La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2017 | FRANCE | N°15PA04572;16PA01860

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 17 juillet 2017, 15PA04572 et 16PA01860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1) La société par actions simplifiée (SAS) Vale Nouvelle-Calédonie a demandé le

16 janvier 2015 au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'annulation de la décision en date du 3 octobre 2014 lui ayant refusé le bénéfice des dispositions de l'article 45.24 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, la restitution du crédit d'impôt formation au titre de l'année 2009, et la condamnation du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à lui payer 200 000 francs CFP au titre de l'article L. 7

61-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500018 du 17 septembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1) La société par actions simplifiée (SAS) Vale Nouvelle-Calédonie a demandé le

16 janvier 2015 au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'annulation de la décision en date du 3 octobre 2014 lui ayant refusé le bénéfice des dispositions de l'article 45.24 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, la restitution du crédit d'impôt formation au titre de l'année 2009, et la condamnation du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à lui payer 200 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500018 du 17 septembre 2015, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté les conclusions de la requête.

2) La société par actions simplifiée (SAS) Vale Nouvelle-Calédonie a demandé le

12 novembre 2015 au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'annulation de la décision en date du 3 août 2015 lui ayant refusé le bénéfice des dispositions de l'article 45.24 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, la restitution du crédit d'impôt formation au titre de l'année 2010, et la condamnation du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à lui payer 200 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500424 du 7 avril 2016, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté les conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

I) Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 15PA04572 les

15 décembre 2015 et 18 novembre 2016, la SAS Vale Nouvelle-Calédonie, représentée par le cabinet Bichot et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500018 du 17 septembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit d'impôt formation dont elle disposait au titre de l'année 2009, à l'expiration de l'année 2013 ;

2°) de prononcer le remboursement de ce crédit d'impôt à concurrence de la somme de 119 061 563 francs CFP, soit 997 735 euros ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- celui-ci est entaché d'une omission à statuer et d'une erreur de droit dans l'application des dispositions du paragraphe IV de l'article 45.24 du code des impôts dont le tribunal a omis de citer la dernière phrase ;

Sur le bien fondé du jugement :

- le crédit d'impôt formation et son régime fiscal de faveur s'agissant de l'impôt sur les sociétés ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, en l'absence de dispositions expresses en ce sens ;

- les dispositions de l'article 45.24 IV du code des impôts prévoient expressément la possibilité pour une entreprise ne payant pas d'impôt sur les sociétés de se faire rembourser le crédit d'impôt formation ; le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu'en l'absence de disposition indiquant expressément que les articles 45.24 et Lp 45 bis I du code des impôts organisait un régime de compatibilité, le cumul de différents régimes de faveur n'était dès lors pas susceptible de s'appliquer ;

- elle reste dans le champ de l'imposition, et n'a pas perdu la qualité d'assujettie du fait du régime d'exonération temporaire dont elle bénéficie ;

- il ne ressort pas des articles 45.24 et 45.25 du code des impôts que le mécanisme du crédit d'impôt formation doit être refusé aux sociétés bénéficiant par ailleurs d'un régime spécial délivré sur agrément ;

- le régime d'exonération temporaire prévu par les dispositions des articles Lp 45 bis 3 et

4 du code des impôts, est en réalité un régime d'abattement sur la base taxable ;

- l'agrément délivré à la société lui garantit dans son article 7 un régime de stabilité fiscale de sorte qu'elle ne soit pas soumise à un nouvel impôt après la délivrance de l'agrément, et aucune des dispositions de son agrément ne laisse entendre que les exonérations fiscales octroyées sont exclusives d'autres dispositions par ailleurs accordées en application dudit code aux entreprises ;

- aucun texte local ni aucune doctrine locale n'exclut la possibilité de cumuler différents régimes de faveur ;

- la réponse du 7 août 2012 de l'administration fiscale à la demande du 2 mai 2012 présentée par son cabinet d'audit, aux termes de laquelle le service a indiqué que si le crédit d'impôt formation ne peut être imputé en totalité sur l'impôt sur les sociétés au titre des cinq exercices de la période d'imputation, soit que les montants d'impôt sur les sociétés sont insuffisants pour absorber l'ensemble du crédit d'impôt, soit qu'il n'y ait aucun impôt sur les sociétés à payer du fait de déficits successifs, l'excédent d'impôts est alors restitué à la société au terme de cette période ;

- la législation fiscale et la doctrine fiscale métropolitaine prévoient que le dispositif de crédit d'impôt formation s'applique aux entreprises imposées d'après leur bénéfice réel et aux entreprises exonérées d'impôt sur les sociétés en application des régimes prévus en faveur des entreprises nouvelles, des jeunes entreprises innovantes, des entreprises situées en zone franche urbaines, dans une zone franche outre-mer ou dans une zone de revitalisation rurale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2016, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la SCP Delaporte, Briard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Vale Nouvelle-Calédonie la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II) Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 16PA01860, les

3 juin 2016 et 18 novembre 2016, la SAS Vale Nouvelle-Calédonie, représentée par le cabinet Bichot et associés demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500424 du 7 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit d'impôt formation dont elle disposait au titre de l'année 2010, à l'expiration de l'année 2014 ;

2°) de prononcer le remboursement de ce crédit d'impôt à concurrence de la somme de 22 270 105 francs CFP, soit 186 623 euros ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- celui-ci est entaché d'une omission à statuer et d'une erreur de droit dans l'application des dispositions du paragraphe IV de l'article 45.24 du code des impôts dont le tribunal a omis de citer la dernière phrase ;

Sur le bien fondé du jugement :

- le crédit d'impôt formation et son régime fiscal de faveur s'agissant de l'impôt sur les sociétés ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, en l'absence de dispositions expresses en ce sens ;

- les dispositions de l'article 45.24 IV du code des impôts prévoient expressément la possibilité pour une entreprise ne payant pas d'impôt sur les sociétés de se faire rembourser le crédit d'impôt formation ; le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu'en l'absence de disposition indiquant expressément que les articles 45.24 et Lp 45 bis I du code des impôts organisait un régime de comptabilité, le cumul de différents régimes de faveur n'était dès lors pas susceptible de s'appliquer ;

- il ne ressort pas des articles 45.24 et 45.25 du code des impôts que le mécanisme du crédit d'impôt formation doit être refusé aux sociétés bénéficiant par ailleurs d'un régime spécial délivré sur agrément ;

- elle reste dans le champ de l'imposition, et n'a pas perdu la qualité d'assujettie du fait du régime d'exonération temporaire dont elle bénéficie ;

- le régime d'exonération temporaire prévu par les dispositions des articles Lp 45 bis 3 et

4 du code des impôts, est en réalité un régime d'abattement sur la base taxable ;

- l'agrément délivré à la société lui garantit dans son article 7 un régime de stabilité fiscale de sorte qu'elle ne soit pas soumise à un nouvel impôt après la délivrance de l'agrément ;

- aucun texte local ni aucune doctrine locale n'exclut la possibilité de cumuler différents régimes de faveur ;

- aucune des dispositions de son agrément ne laisse entendre que les exonérations fiscales octroyées sont exclusives d'autres dispositions par ailleurs accordées en application dudit code aux entreprises ;

- elle se prévaut de la réponse du 7 août 2012 de l'administration fiscale à la demande du

2 mai 2012 présentée par son cabinet d'audit, aux termes de laquelle le service a indiqué que si le crédit d'impôt formation ne peut être imputé en totalité sur l'impôt sur les sociétés au titre des cinq exercices de la période d'imputation, soit que les montants d'impôt sur les sociétés sont insuffisants pour absorber l'ensemble du crédit d'impôt, soit qu'il n'y ait aucun impôt sur les sociétés à payer du fait de déficits successifs, l'excédent d'impôts est alors restitué à la société au terme de cette période ;

- la législation fiscale et la doctrine fiscale métropolitaine prévoient que le dispositif de crédit d'impôt formation s'applique aux entreprises imposées d'après leur bénéfice réel et aux entreprises exonérées d'impôt sur les sociétés en application des régimes prévus en faveur des entreprises nouvelles, des jeunes entreprises innovantes, des entreprises situées en zone franche urbaines, dans une zone franche outre-mer ou dans une zone de revitalisation rurale ;

- sa demande de restitution n'est pas constitutive d'un enrichissement sans cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2016, la Nouvelle-Calédonie, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Vale Nouvelle-Calédonie la somme de 500 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la

Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 de finances pour 1988 ;

- la loi du pays n° 2001-009 du 17 juillet 2001 ;

- le décret n° 88-427 du 25 avril 1988 pris pour l'application de l'article 69 de la loi de finances pour 1988 relatif au crédit d'impôt-formation professionnelle ;

- l'arrêté du gouvernement n° 02-653/GNC du 7 mars 2002 portant agrément de la

SA Goro-Nickel au bénéfice des dispositions des articles Lp 45 bis 1 à Lp 45 bis 6 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lescaut, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- les observations de Mes Couturier et Seguin avocats de la SAS Vale Nouvelle-Calédonie,

- et les observations de Me Masquart, avocat de la Nouvelle-Calédonie.

1. Considérant que la société par actions simplifiées (SAS) Vale Nouvelle-Calédonie, anciennement Goro-Nickel, qui exerce en Nouvelle-Calédonie une activité de métallurgie des minerais, a été agréée par l'arrêté susvisé en date du 7 mars 2002 au régime fiscal spécifique lié à la création d'une usine industrielle de traitement des minerais, prévu par les articles Lp 45 bis 1 à

Lp 45 bis 6 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, et bénéficie, depuis son exercice clos en 2002, d'une exonération totale de l'impôt sur les sociétés-Mines ; que celle-ci qui, conformément aux dispositions de l'article 45.11 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, a déposé ses déclarations annuelles de résultats, et le 3 mai 2010, en annexe à sa déclaration de résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2009, la déclaration spéciale prévue par l'article 45.25 du code des impôts ; qu'elle a demandé le 23 avril 2014 à bénéficier de la restitution du crédit d'impôt au titre de ses dépenses de formation professionnelle de l'exercice clos en 2009 pour un montant de 119 061 563 francs CFP, plafonné à 100 millions de francs CFP, conformément aux dispositions de l'article 45.24 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie ; qu'elle a également déposé en annexe à sa déclaration de résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2010, la déclaration spéciale prévue par l'article 45.25 du code des impôts et a demandé le 14 mai 2015 à bénéficier de la restitution du crédit d'impôt au titre de ses dépenses de formation professionnelle de l'exercice clos en 2010 pour un montant de 22 270 105 francs CFP, conformément aux dispositions de l'article 45.24 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie ; que la SAS Vale Nouvelle-Calédonie fait appel des jugements n° 1500018 du 17 septembre 2015 et n° 1500424 du 7 avril 2016 par lesquels le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes tendant à la restitution du crédit d'impôt formation pour les années 2009 et 2010 ;

2. Considérant que les requêtes susvisées n° 15PA04572 et n° 16PA01860, présentées pour la SAS Nouvelle-Calédonie présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant, d'une part, que si la société requérante soutient que le tribunal a omis de citer le paragraphe IV de l'article 45.24 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, il résulte des points 5 des deux jugements attaqués que le tribunal a cité dans leur intégralité les dispositions du paragraphe IV de l'article 45.24 de ce code ; que le moyen manque donc en fait ;

4. Considérant, d'autre part, que la SAS Vale Nouvelle-Calédonie fait valoir que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la restitution du crédit d'impôt lui est applicable de plein droit nonobstant la circonstance qu'elle n'a pas payé d'impôt sur les sociétés en application du paragraphe IV de l'article 45.24 du code de Nouvelle-Calédonie ; que, cependant et dès lors que les premiers juges ont interprété le IV de l'article 45.24 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie comme réservant le bénéfice du crédit d'impôt formation aux seules entreprises cotisant effectivement à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques et minières, ils doivent être regardés comme ayant, implicitement mais nécessairement, écarté, le moyen tiré de ce que l'absence de paiement de l'impôt sur les sociétés ne ferait pas obstacle à la restitution du crédit formation ; qu'ainsi, le tribunal n'a pas entaché d'irrégularité son jugement pour défaut de réponse à un moyen ; que, par ailleurs, en tout état de cause, les erreurs de droit commises par le tribunal, si elles sont susceptibles d'affecter le bien-fondé du jugement sont sans incidence sur la régularité de ce jugement et relèvent uniquement du contrôle opéré par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur les conclusions aux fins de remboursement du crédit d'impôt formation des années 2009 et 2010 :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 du code des impôts de la

Nouvelle-Calédonie sont passibles de l'impôt sur les sociétés : " Les entreprises, quelle que soit leur forme, qui exercent en Nouvelle-Calédonie : I. Des activités relevant soit de l'exploration, soit de l'extraction, soit de l'extraction et de l'exportation des substances concessibles ; II. Des activités relevant de la métallurgie des minerais : recherche, exploitation, traitement physique ou chimique des minerais, ainsi que, le cas échéant, transformation des produits semi-finis, exportation des produits de l'exploitation : minerais, produits semi-finis et produits finis " ; qu'aux termes de l'article Lp 45.24 de ce même code : " I. Les entreprises visées à l'article 3 peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre de leurs dépenses de formation professionnelle. Ce crédit d'impôt est égal à 30% de l'excédent des dépenses de formation exposées dans l'année, visées au II, par rapport au montant de la participation au financement de la formation professionnelle continue obligatoire. Il est plafonné à 100 millions de francs par année pour les entreprises dont l'activité relève de la métallurgie des minerais et à 50 millions de francs par année pour les entreprises soumises à la fiscalité minière (...). IV. Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt dû au titre de l'année au cours de laquelle l'entreprise a réalisé l'excédent visé au I. S'il excède l'impôt dû, le crédit d'impôt non imputé est utilisé pour le paiement de l'impôt dû au titre des exercices clos au cours des 4 années qui suivent. A l'issue de cette période, le montant non imputé est restitué " ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article Lp 45 bis 1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " les entreprises dont les activités relèvent de la métallurgie des minerais telle que définie à l'article 3-II du présent code et qui s'engagent à réaliser en Nouvelle-Calédonie des investissements permettant la création d'une usine industrielle de traitement physique ou chimique du minerai du nickel et/ou des minerais associés au nickel tels que le cobalt et le chrome, peuvent bénéficier pendant la phase de construction de l'usine et pendant la phase de son exploitation, d'avantages fiscaux dans les conditions et limites définies ci- après " ; qu'en vertu des dispositions de l'article Lp 45 bis 2 créé par la loi du pays n° 2001-009 du 17 juillet 2001 : " - Art. 2 : Conditions d'éligibilité : I - Les entreprises doivent justifier d'un engagement de programme d'investissements d'un montant au moins égal à 50 milliards de francs qui doit conduire à la création en Nouvelle-Calédonie d'un minimum de 500 emplois directs. II - Le programme d'investissements est agréé par un arrêté du gouvernement, celui-ci définit et précise 1° l'objet, le programme d'investissements et le nombre d'emplois créés par l'entreprise, ainsi que les obligations mises à sa charge qui devront inclure les réglementations provinciales en matière d'environnement et d'installations classées ; 2° l'étendue, le point de départ et la durée des avantages qui sont accordés en application des articles Lp 45 bis 3 et Lp 45 bis 4 ; III - Lorsque les engagements souscrits en vue d'obtenir l'agrément ne sont pas exécutés ou lorsque les conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné ne sont pas remplies, cette inexécution entraîne le retrait de l'agrément, qui est prononcé par un arrêté du gouvernement. Le retrait d'agrément peut être total ou partiel et imposer le règlement, total ou partiel, des impôts, droits et taxes non-acquittés en application de la décision d'agrément, majorés de l'intérêt de retard prévu à l'article 1052. " ; qu'aux termes enfin de l'article Lp 45 bis 3 du même code : " (...). Les entreprises dont l'investissement est agréé peuvent bénéficier pendant la phase de construction de l'usine, de l'exonération des impôts, droits et taxes suivants : / (...) / 1°) impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières ; (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 3 et Lp 45.24 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie que les entreprises qui relèvent du régime de l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières bénéficient d'un crédit d'impôt au titre de leurs dépenses de formations professionnelles de l'année égal à 30 % de l'excédent des dépenses de formation exposées, plafonné à la somme de 100 millions de francs pour les entreprises dont l'activité relève de la métallurgie des minerais et à 50 millions de francs par année pour les entreprises soumises à la fiscalité minière ; que l'article Lp 45 bis 1 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie issu de la loi du pays n° 2001-9 du 17 juillet 2001 qui prévoit que : " les entreprises dont les activités relèvent de la métallurgie des minerais telle que définie à l'article 3-II du présent code et qui s'engagent à réaliser en Nouvelle-Calédonie des investissements permettant la création d'une usine industrielle de traitement physique ou chimique du minerai du nickel et/ou des minerais associés au nickel tels que le cobalt et le chrome, peuvent bénéficier pendant la phase de construction de l'usine et pendant la phase de son exploitation " a entendu mettre en place une fiscalité adaptée aux usines de traitement de nickel afin de favoriser les projets métallurgiques consistant en un régime d'exonération notamment de l'impôt sur les sociétés, pendant la phase de construction et la phase d'exploitation, à l'issue desquelles il est prévu que les industries ayant bénéficié de ce régime fiscal soient soumises au régime de droit commun lorsque le seuil de rentabilité sera atteint ou au plus tard 15 ans après ; qu'il est constant que la SAS Vale Nouvelle-Calédonie, dont le programme d'investissements a été spécifiquement agréé par un arrêté du gouvernement de Nouvelle-Calédonie du 7 mars 2002, bénéficie aux termes de cet arrêté d'une exonération de l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques et minières tel que défini à l'article 3 du code des impôts de la

Nouvelle-Calédonie, pendant une durée maximale de quinze ans en application des dispositions des articles Lp 45 bis 3 et suivants ;

8. Considérant que la SAS Vale Nouvelle-Calédonie soutient qu'elle serait en droit de cumuler l'exonération d'impôt sur les sociétés résultant de son régime fiscal spécifique, avec le dispositif du crédit d'impôt-formation restituable visé aux articles 45.24 et 45.25 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dès lors que la loi n'exclurait pas expressément cette possibilité de cumul ; que, cependant, en précisant de manière explicite que le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt dû, ou est utilisé pour le paiement de l'impôt dû au titre des exercices clos au cours des quatre années qui suivent, le paragraphe IV de l'article 45.24 du code des impôts a entendu subordonner expressément le bénéfice du crédit formation par imputation sur le paiement effectif de l'impôt sur les sociétés, alors qu'il résulte, par ailleurs, des dispositions combinées des articles Lp 45 bis 1 à Lp 45 bis 6 du code des impôts que le législateur a seulement entendu conserver au contribuable la possibilité d'imputer sa créance sur les futures cotisations d'impôt sur les sociétés dues à la date à laquelle la SAS Vale Nouvelle-Calédonie perdra le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions des articles Lp 45 bis 1 et suivants de ce même code ; que, par suite, la SAS Vale Nouvelle-Calédonie, quand bien même celle-ci entre bien dans le champ d'application de cet impôt, n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées ne sauraient être interprétées comme subordonnant le bénéfice du remboursement du crédit d'impôt au versement effectif de l'impôt sur les sociétés, et que c'est à tort que l'administration lui a refusé le remboursement de ce crédit d'impôt formation, à défaut d'avoir pu l'imputer sur les quatre exercices déficitaires suivant les exercices 2009 et 2010 au cours desquels ont été constatées les dépenses de formation ;

9. Considérant qu'en faisant valoir que sa demande de restitution ne serait pas constitutive d'un enrichissement sans cause, la société doit être regardée comme soutenant que le principe de l'enrichissement sans cause était, en l'espèce, sans application et ne pouvait s'opposer à la restitution du crédit d'impôt en litige ; que, cependant, et dès lors qu'il résulte du point 10 que la société ne pouvait prétendre à cette restitution, un tel moyen ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant que la société entend se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article Lp 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, de la réponse du 7 août 2012 de l'administration fiscale à la demande du 2 mai 2012 de son cabinet d'audit KPMG, aux termes de laquelle le service lui a indiqué que si le crédit d'impôt formation ne peut être imputé en totalité sur l'impôt sur les sociétés au titre des cinq exercices de la période d'imputation, soit que les montants d'impôt sur les sociétés sont insuffisants pour absorber l'ensemble du crédit d'impôt, soit qu'il n'y ait aucun impôt sur les sociétés à payer du fait de déficits successifs, l'excédent d'impôts est alors restitué à la société au terme de cette période ; que, cependant, eu égard aux règles qui régissent l'invocabilité des interprétations ou des appréciations de l'administration en vertu des dispositions de l'article Lp 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, lesquelles sont d'interprétation stricte, la société SAS Vale Nouvelle-Calédonie ne peut utilement se prévaloir de cette réponse dans laquelle l'administration n'envisage pas l'hypothèse d'une exonération de l'imposition, alors au surplus que la SAS Vale Nouvelle-Calédonie n'établit pas que la demande de la société KPMG aurait été déposée en son nom ;

11. Considérant que si la SAS Vale Nouvelle-Calédonie se prévaut de la doctrine administrative métropolitaine relative notamment à l'application du crédit d'impôt formation issu de l'article 69 de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987, abrogé depuis 2004 et qui aurait été reprise à l'article 244 quater M du code général des impôts pour la formation des dirigeants, un tel moyen est inopérant dès lors que ces dispositions du code général des impôts ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Vale Nouvelle-Calédonie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes de remboursement des crédits d'impôt au titre des années 2009 et 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement des sommes demandées par la SAS Vale

Nouvelle-Calédonie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Vale

Nouvelle-Calédonie le versement des sommes demandées par la Nouvelle-Calédonie sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la SAS Vale Nouvelle-Calédonie sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Vale Nouvelle-Calédonie et à la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2017.

Le rapporteur,

C. LESCAUTLe président,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

Nos 15PA04572, 16PA01860


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04572;16PA01860
Date de la décision : 17/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-09 Contributions et taxes. Incitations fiscales à l'investissement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : CABINET BICHOT ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-17;15pa04572 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award