Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...B...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 1152 CM du 20 août 2015 portant déclaration d'utilité publique de l'acquisition des terrains nécessaires au projet " Tahiti Mahana Beach " et cessibilité des parcelles nécessaires à la réalisation de ce projet.
Par un jugement n° 1500648 du 21 juin 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée par télécopie le 29 juin 2016, régularisée le 12 juillet 2016 par la production de l'original, MmeB..., représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 21 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 1152 CM du 20 août 2015 portant déclaration d'utilité publique de l'acquisition des terrains nécessaires au projet " Tahiti Mahana Beach " et cessibilité des parcelles nécessaires à la réalisation de ce projet ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 565 000 F CFP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'enquête publique n'a pas été diligentée par une autorité compétente et indépendante ;
- l'arrêté du 20 août 2015 est insuffisamment motivé ;
- le projet ne présente pas d'utilité publique et répond uniquement à des intérêts privés ;
- le lien entre sa parcelle et l'utilité publique du projet n'est pas établi ;
- l'indemnité d'expropriation proposée ne couvre pas les sommes exposées pour acheter le terrain et construire sa maison.
Par un mémoire en défense, enregistré par télécopie le 26 octobre 2016, régularisé le 8 novembre 2016 par la production de l'original, l'établissement public Tahiti Nui aménagement et développement, représenté par MeC..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mis à la charge de Mme B...le versement de la somme de 200 000 F CFP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête présentée par Mme B...devant le tribunal administratif était irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2016, la Polynésie française, représentée par MeA..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mis à la charge de Mme B...le versement de la somme de 178 995 F CFP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête présentée par Mme B...devant le tribunal administratif était irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en réplique, enregistrés par télécopie le 29 décembre 2016, régularisés le 10 janvier 2017 par la production des originaux, Mme B...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Par un mémoire, enregistré le 10 mai 2015, Mme B...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre que l'ordonnance d'expropriation du 17 novembre 2015 rendue par le Tribunal de première instance de Papeete a été annulée par un arrêt du 27 avril 2017 de la Cour de Cassation au motif que l'établissement public Tahiti Nui aménagement et développement n'avait pas qualité pour initier la procédure d'expropriation ; qu'en conséquence, l'arrêté du 20 août 2015 doit être annulé pour les mêmes motifs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2017, l'établissement public Tahiti Nui aménagement et développement conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi du pays n° 2014-3 du 23 janvier 2014 portant création de la zone prioritaire d'aménagement et de développement touristique de Mahana ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique applicable en Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant que la loi du pays du 23 janvier 2014 a créé sur le territoire de la commune de Punaauia une zone prioritaire d'aménagement et de développement touristique dite " Zone de Mahana Beach " et a fixé les modalités d'une consultation publique ; que, par deux arrêtés du 9 avril et du 18 mai 2015, le Président de la Polynésie française a prescrit, d'une part, l'ouverture d'une enquête sur l'utilité publique du projet d'acquisition des terrains nécessaires au projet " Tahiti Mahana Beach ", et, d'autre part, l'ouverture d'une enquête parcellaire en vue de délimiter exactement les parcelles à acquérir pour la réalisation du projet ; qu'une enquête publique s'est déroulée du 4 au 25 juin 2015 ; que le commissaire enquêteur a émis, le 20 juillet 2015, un avis favorable au projet ; que Mme B...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 1152 CM du 20 août 2015 déclarant d'utilité publique l'acquisition des parcelles de terre nécessaires à l'aménagement du projet " Tahiti Mahana Beach " et déclarant cessible la parcelle A n° 32 lui appartenant ; que, par un jugement du 21 juin 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; qu'elle fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le jugement du 21 juin 2016 répond à l'ensemble des moyens soulevés en première instance par MmeB... ; que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par celle-ci à l'appui de ses moyens ; que, dans ces conditions, le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer et comporte une motivation suffisante au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur la légalité externe de l'arrêté du 20 août 2015 :
3. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 9 avril 2015, M. E...a été désigné comme commissaire enquêteur ; que la circonstance, à la supposer même établie, qu'il soit retraité et qu'il ait été radié de l'Institut de la statistique de la Polynésie française alors qu'il y travaillait en tant que géomètre ne suffit pas à établir qu'il ne disposait pas des compétences et de l'indépendance requises pour diligenter l'enquête publique ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du 20 août 2015 comporte l'exposé de l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, il est suffisamment motivé ; que la circonstance que l'arrêté ne précise pas de manière exhaustive l'ensemble des pièces du dossier n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité ;
Sur l'utilité publique du projet :
5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la note de présentation du dossier d'expropriation pour cause d'utilité publique que la parcelle cadastrée A n° 32 dont Mme B...est propriétaire a été incluse dans le périmètre de la zone à aménager et qu'elle a été identifiée comme réserve foncière nécessaire à la finalisation du projet ; que, dès lors, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que l'expropriation de cette parcelle ne présenterait pas de lien avec l'utilité publique du projet ;
6. Considérant, en second lieu, qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du pays du 23 janvier 2014 : " Il est créé, sur le territoire de la commune de Punaauia, aux fins d'applications de la présente loi du pays, une zone prioritaire d'aménagement et de développement touristique, ci-après dénommée "Zone de Mahana Beach". (...) La zone prioritaire d'aménagement et de développement touristique a pour objet de permettre à la Polynésie française d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement de terrains en vue de la création, dans les meilleurs délais, d'un ensemble à vocation touristique qui pourra notamment comprendre des hôtels, des espaces commerciaux, des équipements sportifs et nautiques, un auditorium et un centre de congrès et de conférences, mais également un périmètre de protection de la zone patrimoniale de la pointe Tata'a " ; qu'il ressort de la note de présentation du dossier d'expropriation pour cause d'utilité publique que le projet " Tahiti Mahana Beach " doit permettre un aménagement global et cohérent du littoral concerné et tend à relancer le tourisme et, plus globalement, l'activité économique locale, en accueillant jusqu'à 300 000 touristes supplémentaires par an, et en permettant la création à terme de près de 8 100 emplois et, pendant la durée du chantier, de 5 000 emplois ; que le projet doit, dans ces conditions, être regardé comme répondant à une finalité d'intérêt général, alors même qu'ainsi que Mme B...le soutient, la construction et l'exploitation des installations seraient confiées à des investisseurs privés ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la Polynésie française qui maîtrisait déjà 34 hectares sur les 52 hectares d'emprise foncière du projet, aurait disposé d'autres terrains lui appartenant pour permettre la réalisation du projet " Tahiti Mahana Beach " dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation ;
9. Considérant, enfin, que Mme B...soutient que l'opération projetée comporte des inconvénients excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente, dès lors que le projet " Tahiti Mahana Beach " porte atteinte à sa propriété privée et que l'indemnité d'expropriation qui lui a été proposée ne couvre pas les sommes qu'elle a exposées pour acheter son terrain et construire sa maison ; que, toutefois, en application de l'article 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique applicable en Polynésie française, les conditions d'indemnisation de l'atteinte à la propriété privée par l'allocation d'une indemnité d'expropriation ne relèvent pas de l'appréciation du juge administratif mais du juge judiciaire de l'expropriation ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que l'expropriation envisagée porte sur un nombre restreint de propriétés ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût du projet pour l'autorité expropriante , les atteintes à la propriété privée, et les éventuels autres inconvénients d'ordre social ou économique du projet seraient excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'en raison de l'autonomie des phases administrative et judiciaire de l'expropriation, l'annulation de l'ordonnance d'expropriation du 17 novembre 2015 par un arrêt du 27 avril 2017 de la Cour de Cassation est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que si Mme B...tire de cet arrêt que l'établissement public Tahiti Nui aménagement et développement n'avait pas qualité pour initier la procédure d'expropriation, il est constant que cette procédure a été initiée par le Président de la Polynésie française par arrêtés des 9 avril et 18 mai 2015 pris en application de la loi du pays du 23 janvier 2014 ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française et par l'établissement public Tahiti Nui aménagement et développement, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 août 2015 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...le versement de la somme que la Polynésie française et l'établissement public Tahiti Nui aménagement et développement demandent sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française et par l'établissement public Tahiti Nui aménagement et développement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B..., à la Polynésie française et à l'établissement public Tahiti Nui aménagement et développement.
Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juin 2017.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02086