUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-12;16pa02020 ?
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