Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la ville de Lagny-sur-Marne au versement de la somme de 40 653,64 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes résultant de la prolongation de la suspension de ses fonctions et de la privation de son traitement.
Par un jugement n° 1404913 du 30 juin 2016, le Tribunal administratif de Melun a partiellement accueilli sa demande en condamnant la ville de Lagny-sur-Marne à lui verser une indemnité correspondant à la moitié de son traitement et de l'indemnité de résidence pour la période courant du 5 avril 2013 au 31 octobre 2014, ainsi qu'une somme de 1 091 euros, sous déduction de la somme de 5 000 euros versée à titre provisionnel en application de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun du 20 janvier 2015, avec intérêts au taux légal.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2016 et régularisée le 4 octobre 2016, la ville de Lagny-sur-Marne, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 30 juin 2016 ;
2°) de fixer le préjudice définitif de M. B...à la somme de 433,11 euros ;
3°) d'enjoindre à M. B...de lui reverser l'ensemble des sommes qui lui ont été versées en exécution du jugement susvisé et de l'ordonnance du 20 janvier 2015, déduction faite de la somme de 433,11 euros ;
4°) de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le Tribunal administratif de Melun a méconnu les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 en ne constatant pas que la suspension de M. B...a été prorogée le 19 avril 2013 ou qu'une nouvelle suspension a été décidée à compter de cette même date ;
- le tribunal a commis une erreur dans le calcul de l'indemnité due à M.B..., le préjudice subi devant être limité à la somme de 433,11 euros correspondant à la période allant du 5 au 19 avril 2013, au lieu de la période allant du 5 avril 2013 au 31 octobre 2014.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2017, M.B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la ville de Lagny-sur-Marne à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., pour la ville de Lagny-sur-Marne.
Une note en délibéré, enregistrée le 6 octobre 2017, a été présentée pour la commune de Lagny-sur-Marne.
1. Considérant que M. C...B..., agent de maîtrise titulaire de la ville de Lagny-sur-Marne, exerçant les fonctions de responsable du service de la régie voirie, a été suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 5 décembre 2012, par un arrêté du maire de Lagny-sur-Marne du même jour ; que, par un arrêté du 25 mars 2013, la même autorité a prolongé cette mesure de suspension de fonctions à compter du 5 avril 2013 et a, en conséquence, décidé d'une retenue sur sa rémunération à hauteur de 50 pour 100 de son traitement de base et de l'indemnité de résidence ; que le maire de Lagny-sur-Marne a porté plainte avec constitution de partie civile le 19 avril 2013 ; que, par un courrier en date du 16 avril 2014, reçu le 18 avril suivant par le maire de Lagny-sur-Marne, M. B...a demandé à être immédiatement réintégré dans ses fonctions et à être indemnisé des préjudices subis du fait de la prolongation illégale de sa suspension à compter du 5 avril 2013 ; que le silence gardé pendant plus de deux mois par le maire de Lagny-sur-Marne sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet contestée auprès du Tribunal administratif de Melun par M.B... ; que la ville de Lagny-sur-Marne fait appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif l'a condamnée à verser à M. B...une indemnité correspondant à la moitié de son traitement et de l'indemnité de résidence pour la période courant du 5 avril 2013 au 31 octobre 2014, ainsi qu'à une fraction de sa prime annuelle de l'année 2013 ;
2. Considérant, qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille " ;
3. Considérant qu'un fonctionnaire doit être regardé comme faisant l'objet de poursuites pénales au sens de ces dispositions lorsque l'action publique pour l'application des peines a été mise en mouvement à son encontre ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du code de procédure pénale : " L'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. / Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code " ; qu'aux termes de l'article 85 du même code : " Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction (...) / Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 86 du même code : " Le juge d'instruction ordonne communication de la plainte au procureur de la République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions. / Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée (...) " ; qu'il ressort des dispositions précitées que l'action publique pour l'application des peines doit être regardée comme mise en mouvement, à l'initiative d'une partie lésée, dès le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction ;
5. Considérant que, pour regarder comme entaché d'erreur de droit, l'arrêté du 25 mars 2013 prolongeant à compter du 5 avril 2013 la mesure de suspension de fonctions dont M. B...faisait l'objet, et décidant une retenue sur sa rémunération, le tribunal administratif a relevé qu'une plainte avec constitution de partie civile n'a été déposée que le 19 avril 2013, et qu'à la date du 5 avril 2013, M. B...ne faisait pas l'objet de poursuites pénales au sens des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ; que le tribunal administratif a également estimé que la circonstance qu'une plainte avec constitution de partie civile avait été déposée le 19 avril 2013 n'était pas de nature à faire cesser à cette date le préjudice financier subi par M. B...jusqu'à sa révocation intervenue le 31 octobre 2014, aucune nouvelle décision de prolongation de suspension n'ayant été prise par le maire de Lagny-sur-Marne à son encontre ;
6. Considérant que, contrairement à ce que la ville de Lagny-sur-Marne soutient devant la Cour, la plainte avec constitution de partie civile qu'elle a déposée le 19 avril 2013 ne peut être regardée comme constituant par elle même une nouvelle décision de prolongation de la suspension initiale ou une nouvelle décision de suspension ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'arrêté du 25 mars 2013 était entaché d'illégalité et que cette illégalité était constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de la ville ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Lagny-sur-Marne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a accueilli partiellement les conclusions de la demande de M. B...en calculant les indemnités dues à M. B...en réparation des préjudices résultant de cette faute, sur une période courant du 5 avril 2013 date à partir de laquelle il a été illégalement suspendu jusqu'à sa révocation le 1er novembre 2014 ;
8. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Lagny-sur-Marne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. B...d'une somme de 1 500 euros ; que ces mêmes dispositions faisant obstacle à ce que la ville, qui est partie perdante dans l'instance, en puisse invoquer le bénéfice, ses conclusions présentées sur ce fondement doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ville de Lagny-sur-Marne est rejetée.
Article 2 : La ville de Lagny-sur-Marne versera une somme de 1 500 euros à M. B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Lagny-sur-Marne et à M. C...B....
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2017.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02990