Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 février 2015 par lequel la commune de Sucy-en-Brie a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Par un jugement n° 1501776 du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 17 février 2015.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 septembre 2015 et des mémoires complémentaires enregistrés le 18 janvier 2016, le 25 avril 2016, le 3 octobre 2016 et le 10 mars 2017, la commune de Sucy en Brie, représentée par Me Grau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501776 du 10 juillet 2015 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Sucy-en-Brie fait valoir que :
- le jugement est irrégulier car le principe du contradictoire a été méconnu ;
- la demande présentée par M. B...devant les premiers juges est irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt pour agir ;
- le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme et celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; il n'a pas pris en compte la volonté des auteurs du plan local d'urbanisme relative à la préservation de l'identité paysagère et architecturale de la zone UC et à l'insertion des projets d'urbanisme dans les lieux avoisinants ;
- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation, en ce que l'étude du projet de construction doit se faire au regard de la lecture combinée des dispositions des articles UC 11, UC 6 et UC 7 du plan local d'urbanisme ;
- ils ont également commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet est conforme aux dispositions de l'article UC 12 du plan local d'urbanisme, alors que l'accès aux places de stationnement n'est pas aisé et ne respecte pas la norme de référence NFP 91-120.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2015 et deux mémoires enregistrés le 1er septembre 2016 et le 15 mars 2017, M. B..., représenté par Me Estellon, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Sucy-en-Brie à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Grau, avocat de la commune de Sucy-en-Brie et de Me Estellon, avocat de M. B....
1. Considérant que M. B... a présenté une demande de permis de construire le 19 décembre 2014 pour la construction d'une maison individuelle de 110 m² au 4 rue Buffon à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne) ; que, par un arrêté du 17 février 2015, le maire de cette commune a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité au motif que le projet méconnaissait les articles R. 111-21 du code de l'urbanisme et UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme, ainsi que les dispositions de l'article UC 12 du même règlement ; que M. B... a formé, devant le tribunal administratif de Melun, un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de cet arrêté ; que, par un jugement du 10 juillet 2015, ce tribunal a annulé l'arrêté contesté et a enjoint au maire de Sucy-en-Brie de réexaminer la demande de permis de construire déposée par M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement ; que la commune de Sucy-en-Brie relève appel, devant la Cour, de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence " ; qu'aux termes de l'article R. 611-10 du même code : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige " ;
3. Considérant que la commune de Sucy-en-Brie soutient que le principe du contradictoire a été méconnu en première instance, en raison de la brièveté des délais qui lui ont été impartis pour répondre aux mémoires du requérant ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a été accordé à la commune un délai de soixante jours pour produire un mémoire en défense, à la suite du dépôt de la demande de M. B... le 11 mars 2015, puis un délai de sept jours pour répondre au mémoire en réplique de M. B... enregistré le 27 mai 2015, alors que l'instruction avait été close au 5 juin 2015 ; que, l'instruction ayant été rouverte à la suite du dépôt de son second mémoire le 4 juin, il est constant qu'elle n'a ensuite disposé que d'un délai de quatre jours pour répondre, ce qu'elle a fait le 22 juin, au mémoire en duplique du demandeur enregistré le 18 juin 2015 ; qu'il n'apparait pas, cependant, dans les circonstances de l'espèce et à ce stade d'avancement du débat contentieux, tandis que l'audience publique devait se tenir le 26 juin sans que les premiers juges soient tenus de décider de son report, que le principe du contradictoire a été méconnu ; que, par suite, la commune de Sucy-en-Brie ne peut utilement soutenir que le jugement contesté serait irrégulier ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la qualité pour agir en première instance de M. B... :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs (...). La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis " ; qu'il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 précité ; que les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis de construire, la validité de l'attestation établie par le demandeur, sauf dans le cas où cette autorité dispose d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de la demande, ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose d'aucun droit à la déposer ;
5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a régulièrement attesté, lors du dépôt de sa demande en vue de l'obtention du permis de construire, être habilité pour ce faire ; que la circonstance qu'il était seulement titulaire d'une promesse de vente signée le 8 décembre 2014 et que le propriétaire du terrain avait lui-même déposé une demande de permis de construire refusée le 24 novembre 2014, refus qu'il a contesté devant le tribunal administratif, n'était pas de nature à faire regarder M. B... comme dépourvu de titre pour déposer cette demande qui ne présente aucun caractère frauduleux ; que le refus de permis de construire du 17 février 2015 n'est d'ailleurs pas motivé par l'absence de qualité de son pétitionnaire pour le demander ;
6. Considérant, d'autre part, que la circonstance que la promesse de vente aurait été, du fait d'ailleurs du refus de permis de construire litigieux, caduque à la date à laquelle M. B... a saisi le tribunal administratif ne le rendait pas sans intérêt ou qualité pour contester devant le juge de l'excès de pouvoir ce refus opposé à sa demande, qui a produit des effets ;
7. Considérant dès lors que la commune de Sucy-en-Brie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée à la demande ;
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et des articles UC 6, UC 7 et UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune :
8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; que l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sucy-en-Brie rappelle les dispositions de cet article et ajoute : " Une harmonie doit être recherchée par un traitement cohérent et de qualité de toutes les façades des constructions principales comme des annexes (matériaux et coloration). Les constructions doivent s'insérer dans le paysage naturel et bâti. Cette intégration doit respecter la végétation existante, le site bâti ou non, le relief naturel du terrain. La construction tiendra compte de la pente du terrain (...). Les constructions nouvelles doivent avoir un aspect relationnel avec l'environnement (volumes du bâtiment, lignes des égouts de toiture, des corniches, des bandeaux et les dimensions, les proportions et le rythme des percements) (...). Les verticales domineront dans le rythme des façades perçues depuis l'espace public des rues et des places. Est interdit l'emploi à nu de matériaux destinés à être recouverts d'un revêtement ou enduit (briques creuses, parpaings...) " ;
9. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, rappelées par le règlement du plan local d'urbanisme de Sucy-en-Brie, que si les constructions projetées portent atteinte aux paysages avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ;
10. Considérant que le projet de construction de M. B... se situe dans un quartier pavillonnaire de Sucy-en-Brie sans caractéristiques particulières ; que si la commune de Sucy-en-Brie soutient que les dispositions de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme, ainsi que les dispositions des articles UC 6 et UC 7 relatifs aux conditions d'implantation des constructions par rapport aux voies et parcelles voisines, s'opposent à la réalisation d'une construction implantée d'une limite séparative à l'autre, discordante par rapport à l'homogénéité des lieux environnants constitués de larges parcelles qui permettent des marges et percées visuelles entre les constructions, il ressort des pièces du dossier, et notamment du constat d'huissier produit par M. B..., que le site d'implantation de la construction critiquée ne constitue pas un lotissement de pavillons semblables et comporte des constructions parfois édifiées en front bâti continu ou adossées deux à deux en limite latérale séparative, ce qu'autorisent les articles UC 6 et UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme ; que les vues aériennes du site et le plan cadastral révèlent des parcelles de tailles différentes, avec un bâti diversifié, sans homogénéité architecturale et paysagère particulière ; qu'il n'apparaît pas, dans le voisinage, d'implantation systématique en ordre discontinu ou en milieu de parcelle ; qu'ainsi le projet de construction de M. B..., qui ne s'adosse que d'un côté à une construction existante, ne porte pas atteinte par son implantation, son emprise ou sa volumétrie au caractère des lieux avoisinants ;
11. Considérant, d'autre part, que le projet de M. B...consiste en une maison individuelle d'un étage sur rez-de-chaussée, d'une surface de 110 m², construite en matériaux traditionnels et revêtue d'un enduit gratté ton pierre ; que son toit à deux pentes sera couvert des mêmes tuiles plates couleur ardoise que celui de la maison mitoyenne ; que si les menuiseries seront en PVC, les volets seront en bois peint à l'instar de ceux d'un certain nombre d'habitations implantées dans les lieux avoisinants ; que le volume et la forme générale de la construction seront similaires à ceux des constructions voisines ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le maire n'a pu sans erreur d'appréciation se fonder sur les articles R. 111-21 du code de l'urbanisme et UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme pour refuser le permis de construire sollicité par M.B... ;
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UC 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune :
13. Considérant qu'aux termes de l'article UC 12 du règlement du plan local d'urbanisme de Sucy-en-Brie : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations, doit être assuré en dehors des voies publiques. A cet effet, il devra être réalisé sur le terrain propre à l'opération, des aires de stationnement aisément accessibles, dont les normes sont définies ci-après (...). Habitation : 1 place par tranche de tranche de 80m² de surface de plancher avec un minimum de 2 places de logement (...). Le Document Technique Unifié (DTU) et la Norme Française en vigueur seront les normes de référence " ; qu'aux termes de la norme française NFP 91-20 en vigueur, les places de stationnement dites " en bataille " doivent bénéficier d'un emplacement de 5 mètres de longueur et 2,3 mètres de largeur et les places de stationnement dites " en épi 45° " doivent bénéficier d'un emplacement de 4,8 mètres de longueur et 2,2 mètres de largeur ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du plan de masse que deux places de stationnement en extérieur sont prévues dans le projet de M. B... ; qu'une de ces deux places sera réalisée en " bataille " et sera longue de 5 mètres et large de 3 mètres, tandis que l'autre place sera en " épi 45° ", longue de 5 mètres et large de 2,5 mètres ; qu'ainsi, les minimas fixés par la norme NFP 91-20 seront respectés ; que ces deux places sont facilement accessibles par un portail de trois mètres de large ouvrant sur la rue, alors que le plan local d'urbanisme n'interdit pas que l'accès à l'une des deux places de stationnement rattachées au même logement se fasse via l'autre place ; qu'ainsi le maire ne pouvait légalement s'opposer à l'autorisation sollicitée au motif de la méconnaissance de l'article UC 12 du plan local d'urbanisme ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Sucy-en-Brie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté de son maire en date du 17 février 2015 ;
Sur les frais de procédure :
16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sucy-en-Brie, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune présentées sur leur fondement, dès lors qu'elle est partie perdante dans la présente instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Sucy-en-Brie est rejetée.
Article 2 : La commune de Sucy-en-Brie versera la somme de 1 500 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sucy-en-Brie et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 juillet 2017.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 15PA03552