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12/06/2017 | FRANCE | N°15PA02861

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 12 juin 2017, 15PA02861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 6 mars 2013 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France a refusé son inscription à titre dérogatoire sur le registre des psychothérapeutes, ensemble la décision du 21 mai 2013 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision et d'enjoindre au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France de réexaminer sa demande d'inscription dans un délai de quinze jo

urs à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 250 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 6 mars 2013 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France a refusé son inscription à titre dérogatoire sur le registre des psychothérapeutes, ensemble la décision du 21 mai 2013 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision et d'enjoindre au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France de réexaminer sa demande d'inscription dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1305840 du 21 mai 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, Mme A...C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305840 du 21 mai 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 6 mars 2013 ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France de statuer à nouveau sur sa demande d'autorisation d'inscription à titre dérogatoire sur la liste départementale des psychothérapeutes dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne justifiait pas de formations validées et d'une expérience professionnelle pouvant être admises en équivalence de la formation minimale en psychopathologie prévue à l'article 1er du décret du 20 mai 2010 ;

- il n'est pas contesté qu'elle justifie d'une pratique de la psychothérapie de plus de cinq ans à la date d'entrée en vigueur du décret du 20 mai 2010 ;

- elle justifie avoir validé des formations (diplômes en sciences de l'éducation, diplôme universitaire et master en thérapies à médiations artistiques, institut de formation à l'analyse tridimensionnelle, stages) qui auraient dû être prises en compte en équivalence de la formation minimale requise des psychothérapeutes ;

- elle justifie d'une expérience, d'une formation et d'une pratique reconnue et validée dans le cadre de l'autoréglementation de la profession ;

- l'administration avait la faculté de subordonner l'autorisation à l'accomplissement d'une formation complémentaire nécessaire à l'inscription sur le registre des psychothérapeutes en application du II de l'article 16 du décret du 20 mai 2010.

La requête a été communiquée le 31 août 2015 au ministre des affaires sociales et de la santé et à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France qui n'ont pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 29 juin 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique,

- le décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 relatif à l'usage du titre de psychothérapeute,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...C...a sollicité son inscription sur le registre national des psychothérapeutes au titre de l'article 16 du décret du 20 mai 2010. Après examen de son dossier par la commission régionale d'inscription le 7 décembre 2012, le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France a, par une décision du 6 mars 2013, rejeté sa demande. Mme A... C...relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 : " L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes. / L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le directeur général de l'agence régionale de santé de leur résidence professionnelle [...]. / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article et les conditions de formation théorique et pratique en psychopathologie clinique que doivent remplir les professionnels souhaitant s'inscrire au registre national des psychothérapeutes. [...]. / L'accès à cette formation est réservé aux titulaires d'un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d'exercer la médecine en France ou d'un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse. / [...]. / Le décret en Conseil d'Etat précise également les dispositions transitoires dont peuvent bénéficier les professionnels justifiant d'au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie à la date de publication du décret ". Aux termes de l'article 16 du décret du 20 mai 2010 pris pour l'application de ces dispositions : " I- Les professionnels justifiant d'au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie à la date de publication du présent décret peuvent être inscrits sur la liste mentionnée à l'article 7 alors même qu'ils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplôme prévues aux articles 1er et 6 du présent décret. [...]. / II- [...]. / La commission s'assure que les formations précédemment validées par le professionnel et son expérience professionnelle peuvent être admises en équivalence de la formation minimale prévue à l'article 1er et, le cas échéant, du diplôme prévu à l'article 6. Elle définit, si nécessaire, la nature et la durée de la formation complémentaire nécessaire à l'inscription sur le registre des psychothérapeutes ". Aux termes de l'article 1er dudit décret : " L'inscription sur le registre national des psychothérapeutes mentionné à l'article 52 de la loi du 9 août 2004 susvisée est subordonnée à la validation d'une formation en psychopathologie clinique de 400 heures minimum et d'un stage pratique d'une durée minimale correspondant à cinq mois effectué dans les conditions prévues à l'article 4. / L'accès à cette formation est réservé aux titulaires d'un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d'exercer la médecine en France ou d'un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse ". Aux termes de l'article 3 du décret du 20 mai 2010 : " La formation mentionnée à l'article 1er vise à permettre aux professionnels souhaitant user du titre de psychothérapeute d'acquérir et de valider des connaissances relatives : / 1° Aux développement, fonctionnement et processus psychiques ; / 2° Aux critères de discernement des grandes pathologies psychiatriques ; / 3° Aux différentes théories se rapportant à la psychopathologie ; / 4° Aux principales approches utilisées en psychothérapie ". Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " L'établissement de formation s'assure, au moment de l'inscription, que le candidat justifie de l'un des diplômes ou titres de formation mentionnés au quatrième alinéa de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 ou d'un diplôme ou titre de formation reconnu équivalent dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ".

3. L'article 52 de la loi du 9 août 2004 a prévu, à titre transitoire, la possibilité pour les professionnels qui ne remplissent pas les conditions de formation et de diplôme permettant une inscription au registre national des psychothérapeutes de bénéficier d'une inscription dérogatoire et renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions de cette inscription dérogatoire. Il résulte de la combinaison du I et du II de l'article 16 du décret du 20 mai 2010, pris pour l'application de l'article 52 de la loi du 9 août 2004, que la décision autorisant l'inscription dérogatoire au registre national des psychothérapeutes est prise après avis d'une commission régionale d'inscription et est subordonnée à la double condition que le professionnel justifie d'au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie à la date de publication du décret et que les formations qu'il a précédemment validées ainsi que son expérience professionnelle puissent être admises en équivalence de la formation minimale prévue à l'article 1er du même décret et, le cas échéant, du diplôme prévu à son article 6.

4. Le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France a, par sa décision du 6 mars 2013, refusé d'inscrire Mme A...C...sur la liste des psychothérapeutes mentionnée au deuxième alinéa de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 aux motifs que " l'intéressée allègue une pratique de la psychothérapie d'au moins cinq ans à la date de publication du décret du 20 mai 2010 susvisé " et que " les formations et l'expérience professionnelle dont se prévaut l'intéressée ne peuvent pas être admises en équivalence de la formation minimale prévue à l'article 1er du décret du 20 mai 2010 et, le cas échéant, du diplôme prévu à l'article 6 de ce même décret, le contenu et la durée des formations validées étant manifestement insuffisants par rapport aux exigences réglementaires (notamment absence de stage en structure sanitaire et / ou médico-sociale, insuffisance de formation en psychopathologie) ".

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme A...C...est titulaire d'une maîtrise de sciences de l'éducation (1994-1995) et d'un diplôme d'études supérieures spécialisées en responsable de formation développement (1996-1997) délivrés par l'université Paris XII-Val-de-Marne ainsi que d'un diplôme universitaire (DU) " Bases des thérapies à médiation artistique : art thérapie " délivré par la faculté de médecine Paris Descartes (2013). Toutefois, les programmes relatifs à ces diplômes ne permettent pas de justifier que l'intéressée aurait acquis les connaissances théoriques équivalentes à celles définies par les dispositions sus-rappelées du décret du 20 mai 2010 compte tenu du nombre d'heures insuffisamment dédiées aux matières telles que définies à l'article 3 du décret du 20 mai 2010 et de ce que les modules validés ne couvrent pas l'intégralité de ces matières. A ce titre, la requérante ne peut justifier avoir validé, au titre de sa maîtrise, que le module 3.1 relatif " Au développement psychologique de l'enfant et de l'adolescent " d'une durée de 18 heures et, au titre de son DU, le module " Sémiologie psychiatrique " à concurrence de 18 heures et de cours ciblés sur la psychopathologie-psychothérapie à hauteur de 39 heures. Par ailleurs, si l'intéressée démontre avoir suivi au sein de l'Institut de formation en EmètAnalyse (nouvellement dénommé Institut d'études en Analyse TriDimensionnelle) une formation validée au cours de la période 1995-2003, elle ne démontre pas que les séminaires validés (dont le séminaire III " personnalité, psychopathologie et pneumapathologie de l'enfant, de l'adolescent, des jeunes et des adultes " du cycle III) et dont les intitulés, ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif, sont, pour la plupart, très généraux et parfois obscurs, couvriraient en nombre d'heures et en contenu une équivalence aux matières définies à l'article 3 du décret du 20 mai 2010. Parallèlement à ce cursus, s'il ressort des pièces du dossier que Mme A...C...a suivi, pour la période courant du 29 mars au 13 décembre 2012, un stage au centre hospitalier Sainte-Anne, il ne ressort pas de l'attestation établie par le docteur Dubois qu'elle aurait mis en pratique une formation en psychopathologie clinique alors qu'elle l'a réalisée dans le cadre du DU " Bases des thérapies à médiation artistique : art thérapie " et qu'elle a consacré une partie de ce stage à la préparation d'ateliers d'art thérapie et à la participation au déroulement des séances de thérapie. En outre, si elle a été employée du 23 janvier au 31 octobre 1995 à l'ABEJ Diaconie de Vitry-sur-Seine, il ressort de l'attestation du président de cette association du 17 avril 2013 qu'elle s'est consacrée à l'écoute des usagers et les a soutenus dans leur démarche d'insertion (aide médicale gratuite, contrat d'insertion, recherche d'emploi, logement), a participé à des réunions de synthèse et a partagé avec l'équipe sur la désinsertion sociale. Par suite, Mme A...C...ne peut justifier par les documents qu'elle a produits qu'elle aurait acquis des connaissances théoriques, cliniques et pratiques ainsi que, en tout état de cause, une pratique professionnelle de l'activité de psychothérapeute de plus de cinq ans à la date de publication du décret du 20 mai 2010, équivalente à celles définies par les dispositions susmentionnées. Les circonstances que des médecins attestent lui avoir adressé une patientèle (névrose, " burn-out ", " baby-blues ", traumatismes psychiques, états dépressifs, phobies, surmenage, conflits au travail) et qu'elle ait travaillé ou échangé avec des professionnels du centre hospitalier de Lagny-Marne-la-Vallée et qu'elle exerce en qualité de maître de conférence associé à l'université Paris XII ne sont pas suffisantes pour remettre en cause une telle appréciation.

6. D'autre part, la légalité de la décision du directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France devant s'apprécier au regard des dispositions de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 et du décret du 20 mai 2010 en vigueur à la date à laquelle elle a été édictée, Mme A...C...ne saurait utilement se prévaloir de ce que ses compétences avaient été reconnues dans le cadre de l'autorégulation de la profession antérieure à l'édiction de cette législation.

7. Enfin, si Mme A...C...soutient que l'administration n'a pas utilisé la faculté dont elle dispose, prévue au II de l'article 16 du décret du 20 mai 2010, de lui faire suivre des formations complémentaires, ces dispositions ne créent qu'une faculté, et non une obligation, pour le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France de définir, sur proposition de la commission, la nature et la durée de la formation complémentaire nécessaire à l'inscription du demandeur sur le registre des psychothérapeutes. En tout état de cause, et ainsi que l'a indiqué le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France dans le mémoire produit devant le tribunal administratif, " à supposer qu'[une formation complémentaire] ait été prescrite pour une durée maximale de 400 heures de formation des quatre modules de l'article 2 de l'arrêté du 8 juin 2010 et de cinq mois de stage dans un établissement autorisé, [il] aurait subsisté un écart trop important avec la formation initiale validée par Mme A...C... ". Dès lors, compte tenu de l'insuffisance de la formation validée par l'intéressée, l'administration a pu légalement décider de ne pas user de cette faculté.

8. Il suit de là que le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant, après avoir été éclairé par l'avis défavorable de la commission régionale d'inscription des psychothérapeutes, que Mme A...C...ne remplissait pas les conditions requises pour être autorisée, de manière dérogatoire, à faire usage du titre de psychothérapeute.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2017.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02861
Date de la décision : 12/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-02 Professions, charges et offices. Accès aux professions.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP CHENEAU et PUYBASSET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-12;15pa02861 ?
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