Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mai 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1513111/3-2 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué, d'autre part, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1513111/3-2 du 30 décembre 2015 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- il n'a pas entaché son arrêté d'un vice de procédure en ne saisissant pas la commission du titre de séjour, dès lors que l'intéressé ne justifie pas d'une résidence habituelle en France de dix ans ;
- les moyens invoqués en première instance par M C... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2016, M. C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'une part d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de l'arrêté à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour est fondé dès lors qu'il apporte la preuve de sa présence sur le territoire français pendant plus de dix ans.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Amat a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C..., ressortissant tunisien né en juin 1972, est entré en France en 1986 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité, en dernier lieu le 20 août 2014, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 15 mai 2015, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement du 30 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a, sur la demande de M. C..., annulé cet arrêté ; que M. C... demande à la Cour de rejeter cette requête et, par la voie de l'appel incident, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
Sur les conclusions d'appel principal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ;
3. Considérant que M. C... est entré en France, selon ses déclarations, en 1986 ; qu'il a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 1er juillet 2008, régulièrement renouvelé jusqu'au 23 août 2010 ; qu' après avoir mis M. C... en possession de récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour, le préfet de police a, par un arrêté du 26 octobre 2012, confirmé par la Cour de céans, refusé de renouveler le titre de séjour sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français ; que, le 20 août 2014, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988 ;
4. Considérant que le préfet de police conteste le caractère habituel de la présence en France de M. C... depuis dix ans dès lors notamment que celui-ci s'est marié le 9 août 2005 en Tunisie et y a déclaré le 18 juillet 2006 la naissance, le 9 juillet 2006, de son premier enfant ;
5. Considérant, toutefois, que M. C... produit un ensemble de pièces diversifiées et suffisamment nombreuses au titre de chaque année pour établir sa résidence habituelle sur le territoire national depuis plus de dix ans à la date de sa demande de délivrance de titre de séjour, et notamment des bulletins de paie, des attestations d'aide médicale d'Etat, des justificatifs de consultations médicales, des courriers émanant de la préfecture et de juridictions administratives, des relevés de compte faisant apparaître des mouvements bancaires, des avis d'impôts sur le revenu, un relevé de carrière de la caisse nationale d'assurance vieillesse, des relevés des prestations versées par l'assurance maladie et des certificats médicaux attestant de sa prise en charge régulière depuis le 25 septembre 2004 ainsi que des attestations émanant de son père et de plusieurs voisins attestant de sa présence sur le territoire depuis 1986 ; que l'ensemble de ces documents mentionnent la même adresse dans le 15ème arrondissement à Paris ; que, la seule circonstance que M. C... se soit ponctuellement rendu en Tunisie en août 2005 et juillet 2006 n'est pas de nature à retirer son caractère habituel à sa résidence sur le territoire national compte tenu de l'ensemble des documents cohérents et concordants, ci-dessus mentionnés, qu'il produit pour établir la durée de son séjour ; que, dans ces conditions, M. C... doit être regardé comme justifiant de dix années de résidence habituelle en France à la date du titre de séjour sollicité ; que, par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 15 mai 2015 au motif du vice de procédure dont il était entaché faute de saisine de la commission du titre de séjour préalablement à son édiction ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 mai 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
Sur les conclusions d'appel incident :
7. Considérant que compte tenu du motif d'annulation retenu par le jugement attaqué et confirmé par le présent arrêt, l'exécution de ce jugement n'implique pas qu'il soit délivré à M. C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " mais seulement que le préfet de police réexamine sa demande après consultation de la commission du titre de séjour ; qu'il n'y a pas lieu de réitérer cette injonction de réexamen régulièrement prononcée par le tribunal et à laquelle il appartient au préfet de police, s'il ne l'a déjà fait, de se conformer sans délai ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante en la présente instance, le versement à M. C... de la somme de 1 000 euros au titre des frais de procédure exposés par celui-ci pour se défendre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident de M. C...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 juin 2017.
Le rapporteur,
N. AMATLe président,
S. PELLISSIERLe greffier,
A. LOUNIS La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00567