La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2017 | FRANCE | N°15PA02979

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 17 juillet 2017, 15PA02979


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Bramick a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2002 mises en recouvrement par rôle n° 449 du 2 février 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400383 du 24 mars 2015, le Tribunal administratif de la

Polynésie française a déchargé la SCI Bramick des cotisations supplémen

taires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Bramick a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2002 mises en recouvrement par rôle n° 449 du 2 février 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400383 du 24 mars 2015, le Tribunal administratif de la

Polynésie française a déchargé la SCI Bramick des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002, ainsi que des pénalités y afférentes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 31 juillet 2015 et le 6 octobre 2016, la Polynésie française, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1400383 du 24 mars 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a entièrement fait droit à la demande de décharge de la SCI Bramick en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002 ;

2°) de remettre à la charge de la SCI Bramick les cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002, ainsi que des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Bramick le versement d'une somme de 1 844 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête introductive d'instance enregistrée le 15 juillet 2014 était irrecevable pour tardiveté dès lors qu'elle est intervenue au-delà du délai de trois mois fixé par les dispositions de l'article 611-8 du code des impôts polynésien à compter de la réception le 20 avril 2012 de la décision de rejet du 5 avril 2012 du président de la Polynésie française de la réclamation contentieuse préalable présentée par la société du 26 mai 2011 ; qu'en effet, l'absence de nouvelle réponse à la nouvelle demande de dégrèvement présentée par la société le 23 décembre 2013 ne constitue pas une nouvelle décision susceptible de faire l'objet d'un recours ;

- à titre subsidiaire, sur la régularité du jugement le Tribunal a omis de statuer sur l'irrecevabilité de la requête soulevée d'office ;

- sur le bien fondé des impositions et pénalités en litige, l'année 2002 n'était pas prescrite dès lors que le délai de reprise de l'administration court à compter de la date à laquelle elle a constaté les manquements des investisseurs ; que la réglementation ne fait naître qu'à compter de la date de la délivrance de l'autorisation de travaux immobiliers, les conditions à vérifier, soit la réalisation effective de la construction autorisée qui doit être justifiée par la délivrance du certificat de conformité et la production des pièces justificatives du prix de revient du programme, d'une part, et la régularité des financements levés qui doivent procéder de la réelle capacité financière de l'investisseur et être directement affectés à la construction, d'autre part ; que, cependant, le point de départ du délai de reprise de l'administration est la date de délivrance du permis de construire ou celle où elle a pu constater le manquement ; que le délai de reprise de trois ans s'exerçait donc à partir du 4 septembre 2008, date de la délivrance du permis de construire et expirait ainsi le 31 décembre 2011 ; que la notification de redressement du 5 novembre 2010 a donc pu valablement interrompre la prescription ; qu'en application de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi de la convention ou de la force majeure ;

- le montage opéré est frauduleux et le principe de sécurité juridique ne peut pas s'appliquer ;

- les intérêts de retard et les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont été appliqués à bon droit.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2015 et 23 octobre 2016, la SCI Bramick, représentée par Me A...et Me Deloraine, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- faute de réponse du président de la Polynésie française dans le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article 611-7 du code des impôts, le rejet d'une première réclamation ne fait pas obstacle à ce que le contribuable présente dans le délai de réclamation une ou plusieurs réclamations ; que son recours n'était dès lors pas tardif ;

- que c'est en 2002, et non en 2006 qu'elle a procédé à un apport financier en compte courant de 30 000 000 francs CFP au profit de la société Povea III ;

- en application de l'article 374-1 6° du code des impôts en vigueur en 2002, sont considérés comme des financements donnant droit à un crédit d'impôt l'apport en compte courant d'associé de sommes non rémunérées dans la société de promotion ; que le délai d'obtention du permis de construire de six ans a conduit la société à protéger ses avoirs et à garantir l'organisme prêteur sollicité, en obtenant une garantie fiscale auprès de la société de promotion Povea III sous la forme d'un contrat de nantissement du 8 septembre 2006 pour la totalité du financement ; les fonds bloqués en 2006 ont procuré à la société promoteur des produits financiers alors que son compte-courant n'était pas rémunéré et qu'elle supportait la charge financière des emprunts contractés pour réaliser son investissement ;

- les crédits d'impôt procèdent d'une exacte application de l'article 375-1 du code des impôts applicable en 2002, lequel ne contient aucune précision sur les modalités d'utilisation des fonds recueillis par le promoteur et n'encadre pas le régime des abandons d'une partie des financements accordés ; elle s'est comportée en véritable investisseur puisque sur son apport en compte courant de 2002 d'un montant de 30 000 000 francs CFP, elle a abandonné au profit de la société Povéa III 20 % de ce compte courant, soit la somme de 6 000 000 francs CFP ;

- l'année 2002 était prescrite.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la délibération n° 2002-161 APF du 5 décembre 2002 modifiant le code des impôts directs en ce qui concerne le dispositif d'incitation fiscale au financement de projets de construction immobilière à vocation hôtelière ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lescaut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Deloraine, avocat de la SCI Bramick.

1. Considérant que le service des contributions de la Polynésie française a remis en cause le crédit d'impôt sur les transactions dont la société civile immobilière (SCI) Bramick avait bénéficié lors de l'année 2002, au titre du financement à hauteur

de 1 625 000 000 francs CFP d'un projet de construction d'une résidence hôtelière réalisé par la société Poeva III ; que, par un jugement du 24 mars 2015, le Tribunal administratif a accordé la décharge des cotisations supplémentaires d'imposition sur les transactions et des pénalités y afférentes sollicitée par la SCI Bramick au titre de l'exercice 2002 et rejeté le surplus de sa demande ; que la Polynésie française fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la notification par le président du tribunal administratif d'un moyen d'ordre public, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ne peut être utilement critiquée lorsque les premiers juges n'ont pas retenu ce moyen ; qu'il ressort des termes du jugement que ceux-ci n'ont pas rejeté les conclusions de la requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles

la SCI Bramick a été assujettie en se fondant sur l'irrecevabilité de celles-ci, que le président du tribunal administratif avait indiqué comme étant susceptible d'être soulevée d'office ; que, par suite, le Tribunal, qui a ainsi finalement renoncé à se fonder sur ce moyen, n'était pas tenu de se prononcer sur son bien-fondé, et n'a, par suite, pas entaché son jugement d'irrégularité de ce chef ;

Sur le bien fondé des impositions :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 375-1 du code des impôts de Polynésie française dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les personnes assujetties à l'impôt sur les transactions bénéficient d'un crédit d'impôt de 60 % pour tout financement égal ou supérieur à 10 millions de francs réalisé dans un projet de construction à vocation hôtelière d'un coût total égal ou supérieur à 200 millions de francs (...) ;/ Sont considérés comme financements au sens du présent article, les souscriptions d'actions et de parts en numéraire, (...), effectués lors de la constitution ou de l'augmentation du capital de la société réalisant le projet, ainsi que les apports en compte courant non rémunérés dans la dite société, le financement étant réputé effectué à la date de libération du capital ou à la date de versement effectif des fonds. (...). / (...) Ces avantages sont remis en cause, et l'impôt dont le crédit a été préalablement accordé devient immédiatement exigible, nonobstant le cas échéant, l'expiration des délais de prescription, dans les circonstances suivantes : - non-respect des conditions prévues par les dispositions du présent article (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 451-1 du code des impôts de

Polynésie française, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ou la liquidation des impôts et taxes visés au présent code ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des impositions, dans l'application des tarifs ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. " ; qu'aux termes de l'article 451-3 du même code : " Toute notification motivée de redressement est interruptive de prescription. (...) " ;

5. Considérant, qu'ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges aucun principe constitutionnel ni aucun principe général du droit ne font obstacle à l'application d'un délai de prescription lorsque le bénéfice d'un dispositif fiscal favorable a été obtenu par fraude ;

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la Polynésie française, les dispositions précitées de l'article 375-1 du code des impôts de la Polynésie française ne peuvent être regardées comme réservant implicitement l'application de la prescription trentenaire de droit commun alors prévue par le code civil ;

7. Considérant que l'administration disposait, en application de l'article 451-1 du code des impôts, d'un délai expirant au plus tard, s'agissant de l'année 2002, le 31 décembre 2005 pour réparer les omissions et insuffisances constatées dans l'assiette ou la liquidation de l'impôt sur les transactions au titre de l'année 2002 ; que la notification de redressements portant sur les impositions en litige, intervenue le 8 décembre 2010, soit après l'expiration du délai de prescription, n'a pu interrompre celui-ci ; que l'administration invoque comme point de départ du délai de reprise de trois ans, la date à laquelle elle a été en mesure d'avoir connaissance des manquements du contribuable à ses obligations, soit en l'espèce la date à laquelle la SCI Povea III a obtenu le permis de construire le 4 septembre 2008 ; que, toutefois, en tout état de cause, l'administration fiscale était en mesure dès l'imputation du crédit d'impôt de demander à la société de justifier des conditions dans lesquelles elle avait imputé ces crédits d'impôts et de constater que les conditions dans lesquelles les sommes avaient été prêtées par la banque qui ne permettaient pas de financer le projet de construction ; qu'aucune disposition ne prévoit par ailleurs que la délivrance du permis de construire peut constituer un fait générateur susceptible de faire courir le délai de reprise de l'administration ; que, dès lors, la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que la prescription ne lui était pas opposable ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la Polynésie française, que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la

Polynésie française a déchargé la SCI Bramick des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions en droits et pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de

la SCI Bramick présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la Polynésie française est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SCI Bramick présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Bramick et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2017.

Le rapporteur,

C. LESCAUTLe président,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 15PA02979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02979
Date de la décision : 17/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : MALKA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-17;15pa02979 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award