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28/06/2017 | FRANCE | N°16PA00969

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 juin 2017, 16PA00969


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BNP Paribas a demandé au Tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui restituer la somme, réévaluée au 31 juillet 2015, de 3 466 484 euros, représentant les intérêts moratoires correspondant aux dégrèvements contentieux des 22 octobre 2012 et 5 avril 2013 concernant la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1998, 1999 et 2000.

Par un jugement n° 1429284/1-3 du 30 décembre 2015, rectifié pour erreur matérielle par une

ordonnance du 26 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BNP Paribas a demandé au Tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui restituer la somme, réévaluée au 31 juillet 2015, de 3 466 484 euros, représentant les intérêts moratoires correspondant aux dégrèvements contentieux des 22 octobre 2012 et 5 avril 2013 concernant la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1998, 1999 et 2000.

Par un jugement n° 1429284/1-3 du 30 décembre 2015, rectifié pour erreur matérielle par une ordonnance du 26 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit aux conclusions de la société BNP Paribas tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ainsi que les intérêts capitalisés sur ces intérêts moratoires et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 16 mars 2016, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1429284/1-3 du 30 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de la société BNP Paribas auxquelles le Tribunal administratif de Paris a fait droit.

Il soutient que :

- la société BNP Paribas, qui exerce une activité en principe exonérée de taxe sur la valeur ajoutée et qui est habituellement en situation créditrice de taxe sur la valeur ajoutée, ne justifie pas qu'au titre des années en litige 1998, 1999 et 2000 elle aurait procédé à des paiements de TVA ; les dégrèvements prononcés par le service n'ouvrent donc pas droit aux intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire, enregistré le 10 juin 2016, la société BNP Paribas, représentée par la SCP RGM, conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a droit aux intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales dès lors que les dégrèvements des 22 octobre 2012 et 5 avril 2013 ont un caractère contentieux ;

- le fait qu'elle se trouvait la plupart du temps au cours de la période en litige en situation de crédit de TVA ne fait pas obstacle à l'octroi de ces intérêts ;

- il incombe à l'administration d'établir qu'elle se trouvait en situation de crédit de TVA ;

- l'administration a elle-même reconnu qu'elle était parfois débitrice ;

- elle n'était pas en situation d'effectuer des demandes de remboursement avant l'intervention de l'arrêt du 19 septembre 2000 Ampafrance SA et Sanofi Synthelabo de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a révélé la non-conformité au droit de l'Union européenne des dispositions nationales restreignant l'exercice du droit à déduction ;

- l'instruction du 13 novembre 2000, 3 D-2-00, faisait obstacle à ce qu'entre novembre 2000 et mai 2002, elle dépose des demandes de remboursement ;

- en tout état de cause, ces demandes de remboursement auraient été tardives au 28 décembre 2004, date de sa réclamation, au regard des dispositions de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- les observations de MmeA..., représentant la société BNP Paribas

Une note en délibéré, enregistrée le 13 juin 2017, a été présentée par la SCP RGM pour la société BNP Paribas.

1. Considérant que par un arrêt du 19 septembre 2000 Ampafrance SA et Sanofi Synthelabo (177/99 et 181/99), la Cour de justice des Communautés européennes a jugé invalide la décision du 28 juillet 1989 par laquelle le Conseil des Communautés européennes avait autorisé la France à étendre, par dérogation à l'objectif fixé au paragraphe 6 de l'article 17 de la sixième directive, le champ des exclusions du droit à déduction de la TVA prévues, en ce qui concerne les dépenses de logement, de restaurant, de réception et de spectacles, par les textes français applicables à la date d'entrée en vigueur de la directive ; que les entreprises concernées ont ainsi été amenées à faire valoir leur droit à déduction de la taxe afférente à ces dépenses ; que, par une réclamation du 28 décembre 2004, la société BNP Paribas a demandé la restitution de la taxe ayant grevé ces dépenses, au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002 ; que cette réclamation ayant été rejetée par deux décisions distinctes des 27 novembre 2008 et 2 décembre 2008, la société BNP Paribas a saisi le Tribunal administratif de Paris puis, ses demandes ayant été rejetées, la Cour, par deux requêtes enregistrées sous les numéros 11PA04786 et 11PA03206 ; qu'au cours de ces instances devant la Cour, l'Etat a prononcé les 22 octobre 2012 et 5 avril 2013 des dégrèvements s'élevant à 2 928 695 euros et 1 435 284 euros, en ce qui concerne la TVA respectivement des années 1999 et 2000 et de l'année 1998 ; que la Cour a par voie de conséquence constaté des non-lieux à statuer à hauteur de ces dégrèvements, par une ordonnance du 27 novembre 2012 dans l'instance n° 11PA04786 et par un arrêt du 18 septembre 2013, dans l'instance n° 11PA03206 ; que les sommes en cause ont été effectivement remboursées à la société BNP Paribas le 11 mars 2014 ; que, par une réclamation du 10 juillet 2014, la société BNP Paribas a demandé, pour les sommes en cause, le versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique relève appel du jugement consécutif au rejet de cette demande, en tant que le Tribunal administratif de Paris y a fait partiellement droit ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) " ; qu'à défaut de réclamation régulière de la part du contribuable, l'administration n'est pas tenue de verser des intérêts moratoires sur les dégrèvements qu'elle a prononcés, même lorsque les dégrèvements sont accordés au cours d'une instance contentieuse ;

3. Considérant que la réclamation du 28 décembre 2004 de la société BNP Paribas tendait à obtenir la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses de restaurant, de réception et de spectacles, que la société n'avait pu déduire au titre de la période couvrant les années 1998 à 2002 ; que, cependant, il est constant qu'au cours de la période en litige, la société BNP Paribas, qui exerçait une activité financière exonérée de taxe sur la valeur ajoutée et se trouvait en principe en situation de crédit de TVA, n'a pas présenté de réclamations dans les formes prévues aux articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts, seule voie qui lui était ouverte pour obtenir le remboursement de la taxe déductible ; que si la société BNP Paribas soutient qu'antérieurement à l'arrêt Ampafrance SA et Sanofi Synthelabo, elle n'était pas en situation de présenter des demandes de remboursement, il lui était toutefois loisible de contester la conformité aux principes et aux dispositions du droit de l'Union européenne des dispositions de droit national restreignant l'exercice du droit à déduction de la taxe grevant les dépenses de restauration, de réception et de spectacles, et les demandes de remboursement qu'elle aurait présentées à ce titre n'auraient pas été irrecevables ; que, par ailleurs, si la société BNP Paribas soutient qu'au cours de la période en litige, 8 de ses 72 déclarations de chiffres d'affaires étaient débitrices, il n'est pas établi ni allégué qu'il en serait résulté des excédents de versements liés au défaut d'imputation de la taxe afférente aux dépenses litigieuses et que la réclamation du 28 décembre 2004 porterait sur de tels excédents ; que, dans ces conditions et dès lors que la société BNP Paribas ne peut être regardée comme ayant présenté des réclamations régulières en vue de la restitution de la taxe déductible au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002, les dégrèvements prononcés les 22 octobre 2012 et 5 avril 2013 ont le caractère de dégrèvements d'office, même s'ils sont intervenus au cours d'instances ouvertes devant la Cour ; qu'ils sont par suite insusceptibles d'ouvrir droit au paiement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que le Tribunal administratif de Paris ne pouvait donc faire droit à la demande de versement d'intérêts moratoires présentée par la société BNP Paribas, au motif que ces dégrèvements présentaient un caractère contentieux ; qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société BNP Paribas, tant devant elle que devant le Tribunal ;

3. Considérant que, par une instruction du 13 novembre 2000, 3 D-2-00, commentant la portée de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne mentionné au point 1, l'administration fiscale a précisé que si la mesure d'exclusion prévue par l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts n'était plus applicable aux dépenses de logement, de restaurant, de réception et de spectacles supportées par les redevables au bénéfice de tiers à l'entreprise, en revanche toutes les dépenses de cette nature supportées au bénéfice des dirigeants et des salariés de l'entreprise étaient déjà exclues du droit à déduction par le décret du 27 juillet 1967 et demeuraient donc non détaxables ; que cette instruction a été annulée par un arrêt du Conseil d'Etat n° 229133 du 27 mai 2002 ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, cette simple instruction ne faisait pas obstacle à ce qu'entre novembre 2000 et mai 2002, elle dépose des demandes de remboursement dès lors que de telles demandes auraient été recevables, ainsi qu'il a été dit au point précédent et qu'il était loisible à la société de contester la conformité au droit communautaire de dispositions nationales restreignant l'exercice du droit à déduction, qu'elles résultent de textes législatifs ou réglementaires ou de la doctrine administrative ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique est fondé à demander à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement attaqué et de rejeter les conclusions de la demande de la société BNP Paribas auxquelles le Tribunal administratif de Paris a fait droit ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, en remboursement des frais exposés par la société BNP Paribas ;

DECIDE

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1429284/1-3 du 30 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de la société BNP Paribas auxquelles le Tribunal administratif de Paris a fait droit à l'article 1er de ce jugement sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société BNP Paribas sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société BNP Paribas et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 juin 2017.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00969


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00969
Date de la décision : 28/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-02-02 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Réclamations au directeur. Délai.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : MOAYED

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-28;16pa00969 ?
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