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29/09/2017 | FRANCE | N°16PA03070

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 29 septembre 2017, 16PA03070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2015 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1601879/3-3 du 12 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté préfectoral du 31 décembre 2015 en tant qu'il fixe le pays de destination et rejeté le surpl

us de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2015 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1601879/3-3 du 12 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté préfectoral du 31 décembre 2015 en tant qu'il fixe le pays de destination et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1601879/3-3 du 12 septembre 2016 en tant qu'il prononce l'annulation de la décision fixant le pays de destination et qu'il met à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter, sur ce point, la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que Mme A...établissait que ses deux filles seraient personnellement exposées au risque d'excision en cas de renvoi en Côte d'Ivoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2017, MmeA..., représentée par Me Trorial, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour de prononcer l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 31 décembre 2015 en tant qu'il porte refus de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français.

Elle soutient qu'aucun des moyens d'appel n'est fondé et qu'elle a, en février 2017, introduit pour ses deux filles mineures une demande de réexamen auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui a aboutit favorablement et que, s'agissant des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, elle demande le bénéfice de ses écritures de première instance.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, pour soulever un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal.

Mme A...a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 27 janvier 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du

16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties on été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray ;

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'appel principal du préfet de police :

1. Considérant que MmeA..., ressortissante ivoirienne née le 19 avril 1987 à Danané, est, selon ses déclarations, entrée en France en 2012 pour y solliciter l'asile ; qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) eut rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié par une décision du 26 novembre 2015, le préfet de police a, par l'arrêté contesté du 31 décembre 2005, refusé de lui délivrer le titre de séjour prévu par les dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 12 septembre 2016 en tant seulement que, par ce dernier, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 31 décembre 2015 fixant la Côte d'Ivoire comme pays de destination et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 ;

2. Considérant que le préfet de police soutient que c'est à tort que, pour prononcer l'annulation de sa décision du 31 décembre 2015 fixant le pays à destination duquel Mme A...sera éloignée, le Tribunal administratif de Paris a estimé que le risque que les deux filles de l'intéressée ne soient victimes d'une excision en cas de retour en Côte d'Ivoire était établi du fait que cette pratique y est encore répandue, notamment au sein de l'ethnie malinké dont l'intéressée est issue ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

4. Considérant que le préfet de police relève que l'excision est pénalement réprimée en Côte d'Ivoire depuis une loi du 23 décembre 1998 et que cette pratique concerne essentiellement les régions du Nord et du Nord-Ouest du pays, ainsi qu'à un moindre degré l'Ouest, tandis qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...vivait, au moins depuis 2009, à Abidjan, où elle suivait des études ; qu'en outre, l'administration fait valoir que, s'il n'est pas contesté que Mme A... a été victime d'une telle mutilation, l'OFPRA a, par une décision du 26 novembre 2015, rejeté la demande de l'intimée tendant à obtenir, pour elle-même et ses deux filles compte tenu du risque de mutilation encouru par ces dernières, la reconnaissance du statut de réfugié ;

5. Considérant, toutefois, que MmeA..., se fondant sur un rapport de mission de l'OFPRA publié en mai 2013 sur la Côte d'Ivoire, fait valoir que, dans ce pays, la pratique de l'excision n'est pas corrélée à une région, mais à l'ethnie, et qu'il est admis par le préfet de police qu'elle appartient à une ethnie qui y est traditionnellement attachée ; que, dans ces conditions, MmeA..., qui fait en outre valoir que sa famille est également favorable à cette pratique, doit être regardée comme établissant que ses deux filles mineures seraient, à titre personnel, exposées à des traitements inhumains et dégradants du fait de cette pratique ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 décembre 2015 en tant qu'il fixe le pays de renvoi ;

En ce qui concerne l'appel incident de MmeA... :

7. Considérant que, dans son mémoire en défense, Mme A...formule des conclusions d'appel incident tendant à ce que la Cour prononce l'annulation, d'une part, de la décision lui refusant l'admission au séjour au titre de l'asile, d'autre part, de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire national ;

Quant aux moyens propres à la décision de refus de titre de séjour :

8. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants (...) " ;

10. Considérant que MmeA..., qui se prévaut de ce que " ses filles se sont vu reconnaître par l'OFPRA le statut de réfugié " en février 2017, doit être regardée comme invoquant le moyen tiré de la méconnaissance, par le préfet de police, des dispositions de l'article L. 314-11 citées au point précédent ;

11. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que, par son courrier du 24 février 2017, l'OFPRA, contrairement à ce que soutient MmeA..., n'a pas reconnu la qualité de réfugiées à ses deux filles mineures, mais s'est bornée à informer l'intéressée que sa " demande de réexamen est complète et a été introduite dans les délais " ; qu'en tout état de cause, la décision contestée a été édictée le 31 décembre 2015 ;

12. Considérant, en troisième lieu, que, les moyens tirés de ce que la décision lui refusant l'admission au séjour méconnaîtrait tant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant que celles des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges ;

Quant aux moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire national :

13. Considérant, en premier lieu, que le moyen, à le supposer invoqué, tiré de ce que l'autorité préfectorale ne pouvait légalement l'obliger à quitter le territoire français dès lors qu'elle avait vocation à bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté pour les motifs mentionnés au point 11 ;

14. Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire national serait insuffisamment motivée, notamment au regard de l'article 12 de la directive susvisée du 16 décembre 2008, et méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que celles des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions d'appel incident formulées par Mme A...doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

16. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que par suite son conseil, Me Trorial, peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Trorial renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Trorial d'une somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Trorial, avocate de MmeA..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Trorial renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de Mme A...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à Mme B...A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Heers, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 29 septembre 2017.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

M. HEERS

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03070
Date de la décision : 29/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : TRORIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-09-29;16pa03070 ?
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