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30/06/2017 | FRANCE | N°16PA03944

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 30 juin 2017, 16PA03944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2015 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1510563 du 5 octobre 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour

:

1°) d'annuler le jugement n° 1510563 du 5 octobre 2016 du tribunal administratif de Melun ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2015 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1510563 du 5 octobre 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1510563 du 5 octobre 2016 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2015 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de Seine-et-Marne a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, qui en constitue le fondement légal ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, qui en constitue le fondement légal.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 8 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les observations de Me Maillard, avocat de M.A....

1. Considérant que M. A..., ressortissant haïtien né le 28 février 1966, est entré en France le 8 septembre 2005 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'à la suite d'un contrôle d'identité, le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté du 4 décembre 2015, obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination ; que M. A... relève appel du jugement du 5 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2015 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté mentionne qu'il est fondé sur l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français en respectant l'article L. 211-1 du même code ; que l'arrêté attaqué mentionne ainsi les motifs de droit et de fait pour lesquels a été prise la décision d'obliger M. A... à quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de Seine-et-Marne, en retenant que M. A... ne justifiait pas d'une entrée régulière en France, l'a obligé à quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, d'une part, s'il est constant que M. A... disposait d'un passeport, périmé, revêtu d'un visa de court séjour démontrant son entrée régulière en France le 8 septembre 2005, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait en indiquant le 4 décembre 2015 que le requérant ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire, puisque, alors même que le séjour aurait été continu depuis lors et qu'ainsi le passeport produit devant le juge démontrerait la régularité de l'entrée en France de M.A..., il est constant que le requérant n'a pas présenté ce passeport au préfet lors de son interpellation et n'a donc pas justifié de son entrée régulière ; que, d'autre part, il est constant que le requérant s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, et dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver le requérant d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation, c'est à juste titre que le tribunal administratif a substitué le 2° du I de l'article L. 511-1 du code précité à la base légale de l'arrêté contesté ; qu'enfin, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait, du défaut de base légale et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... doivent être écartés ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;

6. Considérant que M. A... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve en France où il réside depuis dix ans, ainsi que sa mère et deux de ses frères ; qu'il est parfaitement intégré à la société française dans la mesure où il maitrise la langue et respecte les valeurs françaises, qu'il n'a jamais été condamné et est à jour de ses obligations fiscales ; que, toutefois, M. A... ne conteste pas disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine, notamment son épouse et deux enfants majeurs, ni avoir fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire en 2007 et 2011 qu'il n'a pas exécutées ; que s'il allègue entretenir des relations régulières avec sa famille résidant en France, il ne l'établit pas ; qu'il n'établit ni même n'allègue disposer d'un domicile et de ressources propres ; que, dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que la décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

7. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de cette décision, que M. A... invoque à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire, ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;

9. Considérant que le délai de départ volontaire de trente jours accordé à un étranger en application de ces dispositions afin qu'il exécute l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français constitue un délai équivalent au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et que, par suite, l'absence d'octroi d'une prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique sauf si l'étranger a présenté une demande tendant au bénéfice d'une telle prolongation ; que M. A... ne justifiant pas avoir présenté une telle demande, il ne saurait utilement reprocher au préfet de ne pas avoir motivé sa décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire ; qu'au surplus, l'arrêté litigieux, qui mentionne que la situation personnelle de M. A... ne justifie pas qu'à titre exceptionnel un délai supérieur lui soit accordé, comporte une motivation suffisante sur ce point ;

10. Considérant, en troisième lieu, que M. A... soutient que le préfet a insuffisamment apprécié sa situation personnelle en fixant le délai de départ volontaire à trente jours alors que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve en France et qu'il est parfaitement intégré à la société française ; que, toutefois, ces allégations ne sont pas, dans les circonstances rappelées au point 6, assorties d'éléments de nature à justifier qu'un délai supplémentaire au délai de droit commun de trente jours lui soit accordé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation doit être écarté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de cette décision, que M. A... invoque à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peut qu'être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 juin 2017.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

A. LOUNIS La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03944
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS AEQUAE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-30;16pa03944 ?
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