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18/07/2017 | FRANCE | N°16PA02652

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 juillet 2017, 16PA02652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des résidents de Koutio-Secal (ARKSECAL) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 3 avril 2015 par lequel le maire de la commune de Dumbéa a autorisé la société immobilière de Nouvelle-Calédonie (SIC) à construire une résidence pour séniors sur le lot 110 du lotissement Secal-Koutio, ensemble la décision du 17 juillet 2015 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500393 du 10 juin 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calé

donie a rejeté cette demande et a mis à la charge de l'association une somme de 150 0...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des résidents de Koutio-Secal (ARKSECAL) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 3 avril 2015 par lequel le maire de la commune de Dumbéa a autorisé la société immobilière de Nouvelle-Calédonie (SIC) à construire une résidence pour séniors sur le lot 110 du lotissement Secal-Koutio, ensemble la décision du 17 juillet 2015 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500393 du 10 juin 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté cette demande et a mis à la charge de l'association une somme de 150 000 F CFP à verser à la commune de Dumbéa sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2016, l'association des résidents de Koutio-Secal (ARKSECAL), représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500393 du 10 juin 2016 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 avril 2015 par lequel le maire de la commune de Dumbéa a autorisé la société immobilière de Nouvelle-Calédonie (SIC) à construire une résidence pour séniors sur le lot 110 du lotissement Secal-Koutio, ensemble la décision du 17 juillet 2015 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Dumbéa une somme de 1 000 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D'une part, elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que sa requête était irrecevable faute de notification de ses recours gracieux et contentieux dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, car :

- ni les dispositions de l'article L. 778-2 du code de justice administrative ni le livre VI du code de l'urbanisme ne sont applicables en Nouvelle-Calédonie ;

- le juge administratif a toujours jugé que l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'était pas applicable en Nouvelle-Calédonie ; le revirement de jurisprudence du tribunal porte atteinte au principe de sécurité juridique ;

- elle a adressé son recours gracieux à un moment où l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'était pas applicable en Nouvelle-Calédonie et elle a régulièrement notifié le recours contentieux à la commune de Dumbéa ; elle pouvait s'émanciper de l'obligation de notifier ses recours gracieux et contentieux à la société immobilière de Nouvelle-Calédonie, puisque cette dernière n'est pas propriétaire du terrain et qu'elle agit en tant que mandataire de la commune de Dumbéa.

D'autre part, elle soutient que le permis de construire litigieux est illégal car :

- le terrain d'assiette du projet autorisé par le permis construire litigieux appartient au domaine public et n'a fait l'objet d'aucun déclassement ;

- le permis de construire litigieux méconnaît les dispositions du cahier des charges du lotissement.

Le 18 mai 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que la requête d'appel est irrecevable, faute d'avoir été notifiée dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.

Le 24 mai 2017, l'association des résidents de Koutio-Secal a présenté des observations en réponse à cette communication.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2017, la commune de Dumbéa, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 420 000 F CFP soit mise à la charge de l'association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, qui a le caractère d'une règle de procédure administrative contentieuse, est applicable en Nouvelle-Calédonie depuis le 1er janvier 2001 ; le recours gracieux de la requérante, remis à la commune le 2 juillet 2015, n'a pas été notifié à la SIC, seule titulaire du permis de construire litigieux et qui n'agit pas pour le compte de la commune ; faute de cette notification, le délai de recours contentieux n'a pu être prolongé, alors même que le permis de construire a été affiché en mairie le 3 avril 2015 et sur le terrain le 20 avril 2015, et la demande de première instance, présentée le 20 octobre 2015, était ainsi tardive ;

- la requête d'appel n'a pas non plus été notifiée conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les moyens soulevés à l'encontre du permis de construire ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son titre XIII ;

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, modifiée notamment par la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2000-389 du 4 mai 2000 ;

- l'avis du Conseil d'État n° 404007 du 22 février 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que l'association des résidents de Koutio-Secal (ARKSECAL) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 3 avril 2015 par lequel le maire de la commune de Dumbéa a autorisé la société immobilière de Nouvelle-Calédonie (SIC) à construire une résidence pour séniors sur le lot 110 du lotissement Secal-Koutio, ensemble la décision du 17 juillet 2015 rejetant son recours gracieux ; que par un jugement du 10 juin 2016, ce tribunal a rejeté sa requête comme irrecevable aux motifs, d'une part, qu'elle n'avait pas été régulièrement notifiée dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, qu'elle était tardive ;

En ce qui concerne l'applicabilité au litige des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de (...) recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un (...) permis de construire. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. " ;

3. Considérant, d'une part, que, comme l'a estimé le Conseil d'État dans son avis n° 404007 du 22 février 2017, l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction précitée, ayant été créé par le décret du 4 mai 2000, était, ainsi que le prévoit expressément ce décret, applicable en Nouvelle-Calédonie à compter du 1er janvier 2001, date de son entrée en vigueur ; que la publication régulière de la loi organique du 3 août 2009, si elle n'a pas changé sur ce point l'état du droit existant, a donné une publicité suffisante à l'applicabilité de cette règle de procédure administrative contentieuse en Nouvelle-Calédonie ; que, dans ces conditions, l'association des résidents de Koutio-Secal n'est pas fondée à soutenir qu'en opposant à ses recours gracieux et contentieux formés en 2015 les dispositions de cet article, le jugement litigieux aurait porté atteinte au principe de sécurité juridique ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour l'application des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme en Nouvelle-Calédonie, il y a lieu de regarder les permis de construire délivrés sur le fondement de la délibération n° 19 du 8 juin 1973 relative au permis de construire dans la province Sud et de la loi du pays n° 2015-1 du 13 février 2015 relative à la partie législative du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie, comme relevant, par analogie, de la catégorie des permis de construire institués par le code de l'urbanisme ;

En ce qui concerne le défaut de notification des recours gracieux et contentieux dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme :

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme que l'auteur d'un recours contentieux ou d'un recours gracieux dirigé contre un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation tel qu'il est désigné dans l'acte attaqué ou, à défaut, dans la demande d'autorisation ; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, la notification qu'elles prévoient peut être régulièrement faite à la personne pour le compte de laquelle l'autorisation est sollicitée, alors même que son nom n'apparaît ni dans l'acte attaqué, ni dans la demande d'autorisation ; qu'ainsi, notamment, lorsque l'autorisation a été demandée par le maître d'ouvrage délégué dans le cadre d'une convention conclue avec le maître d'ouvrage, défini comme la personne morale pour laquelle l'ouvrage est construit, la notification peut être faite soit au maître d'ouvrage, soit au maître d'ouvrage délégué qui a sollicité l'autorisation ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association des résidents de Koutio-Secal a procédé, dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de justice administrative, à la notification à la commune de Dumbéa de la requête déposée au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ; que la commune fait toutefois valoir que ni le recours gracieux du 2 juillet 2015, ni la requête auprès du tribunal administratif n'ont été régulièrement notifiés au titulaire de l'autorisation de construire, qui est la société immobilière de Nouvelle-Calédonie ; que l'association des résidents de Koutio-Secal soutient qu'elle n'était pas soumise à l'obligation de notifier ces recours à la société immobilière de Nouvelle-Calédonie, puisque cette dernière n'est pas propriétaire du terrain et qu'elle agit en tant que mandataire de la commune de Dumbéa ;

7. Considérant, toutefois, que la qualité de bénéficiaire d'une autorisation de construire, acte individuel créateur de droits, n'est pas nécessairement liée à la propriété du terrain d'assiette, dès lors que cette autorisation est délivrée sous couvert des droits des tiers ; qu'ainsi, la circonstance que la promesse de vente conclue entre la commune de Dumbéa et la société immobilière de Nouvelle-Calédonie n'aurait pas abouti est sans influence sur la qualité de bénéficiaire de l'autorisation de construire de cette société ; qu'en outre, aucun élément du dossier ne permet d'établir que la société immobilière de Nouvelle-Calédonie interviendrait, pour cette opération, en qualité de mandataire de la commune ; que, par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas soumise à l'obligation de notifier son recours gracieux du 2 juillet 2015 et sa demande d'annulation pour excès de pouvoir à la société immobilière de Nouvelle-Calédonie dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

En ce qui concerne la tardiveté de la demande de première instance :

8. Considérant que le permis de construire en litige a été affiché en mairie le 3 avril 2015 et sur le terrain de l'opération le 23 avril 2015 ; que le délai de recours contentieux expirait ainsi au plus tard le 24 juillet 2015 ; que l'association n'a saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie que le 20 octobre 2015 ; qu'en l'absence de sa notification dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, le recours gracieux n'a pu avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux ; que la demande, irrecevable du fait de l'absence de notification régulière au bénéficiaire de l'autorisation, était donc également, comme l'a jugé le tribunal administratif, tardive ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association des résidents de Koutio-Secal n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande comme irrecevable ;

Sur les frais de procédure :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association des résidents de Koutio-Secal, partie perdante, puisse en invoquer le bénéfice ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune présentée en appel et fondées sur les mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association des résidents de Koutio-Secal (ARKSECAL) est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Dumbéa fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des résidents de Koutio-Secal (ARKSECAL) et à la commune de Dumbéa.

Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juillet 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERT

Le président,

S. PELLISSIER

Le greffier,

A. LOUNIS La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02652
Date de la décision : 18/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Outre-mer - Droit applicable - Généralités.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Obligation de notification du recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SELARL DE GRESLAN-LENTIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-18;16pa02652 ?
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