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04/07/2017 | FRANCE | N°15PA01461

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 04 juillet 2017, 15PA01461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le marché correspondant au lot n° 1 " Cloisons - Plafonds suspendus - Revêtements de sol et mur " du marché de travaux relatif à l'aménagement de la cité régionale de l'environnement d'Ile-de-France, conclu entre l'Agence des espaces verts de la Région d'Ile-de-France et la Sarl Cloisons Express ;

Par un jugement n° 1407746/7-2 du 6 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a

rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le marché correspondant au lot n° 1 " Cloisons - Plafonds suspendus - Revêtements de sol et mur " du marché de travaux relatif à l'aménagement de la cité régionale de l'environnement d'Ile-de-France, conclu entre l'Agence des espaces verts de la Région d'Ile-de-France et la Sarl Cloisons Express ;

Par un jugement n° 1407746/7-2 du 6 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 avril et 6 octobre 2015, le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1407746/7-2 du Tribunal administratif de Paris du 6 février 2015 ;

2°) d'annuler le marché du lot n° 1 susvisé.

Il soutient que :

- sa requête, présentée dans les délais, est recevable ;

- les tranches conditionnelles nos 1 et 2 du lot n'ont pas été chiffrées par le candidat retenu, en méconnaissance des exigences de l'article 5 du règlement de la consultation, de sorte que son offre incomplète aurait dû être éliminée comme irrégulière ;

- le maître d'ouvrage aurait pu engager subséquemment une procédure négociée avec ce candidat ou bien déclarer la consultation infructueuse et lancer une nouvelle procédure de passation, ce qui n'a pas été fait, de sorte que l'irrégularité étant substantielle, le maître d'ouvrage ne pouvait conclure ce marché avec ce candidat sans rompre l'égalité de traitement entre les candidats ;

- l'urgence du fait du maître d'ouvrage ne pouvait justifier cette irrégularité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2015, l'Agence des espaces verts de la Région d'Ile-de-France, représentée par la Selarl BVK Avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- si l'unique candidat n'a pas chiffré les tranches conditionnelles nos 1 et 2, l'administration n'a pu s'engager dans une négociation ou déclarer la procédure infructueuse, ce qui aurait impliqué des délais incompatibles avec une occupation des locaux impérative en août 2014 ;

- l'exposante ayant décidé d'attribuer le contrat au seul candidat ayant répondu, dans les circonstances particulières de l'espèce, cette irrégularité mineure n'a exercé aucune influence sur le choix du candidat et l'égalité de traitement entre candidats ;

- s'agissant d'une irrégularité non substantielle n'affectant pas le consentement de l'agence et ne reflétant aucun favoritisme, alors que le marché a été entièrement exécuté, l'annulation du marché, qui porterait une atteinte excessive à l'intérêt général et tout particulièrement au principe de continuité des services publics, n'est pas justifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dellevedove,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me B...pour le préfet de la région Ile-de-France,

- et les observations de Me A...pour l'agence des espaces verts de la région

Ile-de-France.

1. Considérant que par un avis d'appel public à la concurrence publié le 16 octobre 2013 au Bulletin officiel d'annonces des marchés publics, l'Agence des espaces verts

d'Ile-de-France a lancé une consultation, selon la procédure adaptée prévue aux articles 26-II-5 et 28 du code des marchés publics, en vue de la passation d'un marché de travaux composé de six lots pour l'aménagement des locaux de la cité régionale de l'environnement d'Ile-de-France ; que le lot n° 1 " Cloisons - Plafonds suspendus - Revêtements de sol et mur " a été attribué à la société Cloisons Express ; que, par un recours gracieux du 20 janvier 2014, le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, a sollicité de l'Agence des espaces verts d'Ile-de-France qu'elle retire ce lot, ce qu'elle a refusé de faire par une lettre du 17 mars 2014 ; que le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, fait appel du jugement du 6 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce marché ;

2. Considérant que le préfet peut, sur le fondement des dispositions des articles

L. 2131-2 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, rendues applicables aux établissements publics de coopération intercommunale par l'article L. 5211-3 de ce code, saisir le juge administratif d'un déféré tendant à l'annulation d'un marché public ; qu'eu égard à son objet, un tel recours formé à l'encontre d'un contrat relève du contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 28 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au marché en litige : " I. - Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat . / Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix. / Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures formalisées, sans pour autant que les marchés en cause soient alors soumis aux règles formelles qu'elles comportent. En revanche, s'il se réfère expressément à l'une de ces procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur est tenu de l'appliquer dans son intégralité. (...) " ; qu'aux termes du III de l'article 53 de ce code : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées (...) " ; qu'aux termes du 1° du I de l'article 35 du même code : " (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (...) " ;

4. Considérant que si les dispositions du III de l'article 53 du code des marchés publics, qui sont applicables tant aux procédures formalisées qu'aux procédures adaptées, prévoient l'élimination des offres inappropriées, irrégulières et inacceptables avant le classement des autres offres par ordre décroissant, les dispositions de l'article 28 du même code relatives à la procédure adaptée prévoient que le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre et que cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix ; qu'il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur qui, dans le cadre d'une procédure adaptée, décide de recourir à une négociation, peut librement choisir les candidats avec lesquels il souhaite négocier et peut en conséquence, dans le respect du principe d'égalité de traitement entre les candidats, admettre à la négociation les candidats ayant remis des offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables et ne pas les éliminer d'emblée ; qu'il doit cependant, à l'issue de la négociation, rejeter sans les classer les offres qui sont demeurées inappropriées, irrégulières ou inacceptables ; que, si le pouvoir adjudicateur peut, dans le cadre d'une procédure adaptée, décider d'engager une négociation avec les candidats ayant remis une offre irrégulière, il n'y est pas tenu ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement de la consultation relatif au marché en litige : " Les tranches conditionnelles et les options de chaque lot devront être obligatoirement chiffrées par les entreprises " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté, d'une part, que le cadre d'acte d'engagement de l'offre de la société Cloisons Express, déposée le 25 novembre 2013, ne comportait aucun chiffrage du prix des tranches conditionnelles n° 1 et n° 2, en méconnaissance de l'article 5 du règlement de la consultation, en sorte que cette offre, incomplète, devait être regardée comme irrégulière au sens du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics ; que, d'autre part, le maître d'ouvrage n'a engagé aucune négociation avec cette entreprise, alors qu'il lui était loisible de le faire nonobstant la circonstance qu'elle était le seul candidat ayant remis une offre, en sorte que cette irrégularité n'a pas été régularisée en cours de procédure ; que, dès lors, en signant un acte d'engagement le 19 décembre 2013, dont la rubrique " prix " était incomplètement renseignée en ce qui concerne les tranches conditionnelles, l'Agence des espaces verts d'Ile-de-France a conclu ce marché à l'issue d'une procédure irrégulière ; que la circonstance que le maître d'ouvrage s'était fixé une date impérative d'achèvement des travaux est à cet égard sans incidence ;

7. Considérant toutefois, d'une part, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le maître d'ouvrage aurait pu engager une procédure de négociation avec le seul candidat ayant remis une offre sans porter atteinte à l'égalité de traitement des candidats et à la transparence des procédures ; que, d'autre part, contrairement à ce que soutient le préfet, il ne résulte pas de l'instruction que l'exigence de cloisons de type " paille " pour les tranches conditionnelles litigieuses ait été formulée en des termes tels qu'elle aurait restreint le libre jeu de la concurrence ou la liberté d'accès à cette commande publique ; que, dès lors, dans ces conditions, l'irrégularité susmentionnée, qui n'affectait ni le consentement des parties, alors même que les tranches conditionnelles litigieuses ne pouvaient être exécutées, ni le choix du cocontractant, ne présentait pas un caractère de gravité tel qu'elle justifie l'annulation de ce marché ; qu'elle ne justifie pas plus sa résiliation, dès lors qu'il a été entièrement exécuté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Agence des espaces verts

d'Ile-de-France et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à l'Agence des espaces verts d'Ile-de-France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, à l'Agence des espaces verts d'Ile-de-France et à la Sarl Cloisons Express.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2017.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVE Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26

du code de justice administrative,

P. HAMON

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA01461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01461
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales - Déféré préfectoral.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : BVK AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-04;15pa01461 ?
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