Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le courriel du 10 juillet 2014 par lequel le ministre de la défense a refusé de rétablir son indemnité compensatrice, ensemble la décision du 30 octobre 2014 par laquelle le ministre de la défense a, sur sa demande en date du 10 septembre 2014, confirmé cette décision, d'enjoindre au ministre de la défense sous astreinte de rétablir son indemnité compensatrice à compter du 1er janvier 2014 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 575 euros au titre de l'indemnité compensatrice à laquelle elle peut prétendre ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des négligences commises par l'administration.
Par un jugement n° 1430429 du 22 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure contentieuse devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 décembre 2015 et 26 mai 2016, MmeD..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 22 octobre 2015 ;
2°) d'annuler le courriel du 10 juillet 2014 par lequel le ministre de la défense a refusé de rétablir son indemnité compensatrice, ensemble la décision du 30 octobre 2014 par laquelle le ministre de la défense a, sur sa demande en date du10 septembre 2014, confirmé cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des négligences commises par l'administration ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 30 octobre 2014 a été prise par une autorité incompétente, la gestion de sa carrière relevant de la seule délégation générale de l'armement ;
- le montant de son indemnité compensatrice a été à tort calculée sur le fondement de textes inapplicables dès lors qu'ils sont relatifs aux techniciens d'études et de fabrication ;
- les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article 87 de la loi
n° 84-16 du 11 janvier 1984 dès lors que le montant du salaire qu'elle percevait de la Commission européenne avant sa titularisation n'a pas été pris en compte ;
- l'administration n'a pas commis d'erreur en ne supprimant pas son indemnité compensatrice en 2002, 2006 et 2009 ;
- les erreurs dans la gestion administrative de son dossier sont à l'origine des préjudices moral et de santé dont elle réclame l'indemnisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 84-183 du 12 mars 1984 fixant les éléments de rémunération à prendre en considération pour la détermination de l'indemnité compensatrice prévue à l'article 87 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 98-612 du 16 juillet 1998 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration d'agents non titulaires du ministère de la défense dans des corps de fonctionnaires de catégorie A ;
- le décret n° 2009-1178 du 5 octobre 2009 portant organisation de l'administration centrale du ministère de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dellevedove,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
1. Considérant que Mme D..., ingénieur sous contrat de la délégation générale pour l'armement depuis le 1er octobre 1975, devenue direction générale de l'armement, a été mise pour emploi auprès de la Commission européenne du 1er février 1996 au 31 janvier 1999 puis a été placée en congé pour convenances personnelles du 1er février 1999 au 31 janvier 2001, congé pendant lequel elle a exercé des fonctions d'agent temporaire auprès de la Commission européenne ; qu'elle a été réintégrée dans son administration d'origine et titularisée le 1er février 2001 dans le corps des ingénieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense ; qu'à ce titre, elle a bénéficié de l'indemnité compensatrice prévue à l'article 87 de la loi susvisée du
11 janvier 1984 ; que cette indemnité ne lui a plus été attribuée à compter du 1er janvier 2014 ; que, par un courriel du 10 juillet 2014, l'administration l'a informée des modalités d'attribution et de calcul de cette indemnité ; que, par une décision du 30 octobre 2014, le ministre de la défense a, en réponse à sa demande en date du 10 septembre 2014, refusé de rétablir à son profit cette indemnité compensatrice ; que Mme D... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision et du courriel précités, à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense de rétablir son indemnité compensatrice et à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que les premiers juges ont relevé à juste titre que M. A... B..., administrateur civil hors classe, adjoint au sous-directeur de la gestion des personnels de l'administration centrale du ministère de la défense, signataire de la décision contestée du
30 octobre 2014, a reçu délégation de signature, par une décision du 29 janvier 2010 régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 4 février 2010, à l'effet de signer tous actes et décisions dans la limite des attributions de cette sous-direction ; que, si MmeD..., personnel civil de la direction générale de l'armement, soutient que seule une autorité de cette direction était compétente pour prendre la décision contestée, il ressort, au contraire, des pièces du dossier que, en vertu du 4° du I de l'article 5 de l'arrêté du 17 décembre 2013 portant organisation du service parisien de soutien de l'administration centrale, la
sous-direction précitée est chargée notamment de la liquidation des rémunérations du personnel civil de l'administration centrale et que, en vertu de l'article 1er du décret susvisé du 5 octobre 2009 portant organisation de l'administration centrale du ministère de la défense, la direction générale de l'armement fait partie de l'administration centrale de ce ministère ; que, dès lors,
M. B...était compétent pour prendre la décision contestée ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. " ; qu'aux termes de l'article 73 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 du titre Ier du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 16 juillet 1998 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration d'agents non titulaires du ministère de la défense dans des corps de fonctionnaires de catégorie A : " Les agents non titulaires du ministère de la défense et des établissements publics qui en dépendent qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et qui remplissent les conditions énumérées à l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des corps de fonctionnaires de catégorie A déterminés en application de l'article 80 de cette dernière loi dans les conditions fixées par le tableau de correspondance annexé au présent décret. " ; qu'aux termes du tableau de correspondance annexé au décret précité :
" Catégories d'agents non titulaires : (...) Ingénieurs (...) de la délégation générale pour l'armement (...) ; Fonctions exercées : Fonctions d'ingénieurs (...) ; Corps de fonctionnaires : ingénieur d'études et de fabrications du ministère de la défense " ; qu'au terme de l'article 87 de la loi précitée du 11 janvier 1984 : " Les agents bénéficiaires des dispositions qui précèdent reçoivent une rémunération au moins égale à leur rémunération globale antérieure lorsqu'ils sont intégrés dans un corps de catégorie C ou D, (...) et à 90 % au moins de cette rémunération lorsqu'ils sont intégrés dans un corps de catégorie A. / Le cas échéant, les intéressés perçoivent une indemnité compensatrice. (...) / L'indemnité compensatrice est résorbée au fur et à mesure des augmentations de rémunération consécutives aux avancements dont l'intéressé bénéficie dans le corps d'intégration. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 12 mars 1984 fixant les éléments de rémunération à prendre en considération pour la détermination de l'indemnité compensatrice prévue à l'article 87 de cette loi : " Les éléments de rémunération à prendre en considération pour la détermination de l'indemnité compensatrice allouée en application de l'article 87 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée sont, à l'exclusion des indemnités représentatives de frais et des éléments de rémunération liés à l'affectation en dehors du territoire européen de la France, fixés comme suit : / D'une part, la rémunération globale antérieure à la titularisation qui comprend la rémunération brute principale augmentée des primes et indemnités qui en constituent l'accessoire, y compris, le cas échéant, les indemnités pour travaux supplémentaires ; / D'autre part, la rémunération globale résultant de la titularisation qui comprend la rémunération brute indiciaire augmentée de l'indemnité de résidence et des primes et indemnités qui sont l'accessoire de la rémunération brute, y compris, le cas échéant, les indemnités pour travaux supplémentaires. " ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la rémunération globale antérieure à la titularisation, à prendre en considération pour la détermination de l'indemnité compensatrice, est la rémunération que les agents percevaient, antérieurement à leur titularisation, au titre des catégories d'agents non titulaires et des fonctions leur donnant vocation à être titularisés ; que, d'autre part, les montants à prendre en compte à ce titre s'apprécient à la date de la titularisation ;
4. Considérant que le caractère créateur de droits de l'attribution d'un avantage financier tel qu'une prime ne fait pas obstacle à ce que cette décision soit abrogée pour l'avenir si l'intéressé ne remplit plus les conditions auxquelles cet avantage est subordonné ou si l'administration modifie l'appréciation qui avait justifié son attribution ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées que, contrairement à ce que soutient MmeD..., pour le calcul de l'indemnité compensatrice, la rémunération globale antérieure comme agent non titulaire qu'il y a lieu de prendre en compte, au sens des dispositions précitées, est la rémunération de 3 772,05 euros par mois correspondant, à la date de sa réintégration et de sa titularisation, à la position indiciaire 3B d'ingénieur sous contrat de la délégation générale pour l'armement, qui lui donnait vocation à être titularisée dans le corps des ingénieurs d'études et fabrications du ministère de la défense et non la rémunération de 6 889,68 euros qu'elle percevait au titre de l'emploi qu'elle occupait au sein de la commission européenne dans le cadre du congé pour convenances personnelles ; que Mme D...ayant été promue le 20 septembre 2013 au 11ème échelon du grade d'ingénieur d'études et de fabrications, sa rémunération globale au sens des dispositions précitées s'élève depuis cette date à 3 666,35 euros par mois ; que ce montant étant supérieur à 90 % du montant de sa rémunération globale antérieure de référence, Mme D...ne saurait dès lors prétendre avoir droit au maintien de l'indemnité compensatrice en cause ;
6. Considérant, en second lieu, que si, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, l'administration a commis une erreur en ne supprimant pas l'indemnité compensatrice versée à la requérante à compter de sa promotion au 10ème échelon de son grade le 11 juillet 2008, les dispositions précitées de l'article 87 de la loi du 11 janvier 1984 conduisent l'administration à réviser non seulement le montant mais le principe même du versement de cette indemnité à chaque augmentation de rémunération consécutive aux avancements dont les intéressés bénéficient dans le corps d'intégration ; que, dès lors, c'est à bon droit que le ministre de la défense a supprimé le versement de toute indemnité compensatrice à l'occasion de la promotion de Mme D...au 11ème échelon de son grade et, sans donner un caractère rétroactif à cette décision, n'a pas procédé au retrait d'un acte créateur de droits ; que, pour les mêmes motifs, par sa décision du 30 octobre 2014, le ministre a légalement refusé de rétablir l'indemnité compensatrice litigieuse sollicitée par MmeD..., à laquelle elle n'avait plus droit ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeD... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Considérant qu'en l'absence de toute illégalité fautive commise dans la détermination de ses droits, Mme D...n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices, au demeurant non établis, dont elle se prévaut ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par
MmeD... et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de MmeD... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juillet 2017
Le rapporteur,
E. DELLEVEDOVELe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26
du code de justice administrative,
P. HAMONLe greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04706