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28/06/2017 | FRANCE | N°16PA00802

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 juin 2017, 16PA00802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ligne Bleue Cyber a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et la restitution, à hauteur d'une somme de 90 335 euros, d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1508400/1-2 du 26 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoi

re, enregistrés les 26 février 2016 et 28 octobre 2016, la société Ligne Bleue Cyber, représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ligne Bleue Cyber a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et la restitution, à hauteur d'une somme de 90 335 euros, d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1508400/1-2 du 26 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 février 2016 et 28 octobre 2016, la société Ligne Bleue Cyber, représentée par la SCP Canis Le Vaillant Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1508400/1-2 du 26 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de lui accorder la décharge et le remboursement demandés ;

3°) de lui accorder les intérêts moratoires à compter du 22 mars 2013 ;

4°) de lui accorder la mainlevée des garanties ;

5°) subsidiairement, de désigner un expert afin que celui-ci se prononce sur l'éligibilité de ses projets au crédit d'impôt recherche ;

6°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de l'expert du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur lequel l'administration s'est fondée pour remettre en cause le crédit d'impôt recherche accordé au titre de 2010 et pour refuser d'accorder le crédit d'impôt recherche demandé au titre de 2011, n'a pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire pendant la vérification de comptabilité ;

- il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire sur l'aspect technique des travaux de recherche, que ce soit avec le vérificateur ou avec l'expert du ministère de la recherche ;

- il n'a pas été donné suite à sa demande d'entretien avec cet expert formulée fin mai 2013 alors que le décret n° 2013-116 du 5 février 2013 prévoit la possibilité d'un tel entretien ;

- la proposition de rectification, qui se borne à renvoyer à l'avis de l'agent du ministère de la recherche, est insuffisamment motivée ; la circulaire du Premier ministre du 28 septembre 1987 prévoit que la motivation par référence à un avis est exclue ; la doctrine administrative (BOI-BIC-RICI-10-10-60 n° 160) prévoit que les éléments communiqués par le ministère de la recherche doivent figurer en clair dans le corps de la proposition de rectification ;

- l'administration s'est estimée à tort liée par l'avis de l'agent du ministère de la recherche, comme le révèle l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable ;

- l'expert mandaté par le ministère de la recherche n'a pas les compétences requises pour se prononcer sur l'éligibilité de ses projets au crédit d'impôt recherche ;

- la Cour doit désigner avant dire droit un expert, chargé de rendre un avis sur l'éligibilité de ses projets au crédit d'impôt recherche ;

- les projets Lexact, Alerte Meteo et Oopa sont éligibles au crédit d'impôt recherche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en ce qui concerne le crédit de l'année 2011, les conclusions sont sans objet à hauteur de la somme de 45 839 euros, déjà restituée ;

- aucun des moyens de la requérante n'est fondé.

Par ordonnance du 2 février 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2017 à 12 heures.

Un mémoire, présenté par le ministre de l'économie et des finances, a été enregistré le 7 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Boulay, avocate de la société Ligne Bleue Cyber.

1. Considérant que la société Ligne Bleue Cyber exerce une activité de création et de développement de logiciels dans le domaine des télécommunications ; qu'elle a fait l'objet en 2013 d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service, après avoir interrogé le ministère chargé de la recherche conformément au deuxième alinéa du I de l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales, a, d'une part, remis en cause à hauteur de la somme de 101 684 euros un crédit d'impôt recherche d'un montant de 163 494 euros qui lui avait été accordé au titre de l'année 2010, d'autre part, limité à la somme de 45 839 euros le crédit d'impôt recherche d'un montant de 90 335 euros, dont elle demandait la restitution au titre de l'année 2011 ; que, par la présente requête, la société Ligne Bleue Cyber relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a en conséquence été assujettie au titre de l'année 2010 et à la restitution du crédit d'impôt recherche dont le remboursement lui a été refusé au titre de l'année 2011 ;

Sur les conclusions aux fins de décharge et de restitution :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. /Un décret fixe les conditions d'application du présent article " ; que l'article R. 45 B-1 du même livre dispose : " I.-La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier. /L'intervention des agents du ministère chargé de la recherche peut résulter soit d'une initiative de ce ministère, soit d'une demande de l'administration des impôts dans le cadre d'un contrôle ou d'un contentieux fiscal (...) " ; que, si en vertu de ces dispositions, les agents du ministère de la recherche et de la technologie peuvent vérifier auprès d'une entreprise la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt, ni ces dispositions, ni aucun texte ou principe ne leur imposent, en tout état de cause, d'engager avec l'entreprise un débat oral et contradictoire sur la réalité de cette affectation ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause le crédit d'impôt recherche dont la société Ligne Bleue Cyber avait bénéficié au titre de l'année 2010 et refuser de lui accorder la totalité du remboursement du crédit d'impôt recherche qu'elle demandait au titre de l'année 2011, l'administration fiscale s'est exclusivement fondée sur un rapport rédigé le 30 mai 2013 par un agent mandaté par le ministère de la recherche et non sur des investigations auxquelles le vérificateur aurait procédé au cours de la vérification de comptabilité, relativement au caractère innovant des projets ; que la société Ligne Bleue Cyber ne peut dès lors utilement soutenir que le rapport établi par cet agent n'a pas donné lieu à un débat oral et contradictoire, avec l'agent du ministère de la recherche ou avec le vérificateur ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-116 du 5 février 2013 : " (...) II.- Dans le cadre de cette procédure, l'agent chargé du contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses déclarées envoie à l'entreprise contrôlée une demande d'éléments justificatifs. L'entreprise répond dans un délai de trente jours, éventuellement prorogé de la même durée à sa demande. L'entreprise joint à sa réponse les documents nécessaires à l'expertise de l'éligibilité des dépenses dont la liste est précisée dans la demande d'éléments justificatifs, notamment : (...) L'agent chargé du contrôle peut envoyer à l'entreprise contrôlée une demande d'informations complémentaires à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours./ Si les éléments fournis par l'entreprise en réponse à cette demande ne permettent pas de mener l'expertise à bien, l'agent chargé du contrôle peut envoyer à l'entreprise contrôlée une seconde demande d'informations à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours. Dans ce délai, l'entreprise a la faculté de demander un entretien afin de clarifier les conditions d'éligibilité des dépenses (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'entreprise ne peut bénéficier de l'entretien qu'elles prévoient que si l'agent chargé du contrôle lui a envoyé une demande d'éléments justificatifs, puis deux demandes successives d'informations, en lui laissant à chaque fois un délai de réponse de trente jours ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu que la société Ligne Bleue Cyber se serait trouvée dans ce cas de figure ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; que la proposition de rectification du 7 juin 2013 comporte un rappel des dispositions légales applicables, une description succincte des quatre projets au titre desquels la société Ligne Bleue Cyber demande le bénéfice des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, mentionne que l'avis du ministère de la recherche a été sollicité et que cet avis est joint en annexe et précise que " le service partage les avis et arguments de l'expert du ministère de la recherche ", avant d'indiquer les montants des rappels ; que l'avis de l'agent du ministère de la recherche, qui est joint en annexe, expose clairement les raisons pour lesquelles trois des quatre projets ne peuvent être regardés comme éligibles au crédit d'impôt recherche ; que cette motivation est conforme aux dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que si la société Ligne Bleue Cyber fait référence à la circulaire du Premier ministre du 28 septembre 1987, prise pour l'application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, elle ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire pour contester la régularité de la proposition de rectification, dès lors qu'elle n'est pas applicable aux décisions par lesquelles l'administration met une imposition à la charge d'un contribuable ; que la société Ligne Bleue Cyber ne peut en tout état de cause se prévaloir de la doctrine référencée BOI-BIC-RICI-10-10-60 n° 160, qui a trait à la procédure d'imposition ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; que, dans la réponse aux observations du contribuable en date du 6 août 2013, le vérificateur a répondu aux observations présentées le 26 juillet 2013 par la société Ligne Bleue Cyber en ce qui concerne l'éligibilité de ses projets au crédit d'impôt recherche ; que même s'il s'est à nouveau référé à l'avis rendu par l'expert du ministère de la recherche, il n'en résulte pas qu'il se serait cru lié par cet avis ; qu'il a exposé les conditions que doivent remplir les travaux de recherche concernant les logiciels informatiques pour pouvoir être pris en compte au titre du crédit d'impôt recherche et relevé que la société n'avait effectué aucun dépôt de brevet auprès de l'Institut national de la propriété industrielle ; que, contrairement à ce que semble soutenir la société, le vérificateur s'est pas borné à réitérer les termes de la proposition de rectification ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable doit dès lors être écarté ;

6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'agent mandaté par le ministère de la recherche, qui était chercheur à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), n'aurait pas eu la compétence requise pour se prononcer utilement sur les projets qui lui étaient soumis ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ; qu'il résulte de ces dispositions que ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt-recherche que les dépenses exposées pour le développement de logiciels dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation desdites techniques ;

8. Considérant que la société requérante conteste que les dépenses qu'elle a exposées pour les projets Lexact, Alerte Meteo et Oopa ne pourraient bénéficier du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées ; que, cependant, elle procède par affirmations et n'apporte pas d'élément de nature à établir que, contrairement à ce qu'a estimé l'agent mandaté par le ministère de la recherche, elle aurait exposé clairement l'état de l'art en ce qui concerne le projet Lexact, que l'état de l'art justifiait la réalisation du projet Alerte Meteo et que, pour les trois projets, la prise de risque était élevée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, ni d'ordonner l'expertise sollicitée, que la société Ligne Bleue Cyber n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à la mainlevée des garanties :

10. Considérant que de telles conclusions, qui relèvent du contentieux du recouvrement, sont irrecevables dans un litige d'assiette ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la société Ligne Bleue Cyber sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la société Ligne Bleue Cyber est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ligne Bleue Cyber et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1)

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 juin 2017.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00802
Date de la décision : 28/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-09 Contributions et taxes. Incitations fiscales à l'investissement.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : CABINET SCP CANIS LE VAILLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-28;16pa00802 ?
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