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18/07/2017 | FRANCE | N°16PA00283

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 juillet 2017, 16PA00283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, qui a transmis cette demande au tribunal administratif de Paris, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté du 25 mai 1994 décidant son expulsion du territoire français et d'enjoindre au même ministre d'abroger cet arrêté et de lui délivrer un titre de séjour lui permettant de séjourner et de travailler régulièrement en France.

Par un jugement n° 1422177 du 30 novembre 2015,

le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, qui a transmis cette demande au tribunal administratif de Paris, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté du 25 mai 1994 décidant son expulsion du territoire français et d'enjoindre au même ministre d'abroger cet arrêté et de lui délivrer un titre de séjour lui permettant de séjourner et de travailler régulièrement en France.

Par un jugement n° 1422177 du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2016, M. B...C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1422177 du 30 novembre 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur refusant d'abroger l'arrêté du 25 mai 1994 décidant son expulsion du territoire français ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'abroger l'arrêté d'expulsion pris le 25 mai 1994 à son encontre et de lui délivrer un titre de séjour lui permettant de séjourner et de travailler régulièrement en France ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que

- la décision litigieuse est entachée d'erreur d'appréciation car il ne constitue plus une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sa situation satisfait aux conditions posées par l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il appartient au ministre d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 janvier 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que M.C..., né en juillet 1963, originaire de l'ancienne Yougoslavie, est entré en France avec ses parents en 1971 alors qu'il était âgé de huit ans ; qu'il a été condamné le 28 novembre 1990 par la cour d'assises de Colmar à cinq ans de réclusion criminelle dont une année avec sursis et trois ans de mise à l'épreuve en répression de faits de viol commis en janvier 1989 ; que le ministre de l'intérieur a, par un arrêté du 25 mai 1994, décidé, en application de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France alors en vigueur, d'expulser M. C... du territoire français au motif que son comportement constituait une menace d'une gravité telle que son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; que l'autorité administrative s'est trouvée dans l'impossibilité de procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à l'encontre du requérant, aucun des Etats issus de l'ex-Yougoslavie ne l'ayant reconnu comme l'un de ses ressortissants avant que l'ambassadeur de Bosnie Herzégovine en France n'informe le préfet du Haut-Rhin, le 9 mars 2012, que cet État reconnaissait désormais l'intéressé comme son ressortissant et qu'un laissez-passer pour s'y rendre pouvait lui être délivré ; que, toutefois, par une décision du 1er juillet 2013, intervenue à la demande de M. C..., le ministre de l'intérieur a décidé de prononcer l'assignation à résidence du requérant à titre " exceptionnel et probatoire " ; que M. C... a demandé en septembre 2014 au tribunal administratif de Strasbourg, qui a transmis cette demande au tribunal administratif de Paris, l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur refusant, en application des dispositions de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, l'abrogation de l'arrêté du 25 mai 1994 décidant son expulsion du territoire français ; que, par un jugement du 30 novembre 2015 dont l'intéressé relève régulièrement appel devant la Cour, ce tribunal a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 524-2 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 521-4, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. / (...) / A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours (...) " ;

3. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public sont de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a commis en janvier 1989 des faits de viol sous la menace d'une arme sur une jeune femme de dix-neuf ans au domicile des parents de cette dernière, dans lequel il avait fait irruption par effraction, faits pour lesquels il a été condamné à cinq années de réclusion criminelle dont une avec sursis et trois ans de mise à l'épreuve ; que, par ailleurs, par un jugement du tribunal correctionnel de Mulhouse du 10 mai 2012, M. C...a été condamné à un mois d'emprisonnement et six cents euros d'amende pénale pour conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique et détention, emploi et acquisition non autorisés de stupéfiants ; que si cette seconde condamnation pénale démontre que M. C...ne peut justifier, vingt ans après l'arrêté d'expulsion pris à son encontre, d'une insertion sociale exemplaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement de cet homme de 51 ans, résidant habituellement chez ses parents, constituait en 2014, à la date du refus d'abrogation litigieux, une menace pour l'ordre public justifiant le maintien de la mesure d'expulsion prise à son encontre le 25 mai 1994 ; qu'il s'ensuit que le ministre de l'intérieur a entaché sa décision de refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion d'une erreur d'appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision ministérielle implicite refusant d'abroger l'arrêté du 25 mai 1994 décidant son expulsion du territoire français ; que ce jugement et, par suite, cette décision, doivent donc être annulés ;

6. Considérant que l'annulation de la décision implicite refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. C...n'implique, dans les circonstances de l'espèce, aucune décision en matière de titres de séjour ou de travail mais implique nécessairement que le ministre de l'intérieur statue à nouveau, au regard des motifs du présent arrêt, sur le maintien de l'arrêté du 25 mai 1994 décidant l'expulsion de M. C... du territoire français ; qu'il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce nouvel examen, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du requérant fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tendant à ce que soit mise à la charge de l'État la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1422177 du 30 novembre 2015 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La décision implicite du ministre de l'intérieur refusant l'abrogation de l'arrêté du 25 mai 1994 décidant l'expulsion de M. C... du territoire français est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre d'État, ministre de l'intérieur, de statuer de nouveau sur le maintien de l'arrêté du 25 mai 1994 décidant l'expulsion de M. C...du territoire français, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juillet 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNIS La République mande et ordonne ministre d'État, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00283
Date de la décision : 18/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02-06 Étrangers. Expulsion. Abrogation.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : MEHL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-18;16pa00283 ?
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