Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL CPMIX a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution du crédit d'impôt en faveur de la recherche dont elle s'estime titulaire au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1508397/1-2 du 20 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 novembre 2016 et 14 avril 2017, la SARL CPMIX puis, venant aux droits et obligations de celle-ci, la société Oberthur Technologies, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt en faveur de la recherche dont elle s'estime titulaire au titre des années 2010 et 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- en jugeant que ni la société suisse, ni la société canadienne ne réalisait de cycle commercial complet en France, le tribunal administratif s'est mépris sur la portée du moyen dont il était saisi ;
- elle était passible de l'impôt sur les sociétés en France et donc éligible au crédit d'impôt recherche dès lors qu'elle exploitait une entreprise en France au sens de l'article 209 I du code général des impôts et de la doctrine référencée 4 H-1111, 4 H-1412 et 4 H-1413 du 1er mars 1995 ; elle disposait ainsi de son siège social en France, lequel est présumé constituer un établissement autonome, et en tout état de cause, elle réalisait en France un cycle commercial complet ;
- elle disposait d'un établissement stable au sens de l'article 5 de la convention franco-américaine du 31 août 1994 et de l'article 7 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ; l'activité de recherche et développement étant sa seule activité, elle ne pouvait présenter un caractère préparatoire ou auxiliaire au sens des conventions fiscales franco-suisse et franco-américaine.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 mars 2017 et 20 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
- la convention franco-américaine du 31 août 1994 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL CPMIX, qui exerçait une activité de prestations de services dans le domaine des cartes à composants multiples destinées aux applications de sécurité et d'authentification, a été détenue par une société de droit américain entre juillet 2008 et
décembre 2011, puis par une société de droit suisse et enfin, par la société Oberthur Technologies, qui a décidé sa dissolution sans liquidation ; que la société Oberthur Technologies, venant aux droits de la SARL CPMIX, relève appel du jugement n° 1508397/1-2 du
20 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de restitution du crédit d'impôt en faveur de la recherche dont celle-ci s'estimait titulaire au titre des années 2010 et 2011 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société requérante à l'appui de ses moyens, ont statué aux points 3 et 6 de leur jugement sur le moyen qui leur était soumis et tiré de ce que la SARL CPMIX était assujettie à l'impôt sur les sociétés en France au motif qu'elle y exploitait un établissement stable ; que, par suite, le jugement est suffisamment motivé, alors même qu'il ne répond pas à l'argument tiré de ce que son activité en France ne présentait pas un caractère préparatoire ou auxiliaire au sens des conventions franco-suisse et franco-américaine ;
3. Considérant que la société requérante soutient qu'en jugeant que la société suisse, puis la société canadienne n'avaient pas réalisé un cycle commercial complet en France, le tribunal administratif s'est mépris sur la portée du moyen dont il était saisi ; que, toutefois, la pertinence des motifs retenus par les premiers juges est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ; qu'en outre, la mention au point 3 d'une société de " droit canadien ", à la place de " droit américain " constitue une erreur matérielle sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, ce dernier se référant expressément à la convention franco-américaine
du 31 août 1994 en son point 5 ;
Sur le bien fondé de la demande de restitution :
En ce qui concerne le droit interne :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) / Pour être éligibles au crédit d'impôt mentionné au premier alinéa du I, les dépenses prévues aux a à j doivent être des dépenses retenues pour la détermination du résultat imposable à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (...) " ; qu'aux termes de l'article 209 du même code : " I. (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant en compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'en vertu de ces dernières dispositions, les bénéfices réalisés par une entreprise sont imposables en France notamment lorsqu'ils résultent d'opérations constituant l'exercice habituel en France d'une activité, c'est-à-dire lorsque l'entreprise exploite en France un établissement, y réalise des opérations par l'intermédiaire de représentants, ou si les opérations forment un cycle commercial complet ;
5. Considérant que pour démontrer qu'elle serait assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 et 2011, la SARL CPMIX soutient, d'une part, qu'elle disposait en France de son siège social et qu'elle y exploitait effectivement une entreprise ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté, faute pour la société de communiquer au juge les éléments qu'elle est seule en mesure de produire, que, jusqu'en décembre 2014, les locaux à usage de bureaux dont faisait état la société CPMIX correspondaient à une simple adresse de domiciliation, chez " SOFRADOM " au 82 rue de Réaumur à Paris ; qu'en outre, la société CPMIX, qui était intégralement détenue par une société de droit américain, puis par une société de droit suisse, ne disposait en France d'aucun organe de direction ; qu'en effet, les deux co-gérants de cette société, qui exerçaient des responsabilités importantes au sein de la société de droit suisse " Nagraid Security ", résidaient aux Etats-Unis ; que, par ailleurs, les deux salariés employés par cette société en France, occupaient, pour l'un, les fonctions d'ingénieur électronicien, sous le contrôle et l'autorité de ses supérieurs hiérarchiques, le lieu de travail n'étant pas expressément précisé et le contrat de travail se limitant à indiquer qu'il exercera ses fonctions " dans un établissement de la région parisienne ", et, pour l'autre, les fonctions de responsable de l'approvisionnement et de l'ingénierie électronique, sous le contrôle et l'autorité de ses supérieurs hiérarchiques, son lieu de travail étant fixé " dans un établissement à Marseille " ; que, par suite, ces salariés ne pouvaient être considérés comme exerçant un pouvoir de direction de la société CPMIX ; qu'ainsi, cette société, qui ne disposait d'aucun organe de direction en France ni d'une installation fixe à partir de laquelle aurait été exercée son activité, ne saurait être regardée comme ayant exploité une entreprise en France au sens des dispositions précitées de l'article 209-I du code général des impôts ; que, d'autre part, elle ne peut davantage être regardée comme ayant réalisé un cycle commercial complet en France ; qu'en effet, son chiffre d'affaires était exclusivement constitué de la refacturation, auprès de sa société mère, des dépenses de recherche engagées, et le projet de recherche qu'elle développait, intitulé " projet information displaycard ", s'intégrait dans un projet global dont le développement et la commercialisation étaient effectués en Suisse par la société suisse " Nagraid Security " ; qu'enfin, elle ne disposait d'aucune liberté dans le choix des travaux de recherche qu'elle effectuait, ni d'aucun pouvoir de commercialisation lié à ses travaux de recherche ; que dans ces conditions, la société CPMIX n'ayant pas, au cours de la période en litige, disposé d'une entreprise exploitée en France ni exercé un cycle commercial complet au sens des dispositions de l'article 209-I du code général des impôts, c'est à bon droit qu'elle a été regardée par l'administration fiscale, sur le terrain de la loi fiscale, comme n'étant pas assujettie à l'impôt sur les sociétés en France ;
S'agissant de la doctrine :
6. Considérant que la SARL CPMIX se prévaut de plusieurs instructions administratives du 1er mars 1995 codifiées à la documentation de base sous les références " 4 H-1111 ",
" 4 H-1412 " et " 4 H-1413 " ; que, toutefois, ces instructions ne font pas des dispositions précitées une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application ;
En ce qui concerne l'application des conventions fiscales :
7. Considérant que la SARL CPMIX, qui n'a pas été assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 et 2011, ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ni de celles de la convention franco-américaine du 31 août 1994, lesdites conventions ayant pour objet " d'éviter les doubles impositions " ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL CPMIX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que sa requête devant la Cour ne peut, en conséquence, qu'être rejetée, en toutes ses conclusions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société CPMIX est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Oberthur Technologies, venant aux droits de la société CPMIX et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2017.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03327