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17/07/2017 | FRANCE | N°15PA02966;15PA03199

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 17 juillet 2017, 15PA02966 et 15PA03199


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) CIPE a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009, mises en recouvrement par rôles n° 444, 445, 446, 447 et 448 du 2 février 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400359 du 24 mars 2015, le Tribunal administratif de la Polynésie française a déch

argé la SCI CIPE des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) CIPE a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009, mises en recouvrement par rôles n° 444, 445, 446, 447 et 448 du 2 février 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400359 du 24 mars 2015, le Tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé la SCI CIPE des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, ainsi que des pénalités y afférentes, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

I) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juillet 2015 et le 7 octobre 2016, la Polynésie française, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1400359 du 24 mars 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française déchargeant la SCI CIPE des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre à la charge de la SCI CIPE les cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, ainsi que des pénalités y afférentes ;

3°) de rétablir la SCI CIPE au rôle de l'impôt sur les transactions au titre des années 2004 et 2005 en droits et pénalités ;

4°) de mettre à la charge de la SCI CIPE le versement d'une somme de 1 844 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête introductive d'instance enregistrée le 15 juillet 2014 est irrecevable pour tardiveté dès lors qu'elle est intervenue au-delà du délai de trois mois fixé par les dispositions de l'article 611-8 du code des impôts polynésien à compter de la réception le 20 avril 2012 de la décision de rejet du 5 avril 2012 du président de la Polynésie française de la réclamation contentieuse préalable présentée par la société du 26 mai 2011 ; qu'en effet, l'absence de nouvelle réponse à la nouvelle demande de dégrèvement présentée par la société le 23 décembre 2013 ne constitue pas une nouvelle décision susceptible de faire l'objet d'un recours ;

- à titre subsidiaire, sur la régularité du jugement le Tribunal a omis de statuer sur l'irrecevabilité de la requête soulevée d'office ; sur le bien-fondé des impositions et pénalités en litige, les années 2004 et 2005 ne sont pas prescrites dès lors que le délai de reprise de l'administration court à compter de la date à laquelle elle a constaté les manquements des investisseurs ; que la réglementation ne fait naître qu'à compter de la date de la délivrance de l'autorisation de travaux immobiliers, les conditions à vérifier, soit la réalisation effective de la construction autorisée qui doit être justifiée par la délivrance du certificat de conformité et la production des pièces justificatives du prix de revient du programme, d'une part, et la régularité des financements levés qui doivent procéder de la réelle capacité financière de l'investisseur et être directement affectés à la construction, d'autre part ; que, cependant, le point de départ du délai de reprise de l'administration est la date de délivrance du permis de construire ou celui où elle a pu constater le manquement ; que le délai de reprise de trois ans s'exerçait donc à partir du 4 septembre 2008, date de la délivrance du permis de construire et expirait ainsi le 31 décembre 2011 ; que la notification de redressement du 5 novembre 2010 a donc pu valablement interrompre la prescription ; qu'en application de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi de la convention ou de la force majeure ;

- le montage opéré est frauduleux et le principe de sécurité juridique ne peut s'appliquer ;

- les intérêts de retard et les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont été appliqués à bon droit.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 décembre 2015 et le 23 octobre 2016, la SCI CIPE, représentée par Mes Malka et Deloraine, conclut au rejet de la requête, à l'infirmation du jugement pour ce qui concerne le rejet de sa demande en décharge du crédit d'impôt au titre des exercices 2007, 2008, et 2009, et à ce qu'il soit mis à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son recours devant le Tribunal administratif de la Polynésie française n'était pas tardif faute de réponse du président de la Polynésie française dans le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article 611-7 du code des impôts ; le rejet d'une première réclamation ne fait pas obstacle à ce que le contribuable présente dans le délai de réclamation une ou plusieurs réclamations dont le rejet permet de saisir le tribunal administratif alors même que le délai serait expiré pour contester la première décision de rejet ;

- en application de l'article 374-1 6° du code des impôts en vigueur en 2002, sont considérés comme des financements donnant droit à un crédit d'impôt l'apport en compte courant d'associé de sommes non rémunérées dans la société de promotion ; le délai d'obtention du permis de construire de six ans a conduit la société à protéger ses avoirs et à garantir les organismes prêteurs sollicités, en obtenant une garantie fiscale auprès de la société de promotion Povea III sous la forme de gages-espèces pour la totalité du financement apporté ;

- les crédits d'impôt ne procèdent pas d'un montage frauduleux mais d'une exacte application de l'article 375-1 du code des impôts applicable en 2002, lequel ne contient aucune précision sur les modalités d'utilisation des fonds recueillis par le promoteur et n'encadre pas le régime des abandons d'une partie des financements accordés ; elle s'est comportée en véritable investisseur dans le cadre du projet SARAH NUI, régulièrement mené à son terme, puisque sa participation financière a été effective du fait de la mise à disposition du promoteur POEVA III d'un compte courant non rémunéré de 21 000 000 francs CPF, et de l'abandon à son profit de 20 % de ce compte courant ; la circonstance que le solde de son compte courant n'ait pas été effectivement mobilisé par la société POEVA III procède d'arbitrages effectués par cette société dans le cadre de la gestion de sa trésorerie ;

- le montage n'est pas frauduleux dès lors que c'est le délai d'obtention du permis de construire de six ans qui l'a conduit à garantir les organismes prêteurs sollicités, en obtenant une garantie fiscale auprès de la société de promotion POEVA III sous la forme de gages-espèces pour la totalité du financement apporté ;

- s'agissant de la prescription, les manquements constatés à l'origine des redressements ne sont pas liés à la délivrance du permis de construire mais, selon l'analyse du service, au montage qu'elle considère comme frauduleux, à partir du blocage des sommes apportées en compte-courant, en garantie des prêts contractés par les investisseurs ; la prescription était acquise lors de la notification de redressements du 5 novembre 2010 pour les exercices 2004 et 2005, le point de départ du délai de reprise de l'administration étant le jour du fait générateur de l'impôt, soit s'agissant de l'impôt sur le revenu, le 31 décembre de l'année au titre de laquelle l'imposition est due et non la date à laquelle l'administration aurait eu connaissance de non-respect des engagements.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de se fonder sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident de la SCI CIPE, au titre des exercices 2007, 2008 et 2009, tendant à la décharge du crédit d'impôt fondé sur les dispositions de l'article 375-1 du code des impôts, dès lors que portant sur des années d'imposition ne faisant pas l'objet de l'appel principal, il constitue un litige distinct.

La SCI CIPE a répondu, par un mémoire enregistré le 23 mai 2017, au moyen d'ordre public soulevé par la Cour.

Elle soutient que la requête, enregistrée le 5 août 2015, sous le n° 15PA03199, vaut appel principal contre le jugement n° 1400359 rendu le 24 mars 2015 par le Tribunal administratif de la Polynésie française, en tant qu'il a considéré que l'administration fiscale était fondée à annuler les crédits d'impôts, obtenus par la SCI CIPE au titre des années 2007, 2008 et 2009.

II) Par une requête, enregistrée le 5 août 2015, sous le n° 15PA03199, et deux mémoires, enregistrés les 14 décembre 2015 et 3 février 2016, la société civile immobilière (SCI) CIPE, représentée par Me A...puis Mes Malka et Deloraine, demande à la Cour :

1°) de confirmer l'article 1er du jugement n° 1400359 du 24 mars 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1400359 du 24 mars 2015 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

3°) de prononcer la décharge en droit et intérêts des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions qui lui sont réclamées au titre des années 2007, 2008 et 2009 ainsi que des pénalités y afférentes ;

4°) de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application de l'article Lp 451-1 du code des impôts, les redressements étaient prescrits ;

- les redressements effectués par le service sont entachés d'erreur de droit dès lors que le service a fait application, à tort, de textes applicables postérieurement aux exercices redressés ;

- en application de l'article 375-1 alinéa 6 du code des impôts dans sa version applicable en 2002, elle a participé à une opération de défiscalisation en versant au compte courant de la société de promotion Povea III la totalité du financement dans le but de financer un projet immobilier dénommé Sarah Nui pour lequel la société Poeva III a déposé le

24 décembre 2002 à la mairie de Papeete une demande de permis de construire référencée sous le n° 02-190/PC, et obtenu une autorisation de construire le 4 septembre 2008 sous le

n° 02-190-3 ; son financement était réel ; le montage financier a seulement été mis en place pour préserver les investisseurs du risque lié à l'opération ; le projet est éligible au régime du crédit d'impôt prévu par les articles 374-1 et 375-1 du code des impôts ; il n'y a eu aucune fraude à la loi ;

- le délai de reprise est de trois ans pour les années 2004 et 2005 ;

- les majorations de 80 % ne sont pas justifiées faute d'avoir participé à une fraude au dispositif d'incitation fiscale à l'investissement prévu par les dispositions de l'article 375-1 du code des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 6 octobre 2016, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par MeB..., conclut :

1°) à l'annulation du jugement n° 1400359 du 24 mars 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a déchargé la SCI CIPE des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) à ce qu'il soit remis à la charge de la SCI CIPE les cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, ainsi que les pénalités y afférentes ;

3°) de rétablir la SCI CIPE au rôle de l'impôt sur les transactions au titre des années 2004 et 2005 en droits et pénalités ;

4°) de rejeter la requête de la SCI CIPE ;

5°) de mettre à la charge de la SCI CIPE le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les redressements effectués par le service ne sont pas entachés d'erreur de droit dès lors qu'ont été appliqués les articles 374-1 et 375-1 du code des impôts en vigueur lors des années en litige, lesquels sont ceux applicables en l'espèce ;

- le montage de la société est frauduleux.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident du gouvernement de la Polynésie française tendant à l'annulation du jugement n° 1400359 du 24 mars 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a déchargé la SCI CIPE des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, et des pénalités y afférentes, et à ce qu'il soit remis à la charge de la SCI CIPE les cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, ainsi que les pénalités y afférentes, dès lors que portant sur des années d'imposition ne faisant pas l'objet de l'appel principal, cet appel incident constitue un litige distinct.

La SCI CIPE a répondu, par un mémoire enregistré le 1er juin 2017, au moyen d'ordre public soulevé par la Cour.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- la délibération n° 2002-161 APF du 5 décembre 2002 modifiant le code des impôts directs en ce qui concerne le dispositif d'incitation fiscale au financement de projets de construction immobilière à vocation hôtelière ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lescaut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Deloraine, avocat de la SCI CIPE.

1. Considérant que le service des contributions de la Polynésie française a remis en cause le crédit d'impôt sur les transactions dont la société civile immobilière (SCI) CIPE avait bénéficié lors des années 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009, sur le fondement des dispositions de l'article 375-1 du code des impôts de Polynésie française, au titre du financement à hauteur de 1 625 000 000 francs CFP d'un projet de construction d'une résidence hôtelière porté et réalisé par la société Poeva III ; que, par un jugement du 24 mars 2015, le tribunal administratif a accordé, en son article 1er, la décharge des cotisations supplémentaires d'imposition sur les transactions et des pénalités y afférentes sollicitée par la SCI CIPE au titre des exercices 2004 et 2005 et rejeté, en son article 2, le surplus de sa demande ; que, par la requête 15PA02966, la Polynésie française fait appel de l'article 1er de ce jugement et demande que soit remis à la charge de la SCI CIPE les rappels d'impôts sur les sociétés au titre des exercices 2004 et 2005 ; que, par un appel incident, la SCI CIPE demande l'annulation de l'article 2 de ce même jugement rejetant le surplus de sa demande en décharge des rappels d'impôt sur les transactions au titre des exercices 2007, 2008 et 2009 ; que par une requête 15PA03199 la SCI CIPE fait appel de l'article 2 du jugement rejetant ses conclusions en décharge des impositions supplémentaires qui lui sont réclamées en conséquence de la remise en cause de l'imputation du crédit d'impôt sur l'impôt sur les transactions au titre des années 2007, 2008 et 2009 ; que la Polynésie française, par un appel incident, demande l'annulation de l'article 1er du jugement prononçant la décharge des impositions supplémentaires mises à la charge de la SCI CIPE au titre des exercices 2004 et 2005 ;

2. Considérant que les requêtes nos 15PA02966 et 15PA03199 ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que la notification par le président du tribunal administratif d'un moyen d'ordre public, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ne peut être utilement critiquée lorsque les premiers juges n'ont pas retenu ce moyen ; qu'il ressort des termes du jugement que ceux-ci n'ont pas rejeté les conclusions de la requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles la SCI CIPE a été assujettie au titre des exercices clos en 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009 en se fondant sur l'irrecevabilité de celles-ci, que le président du tribunal administratif avait indiqué comme étant susceptible d'être soulevée d'office ; que, par suite, le Tribunal, qui a ainsi finalement renoncé à se fonder sur ce moyen, n'était pas tenu de se prononcer sur son bien-fondé, et n'a, par suite, pas entaché son jugement d'irrégularité de ce chef ;

Sur la prescription relative aux années 2004 et 2005 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 375-1 du code des impôts de Polynésie française dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les personnes assujetties à l'impôt sur les transactions bénéficient d'un crédit d'impôt de 60 % pour tout financement égal ou supérieur à 10 millions de francs réalisé dans un projet de construction à vocation hôtelière d'un coût total égal ou supérieur à 200 millions de francs (...) / Sont considérés comme financements au sens du présent article, les souscriptions d'actions et de parts en numéraire, (...), effectués lors de la constitution ou de l'augmentation du capital de la société réalisant le projet, ainsi que les apports en compte courant non rémunérés dans la dite société, le financement étant réputé effectué à la date de libération du capital ou à la date de versement effectif des fonds. (...). / (...) Ces avantages sont remis en cause, et l'impôt dont le crédit a été préalablement accordé devient immédiatement exigible, nonobstant le cas échéant, l'expiration des délais de prescription, dans les circonstances suivantes : - non-respect des conditions prévues par les dispositions du présent article (...) " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 451-1 du code des impôts de Polynésie française, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ou la liquidation des impôts et taxes visés au présent code ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des impositions, dans l'application des tarifs ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. " ; qu'aux termes de l'article 451-3 du même code : " Toute notification motivée de redressement est interruptive de prescription. (...) " ;

6. Considérant, qu'ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges aucun principe constitutionnel ni aucun principe général du droit ne fait obstacle à l'application d'un délai de prescription lorsque le bénéfice d'un dispositif fiscal favorable a été obtenu par fraude ;

7. Considérant que, contrairement à ce que soutient la Polynésie française, les dispositions précitées de l'article 375-1 du code des impôts de la Polynésie française ne peuvent être regardées comme réservant implicitement l'application de la prescription trentenaire de droit commun alors prévue par le code civil ;

8. Considérant que l'administration disposait, en application de l'article 451-1 du code des impôts, d'un délai expirant au plus tard, s'agissant des années 2004 et 2005, le 31 décembre 2007 et le 31 décembre 2008, pour réparer les omissions et insuffisances constatées dans l'assiette ou la liquidation de l'impôt sur les transactions au titre des années 2004 et 2005 ; que la notification de redressements portant sur les impositions en litige, intervenue le 8 décembre 2010, soit après l'expiration du délai de prescription, n'a pu interrompre celui-ci ; que l'administration invoque comme point de départ du délai de reprise de trois ans, la date à laquelle elle a été en mesure d'avoir connaissance des manquements du contribuable à ses obligations, soit en l'espèce la date à laquelle la SCI Povea III a obtenu le permis de construire le 4 septembre 2008 ; que, toutefois, en tout état de cause, l'administration fiscale était en mesure, dès l'imputation du crédit d'impôt, de demander à la société de justifier des conditions dans lesquelles elle avait imputé ces crédits d'impôts et de constater que les conditions dans lesquelles les sommes avaient été prêtées par la banque ne permettaient pas de financer le projet de construction ; qu'aucune disposition ne prévoit par ailleurs que la délivrance du permis de construire peut constituer un fait générateur susceptible de faire courir le délai de reprise de l'administration ; que, dès lors, la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que la prescription ne lui était pas opposable ;

Sur le bien-fondé des impositions au titre des exercices 2007, 2008 et 2009 :

9. Considérant que, dans le cadre des dispositions de l'article 375-1 du code des impôts susvisé, relatif à l'octroi d'un crédit d'impôt au profit des sociétés qui investissent dans un projet de construction immobilière à vocation hôtelière, la SCI CIPE a procédé à un apport en fonds propres au profit de la société Povea III d'un montant total de

21 000 000 francs CFP, versé en trois fractions les 29 décembre 2004, 29 décembre 2005 et 28 décembre 2007 à hauteur respectivement de 10 000 000 francs CFP, de

6 000 000 francs CFP et de 5 000 000 francs CFP ; que cet apport lui a ouvert droit, à concurrence de 60 % du montant total apporté, à un crédit d'impôt au titre des dispositions de l'article 375-1 du même code, imputé sur les exercices 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009 pour des montants respectifs de 1 641 700 francs CFP, de 1 641 700 francs CFP, de

1 354 350 francs CFP, et de 7 900 francs CFP ; que l'administration a remis en cause le crédit d'impôt dont la société requérante a bénéficié à hauteur des imputations effectuées en 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009 et a assorti ce redressement des pénalités pour manoeuvres frauduleuses de l'article 511-5 du code des impôts susvisé ;

10. Considérant que les dispositions du III de la délibération n° 2002-161 du

5 décembre 2002 applicables au crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 375-1 du code des impôts sont celles relatives aux projets dont les demandes de permis de construire ont été déposées avant le 31 décembre 2002 ; qu'il est constant que la demande de permis de construire a été déposée par la société Pomea III le 24 décembre 2002 ; qu'il s'ensuit que la délibération n° 2004-33 du 12 février 2004 publiée le 26 février 2004, laquelle a introduit dans le code des impôts une troisième partie intitulée incitations fiscales à l'investissement ne trouvait pas à s'appliquer ; que si la SCI CIPE fait valoir que le service aurait commis une erreur de droit en fondant les redressements en litige sur les dispositions du code des impôts postérieures aux années en litige, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier de la notification de redressement, que l'administration se serait fondée sur les dispositions du code des impôts résultant de la délibération n° 2004-33 du 12 février 2004 publiée le

26 février 2004," ;

11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 375-1 du code des impôts, dans sa rédaction alors applicable, un crédit d'impôt est institué en faveur des personnes passibles de l'impôt sur les sociétés qui participent au financement, pour un montant égal ou supérieur à 200 millions de francs, de projets de construction à vocation hôtelière sous réserve du respect d'un certain nombre de conditions relatives notamment au montant total du coût du projet de construction, à la date de délivrance du permis de construire et du certificat de conformité ; qu'en ce qui concerne la forme du financement, l'article susmentionné dispose que : " (...). Sont considérés comme financements au sens du présent article, (...) les apports en compte courant non rémunérés ; (...). / Ces financements peuvent intervenir soit directement, soit par le biais de sociétés dont l'objet social est la participation au capital de sociétés s'engageant à réaliser des projets définis au présent article. (...) " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI CIPE a souscrit, en tant qu'investisseur du projet immobilier réalisé par la société Povea III dénommé " Sarah Nui ", les 30 décembre 2004, 28 décembre 2005, et 28 décembre 2007, trois contrats par lesquels la banque de Polynésie lui a prêté les 21 millions de francs CFP nécessaires au financement de ce projet par trois apports en compte courant inscrits dans les comptes de la société Povea III ; que ces contrats de prêt prévoyaient que les trois emprunts de 10 000 000 francs CFP pour l'année 2004, de 6 000 000 francs CFP pour l'année 2005 et de 5 000 000 francs CFP pour l'année 2007 seraient remboursés en une seule fois au plus tard le 31 décembre 2005, le 31 décembre 2006 et le 30 juin 2009 avec libération du gage espèce conclu à ces trois dates entre la société Povea III et la banque de Polynésie, dès lors qu'à titre de garantie de remboursement des sommes ainsi prêtées, la société Povea III en avait accepté le nantissement au profit de cette banque ; que pour remettre en cause le crédit d'impôt de la société imputé sur les exercices 2007, 2008 et 2009, le service des contributions de l'administration a estimé que les fonds n'avaient pu être affectés, du fait de ce montage, au projet d'investissement à l'origine des apports en compte courant d'associés ; que la Polynésie française soutient à cet égard que la SCI CIPE a bénéficié d'un avantage fiscal alors même que ses apports, financés en totalité par des emprunts, n'ont pu être obtenus que grâce à la garantie, sous forme de gages espèces, acceptée par la société Povea III ; que s'il n'est pas contesté que le projet de résidence hôtelière a été réalisé par la société Povea III pour un montant total de 1 614 000 000 francs CFP, il ne résulte pas de l'instruction que les prêts souscrits par la SCI CIPE auraient effectivement contribué au paiement des travaux de construction de cette résidence, dès lors que la société Povea III, qui en a supporté le coût, n'a en réalité pas débloqué les sommes apportées en compte courant par la SCI CIPE, à l'exception de la part abandonnée de 2 000 000 francs CFP telle que prévue par la convention d'apports signée entre la SCI CIPE et la société Povea III ; que, par suite, la SCI CIPE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a procédé au rappel du crédit d'impôt qu'elle avait imputé sur l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre des exercices 2007, 2008 et 2009 ;

Sur les intérêts de retard et les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 511-5 du code des impôts directs de la Polynésie française : " 1) Lorsque la déclaration mentionnée à l'article 511-4 fait apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'un des impôts prévus au code des impôts insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 551-1 et d'une majoration de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...). " ;

14. Considérant que la SCI CIPE connaissait dès l'origine les conditions dans lesquelles les prêts lui avaient été accordés et par suite n'ignorait pas que les sommes empruntées ne pouvaient servir au financement du projet ; que, dès lors, ces agissements étaient constitutifs de manoeuvres frauduleuses ; que, par suite, l'administration fiscale était fondée à assortir les droits rappelés de la majoration de 80 % prévue par les dispositions de l'article 511-5 du code des impôts précité ;

15. Considérant, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la Polynésie française, qu'il résulte de tout ce qui précède que ni la SCI CIPE, ni la Polynésie française ne sont fondées à soutenir respectivement que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a, d'une part, rejeté la demande en décharge des impositions et des pénalités y afférentes au titre des exercices 2007, 2008 et 2009, et, d'autre part, déchargé la SCI CIPE des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005 ; que, par voie de conséquence, les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la Polynésie française et de la SCI CIPE sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI CIPE et à la Polynésie française. Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président,

- Mme Mosser, président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2017.

Le rapporteur,

C. LESCAUTLe président,

M. HEERS Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 15PA02966, 15PA03199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02966;15PA03199
Date de la décision : 17/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : MALKA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-17;15pa02966 ?
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