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28/06/2017 | FRANCE | N°16PA02144

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 juin 2017, 16PA02144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...veuveB..., a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie Française de condamner la commune de Punaauia à lui verser la somme de 6 800 000 F CFP correspondant à l'indemnité de départ volontaire anticipé à la retraite qu'elle s'était engagée à lui verser et une somme de 110 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300276 du 24 décembre 2013, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté cette demand

e.

Par un arrêt n° 14PA01326 du 2 avril 2015, la Cour administrative d'appel de Pari...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...veuveB..., a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie Française de condamner la commune de Punaauia à lui verser la somme de 6 800 000 F CFP correspondant à l'indemnité de départ volontaire anticipé à la retraite qu'elle s'était engagée à lui verser et une somme de 110 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300276 du 24 décembre 2013, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14PA01326 du 2 avril 2015, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et a condamné la commune à verser à la requérante une somme de 6 800 000 F CFP.

Par une décision n° 391456 du 17 juin 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour

Par une requête et cinq mémoires complémentaires enregistrés les 24 mars 2014,

5 novembre 2014, 18 novembre 2014, 19 mars 2015, 11 octobre 2016 et 3 mars 2017, Mme C...veuveB..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300276 du 24 décembre 2013, par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande ;

2°) de condamner la commune de Punaauia à lui verser la somme de 6 800 000 F CFP correspondant à l'indemnité de départ volontaire anticipé à la retraite qu'elle s'était engagée à lui verser ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Punaauia une somme de 220 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Punaauia était tenue d'exécuter sa décision créatrice de droits qu'elle n'a pas retirée ;

- elle a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas son engagement de lui verser la somme de 6 800 000 F CFP correspondant à l'indemnité due en contrepartie de son départ volontaire anticipé à la retraite ;

- cette faute est la cause directe du préjudice matériel qu'elle a subi en ne percevant pas le montant de l'indemnité promise ;

- l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 fixant une prescription biennale en matière de rémunération des agents publics n'étant pas applicable, la commune était en tout état de cause tenue de verser les sommes auxquelles elle s'était engagée en application de l'arrêté du 20 janvier 2011 devenu définitif.

Par un mémoire en défense et trois mémoires complémentaires, enregistrés les

23 juillet 2014, 8 janvier 2015, 13 février 2017 et 31 mars 2017, la commune de Punaauia représentée par la SCP Piwnica-Molinié conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de

3 000 euros soit mise à la charge de Mme C...veuveB..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire a été enregistré, le 3 mai 2017, pour MmeC..., veuve B...;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française et la loi n° 2004-n° 84-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'avis du Conseil d'Etat n° 376501/376573 du 28 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me E...pour la commune de Punaauia.

1. Considérant que, par un arrêté du 20 janvier 2011, le maire de la commune de Punaauia a décidé d'accorder à Mme C...veuve B...le bénéfice des dispositions de la délibération

n° 70/09 du 12 juin 2009 par laquelle cette commune a prévu le versement d'une indemnité de départ aux agents communaux acceptant de partir à la retraite de manière anticipée ; que le comptable public a refusé d'exécuter le règlement de cette dépense ; que le maire n'a pas effectué de démarche auprès de son comptable afin de réaliser le paiement au profit de son agent ; que, par une demande préalable reçue en mairie le 11 avril 2013, Mme C...veuveB..., a demandé à la commune de l'indemniser à hauteur de la somme promise, soit d'un montant de 6 800 000 F CFP ; qu'en l'absence de réponse, Mme C...veuve B...a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à ce que la commune de Punaauia soit condamnée à lui reverser la totalité de cette indemnité ; que, par un jugement du 24 décembre 2013, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande ; que le Conseil d'Etat a, par une décision du 17 juin 2016, annulé l'arrêt du 2 avril 2015 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ledit jugement et condamné la commune à verser à Mme C...veuve B...l'indemnité réclamée et a renvoyé l'affaire devant la Cour ;

2. Considérant, d'une part, qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 37-1 de la loi susvisée du

12 avril 2000 dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi susvisée de finances rectificatives pour 2011 du 28 décembre 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive (...) ; que selon l'article 7 de la loi organique susvisée du

27 février 2004 : " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : (...) 5° Aux statuts des agents publics de l'Etat ; (...) 7° Aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de l'Etat et de ses établissements publics ou avec celles des communes et de leurs établissements publics ; (...) Sont également applicables de plein droit en Polynésie française les lois qui portent autorisation de ratifier ou d'approuver les engagements internationaux et les décrets qui décident de leur publication, ainsi que toute autre disposition législative ou réglementaire qui, en raison de son objet, est nécessairement destinée à régir l'ensemble du territoire de la République. " ;

4. Considérant qu'à défaut de mention expresse en ce sens, l'article 37-1 de la loi du

12 avril 2000 dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi de finances rectificative pour 2011 instituant un régime de prescription spécifique de deux ans en matière de paiement indu de rémunération des agents publics, qui n'a pas le caractère d'une loi de souveraineté, n'a pas été rendu applicable en Polynésie française à défaut de mention expresse en ce sens ; qu'en outre, les dispositions de l'article 37-1 en cause ne peuvent être rattachées à aucun des domaines énumérés par l'article 7 de la loi organique précitée du 27 février 2004, notamment à ses points 5° et 7° ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que dans les cas où elle n'est pas soumise au régime de la prescription biennale spécifique en matière de paiement indu de rémunération des agents publics fixé par l'article 37-1 précité de la loi susvisée du 12 avril 2000, l'administration est tenue, en vertu du principe de sécurité juridique, de verser à de tels agents les sommes dues en application d'une décision illégale attribuant un avantage financier, constitutif d'un droit acquis, qu'elle ne peut plus retirer ;

6. Considérant, en l'espèce, que par un arrêté du 20 janvier 2011, le maire de la commune de Punaauia s'est engagé à verser à Mme C...veuveB..., qui a accepté en contrepartie de partir à la retraite de manière anticipée à la date du 31 décembre 2011, une indemnité correspondant à la moitié de sa rémunération des six derniers mois, multipliée par le nombre d'années d'ancienneté passées en qualité d'agent communal ; que, ce faisant, le maire a accordé à Mme C...veuve B...un avantage financier créant ainsi des droits à son profit ; que, par suite, la prescription biennale issue des dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi susvisée du 12 avril 2000 n'étant pas applicable, le maire, qui ne pouvait plus procéder au retrait de cette décision, le délai de retrait de quatre mois qui lui est imparti étant expiré, était tenu de faire droit à la demande de l'intéressée tendant au versement des sommes fixées par l'arrêté du 20 janvier 2011 ; que, par suite,

Mme C...veuve B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont il est fait appel, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 6 800 000 F CFP ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Punaaiua au bénéfice de Mme C...veuveB..., le versement d'une somme

de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C...veuveB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française n° 1300276 du

24 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : La commune de Punaauia est condamnée à verser une somme de 6 800 000 F CFP à Mme C...veuveB....

Article 3 : La commune de Punaauia versera une somme de 1 500 euros à Mme C...veuve B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Punaaiua sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...veuve B...et à la commune de Punaauia.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Even, président,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2017.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02144


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : PASTOREL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 28/06/2017
Date de l'import : 11/07/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16PA02144
Numéro NOR : CETATEXT000035098498 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-28;16pa02144 ?
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